Politique énergétique et collectivités locales : le témoignage d’un élu

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Depuis les dernières décennies du 20ème siècle, d’autres acteurs que l’Etat national sont en charge de la politique énergétique. Pourquoi et comment ? Le témoignage du maire de Grenoble entre 1995 et 2014 est particulièrement précieux pour comprendre l’action d’une collectivité locale sur ce terrain.

« Je m’intéresse à l’avenir car c’est là que j’ai décidé de passer le restant de mes jours », Woody Allen.

Sollicité par l’équipe éditoriale de l’Encyclopédie de l’Energie, j’ai hésité car je ne me considérais pas comme un expert de la politique énergétique, puis j’ai pensé, sur la base de mon expérience, pouvoir apporter un témoignage personnel, en dehors de ce qui est largement convenu sur le sujet.

 

1. Une expérience longue et variée

Mon parcours professionnel dans le domaine de l’énergie commence au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) à Grenoble, où j’ai effectué une thèse de neutronique. Il se poursuit :

  • à CORYS, start-up devenue PME, que j’ai contribué à fonder et à présider les premières années, pour concevoir et réaliser des simulateurs dans le domaine de l’énergie et de la mobilité (figure 1) ;

 

  • à l’Assemblée nationale, où j’ai présidé pendant quelques années les journées parlementaires de l’énergie et rédigé quelques rapports sur le sujet ;
  • à la mairie de Grenoble où je me suis attaché, avec mon équipe, à développer des politiques de développement durable, au sein d’un écosystème (recherche, universités, industrie, services, entre autres) exceptionnel ;
  • au Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART) et à Association des Maires des Grandes Villes de France (AMGVF), associations d’élus que j’ai présidées de 2001 à 2014, en veillant à promouvoir des politiques énergétiques et environnementales, efficaces et durables;
  • dans les instances dirigeantes du Parti Socialiste (PS), où j’ai présidé son Conseil National et œuvré, comme secrétaire national à l’industrie, à ne pas laisser dériver la politique dans ces domaines au gré des alliances et des opportunités électorales ;
  • à l’Agence Française de Développement (AFD) où j’ai été administrateur pendant 5 ans, sensible aux besoins énergétiques des pays du Sud ;
  • enfin, en 2021, au sein de Conseils d’administration et d’orientation d’organismes liés aux préoccupations énergétiques et environnementales : ENGIE / GRT Gaz ou les ONG Electriciens Sans Frontières et AgriSud International.

De tout cela, avec recul et modestie, j’en viens à livrer quelques remarques personnelles qui me tiennent à cœur… dans un regard sur l’actualité tourné vers l’avenir.

 

2. La recherche scientifique au service de l’humanité

À une époque où la science s’est enrichie de découvertes, inimaginables il y a seulement quelques décennies, nous vivons paradoxalement dans des sociétés où elle est souvent mal comprise, voire dénigrée et attaquée. La globalisation de l’économie et du marché a créé des situations d’exclusions et des peurs, entretenues de façon coupable par certains, qui, au lieu de s’en prendre aux causes des inégalités insupportables liées à la logique d’un capitalisme de plus en plus financier, finissent par rendre menaçante toute activité, comme la science, porteuse de valeurs universelles qu’aucun groupe ne peut s’approprier.

En outre, les difficultés économiques ont réduit, en France notamment, les budgets alloués à la recherche, rendant très difficiles les conditions de travail des jeunes chercheurs, qui se tournent alors vers d’autres horizons. Les détracteurs de la science surfent sur ces peurs et ces réactions de repli sur soi pour développer des stratégies perverses mais souvent médiatiquement efficaces. L’actualité relative à la pandémie et à la vaccination, qui est pourtant intervenue avec une rapidité inespérée, en donne un nouvel et malheureux exemple (figure 2).

 

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Fig. 2. La contestation de la science. [Source : © reforme.net, https://www.reforme.net/opinions/2018/06/20/mai-68-dans-le-monde-de-la-recherche/]

Les enjeux énergétiques se trouvent eux aussi confrontés à une opinion publique perplexe où les exhortations idéologiques simplistes finissent par l’emporter sur les raisonnements rationnels appuyés sur des démarches scientifiques. Il devient de plus en plus difficile de faire partager au plus grand nombre les priorités qui doivent guider la poursuite d’une transition énergétique efficace et durable : électrification du système énergétique, recherche et innovation, formation, politique industrielle, le tout dans le cadre d’une croissance bien maîtrisée aux plans social et écologique, en opposition aux scénarios, tous voués à l’échec économique et social, qui prônent tout à la fois décroissance, diminution d’énergie et avènement des énergies vertes.

La recherche technologique s’avère indispensable si l’on veut réellement concourir à la réalisation d’une société combinant progrès économique, solidarité sociale et protection de l’environnement. En passant enfin des discours aux solutions.

 

3. Des constats aux solutions

A la relecture de l’ouvrage collectif « Energie et Climat »[1], on constate que beaucoup de choses sur le changement climatique se savaient, et s’écrivaient déjà et qu’en 15 ans, en dehors de grandes exhortations médiatiques et de quelques expérimentations locales sympathiques, peu d’avancées vraiment décisives ont été effectuées pour déjouer la damnation climatique (Lire : L’environnement dans les politiques énergétiques).

Après la création du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en 1988, à l’initiative du G7, on ne peut que se féliciter de voir que la communauté des États a su mettre les scientifiques du monde entier en situation d’annoncer l’apocalypse (Lire : Energie et climat, les politiques climatiques). On pourrait cependant espérer qu’un effort similaire préside à l’organisation des moyens de lutte contre un danger vital, en soulignant, qu’ici aussi, la science est clef pour aider à trouver des voies de solution.

On peut s’étonner que rien ne soit fait, ou si peu, pour accompagner, encourager, financer un tel mouvement salvateur, à tous les niveaux pertinents. L’Organisation des Nations Unies (ONU), ayant créé le GIEC, devrait inventer et structurer une seconde assemblée internationale, le Groupe international de chercheurs contre le réchauffement (GICR). Ainsi, cesserait-on de n’entendre que des alarmes pour voir esquissées des solutions, donc des éléments d’espoir qui donneraient lieu, pour les plus prometteurs, à financement. La même démarche devrait être suivie, bien entendu, aux niveaux européens et français (figure 3).

 

Dans cet esprit, avec mon ami Jean Peyrelevade, nous avons proposé la création d’un Commissariat Scientifique pour le Climat, en rappelant une forte référence historique (Les Echos du 15.01.20). En effet, c’est en 1945, soit dix ans à peine après la découverte de la théorie de la fission nucléaire, que le Général de Gaulle, convaincu de la nécessité de fonder un organisme national consacré à l’énergie nucléaire, signe l’ordonnance qui marque la création du CEA « en vue de l’utilisation de l’énergie atomique dans divers domaines de la science, de l’industrie et de la défense nationale » (Lire : Histoire de l’énergie nucléaire). Le CEA a aujourd’hui un budget annuel de cinq milliards d’euros, emploie 16.000 personnes et demeure le premier déposant de brevets de tous les organismes de recherche français, devant le CNRS. Accessoirement, 70% de l’électricité produite en France est d’origine nucléaire, ce qui fait que nous avons, pour l’instant, un taux d’émission de gaz à effets de serre particulièrement bas. Qu’attendons-nous pour créer, 75 ans après le Commissariat à l’Energie Atomique, un Commissariat Scientifique pour le Climat, nouvel établissement, qui pourrait être lancé au plan européen compte-tenu des forts investissements nécessaires? Ce serait enfin un projet concret et efficace dans la lutte contre le changement climatique.

 

4. Nous aurons toujours besoin d’énergie …

Quel que soit l’effort nécessaire de sobriété, nous aurons toujours besoin d’énergie (Lire : Les besoins d’énergie). Même limitées, les énergies renouvelables apportent une contribution très utile, particulièrement l’hydraulique, partout dans le monde et notamment dans les pays en développement. La biomasse, les biocarburants, le solaire thermique, le photovoltaïque, l’éolien et la géothermie doivent se décliner davantage en fonction des territoires et des opportunités.

Le développement des nouvelles filières de gaz renouvelables et bas carbone (pyrogazéification, gazéification hydrothermale) permet aussi de valoriser d’autres types de déchets ou les excédents de production d’électricité via l’hydrogène (Power-to-Gas).

L’énergie nucléaire, objet de débats souvent passionnés, fournit déjà 6% de la consommation mondiale d’énergie primaire. Elle est particulièrement opérationnelle pour la production d’électricité sans intermittences et convient aux pays dont le réseau électrique est de taille suffisante. Et si le nucléaire doit encore faire face aux questions sensibles du devenir des déchets et de la prolifération, il reste un atout majeur dans la lutte contre les émissions de CO2.

Si l’on veut bien éliminer les solutions merveilleuses, mais souvent porteuses d’illusion ou de report sur le très long terme, comme l’énergie thermique des mers, de la houle, des courants marins, des roches sèches profondes, et même de la fusion avant la fin du siècle, l’hydrogène peut, en revanche, devenir un vecteur sur lequel il convient de miser pour son utilisation notamment dans les transports, associé à la pile à combustible produisant directement l’électricité. On n’oubliera cependant pas que sa réussite effective passera par le développement d’une implantation régionale, avec un réseau de distribution d’hydrogène renouvelable et un écosystème d’acteurs locaux en assurant la promotion.

 

5. … d’outils politiques clairement annoncés …..

Au plan plus politique, outre les investissements massifs nécessaires en matière de recherche et de technologie, le changement de comportements s’impose aussi si l’on veut réellement diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Depuis longtemps, on sait, à juste titre, que la fiscalité pourrait être l’instrument privilégié pour y inciter, à condition de le dire clairement en valorisant le lien exclusif avec la lutte contre le dérèglement climatique (figure 4).

 

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Fig. 4. Fiscalité et changement climatique. [Source : © Overseas association, https://www.overseas-association.eu/green-taxation-event/]

Dans l’ouvrage référencé plus haut, nous avions proposé de mettre en œuvre un outil bien adapté baptisé « subventaxe », c’est-à-dire la combinaison d’une taxe et de subventions, sans aggravation de la pression fiscale. Le principe était simple: on commence par définir un indicateur de référence reflétant le niveau de pollution ; le dépasser entraîne une taxation, en revanche faire mieux donne droit à une subvention. On peut ajuster le processus pour que taxes et subventions se compensent, la mobilité et les bâtiments constituant les cibles prioritaires pour l’instauration de cette « subventaxe ».

On sait malheureusement, et le dernier mouvement des gilets jaunes est encore là pour nous le rappeler, que la fiscalité est vite devenue aux yeux de nos concitoyens un outil d’ajustement d’équilibre budgétaire, condamnant toute utilisation vertueuse et positive.

 

6. …et du concours des collectivités locales

« Le 21eme siècle sera le siècle des villes ou ne sera pas », Abdou Diouf.

On le sait, le monde développé agit désormais à partir des attentes sociétales et à production suiveuse, rompant avec les débuts de l’ère industrielle où la production était le moteur et la société la variable d’ajustement à moduler. Et dans ce nouveau paradigme, l’approche territoriale est décisive. Les collectivités territoriales sont en fait au cœur des politiques publiques énergétiques. Elles peuvent consommer, distribuer, produire de l’énergie, planifier et aider à l’organisation du territoire, notamment en matière d’habitat et de mobilité. Plus globalement, rendre les territoires plus durables, moins énergivores, devient la clé du développement mondial, en réponse aux défis de l’urbanisation, de la raréfaction des ressources et du changement climatique.

La réussite de toute politique nationale de transition énergétique dépendra essentiellement des collectivités territoriales (régions, départements, villes et intercommunalités) qui sont en première ligne pour décliner localement les objectifs nationaux (Lire : Décentralisation énergétique en France 1980-2010, les collectivités locales entrent en scène). Les récentes évolutions législatives (lois NOTRe et MAPTAM) y contribuent en donnant de nouvelles compétences et de nouveaux outils aux collectivités locales en matière de politique énergétique (figure 5).

 

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Fig. 5. Nouvelles compétences aux collectivités locales. [Source : © atd31.fr,  https://www.atd31.fr/fr/dossiers/loi-notre-comprendre-les-enjeux-pour-les-collectivites-locales.html]

Et au sein des territoires, la ville est plus centralement le reflet de la société. C’est de plus en plus dans les villes que se forge le monde de demain. En 1950, 30% de la population mondiale vivait en aire urbaine. En 2021, c’est plus de 50%. En 2050, ce sera 70%. Et dans les pays de l’OCDE c’est déjà 80%.

C’est dans les aires urbaines, c’est-à-dire sur 2% de la surface du globe, que se situent 80% de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre : activités économiques, déplacements, chauffage et climatisation. Ainsi, concernant la mobilité, il y a 50 ans, le déplacement moyen en France était de 5 kms par jour, soit la distance moyenne actuelle d’une personne en Afrique. Désormais, hors période Covid, c’est près de 50 kms par jour, sachant que cette moyenne cache d’énormes disparités car elle inclue l’ingénieur grenoblois qui se rend à Palo Alto et la « nounou » qui garde les enfants. C’est aussi, par exemple, un ancien président de la République qui durant son mandat, a parcouru 700 kms quotidiennement, tandis que les jeunes, au pied de leur immeuble, en sont restés à 5 !

Ce qui vaut pour la mobilité vaut aussi pour l’habitat, dans le but d’éviter la dispersion et le manque de protection thermique, de maîtriser l’éclairage public, la gestion des déchets et celle de l’eau : protection de la ressource, assainissement, gestion des eaux pluviales, risque d’inondation, limitation des déchets polluants, entre autres.

Dans ce contexte, de nombreuses villes se sont employées à devenir moins énergivores, moins génératrices de déchets, plus sûres, et finalement plus agréables à vivre. Ainsi Dijon, avec sa gestion centralisée de l’espace public, Lyon avec les smart grids, Lille avec un campus universitaire pour expérimenter la smart city, ou Montpellier en leader de l’éco-cité. Sur les 25 smart cities françaises vraiment engagées, c’est, au total, environ 9 milliards d’euros / an d’économies budgétaires qui ont été engendrées grâce à des politiques intelligentes et durables (figure 6).

 

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Fig. 6. Smart-grid. [Source : © Encyclopédie de l’énergie,  https://www.encyclopedie-energie.org/des-reseaux-electriques-aux-smartgrids/]


À Grenoble, j’ai pris un grand plaisir conceptuel et politique à promouvoir une politique de développement urbain et durable avec les adjoints en charge de ces secteurs :

  • dès mon premier mandat de député, je m’étais rendu au Sommet de la terre à Rio-de-Janeiro en 1992 et étais devenu la même année rapporteur de la loi sur les déchets à l’Assemblée nationale ;
  • devenu maire de Grenoble, j’ai eu à cœur de transposer les concepts et les grands objectifs du développement durable dans des réalisations concrètes.

L’urbanisme durable est d’abord un enjeu de renouvellement de l’existant et d’aménagement des friches pour créer de nouveaux écoquartiers tels que Vigny-Musset, Bonne, Bouchayer-Viallet, Blanche-Monier, la Presqu’île ou Flaubert, sans oublier de développer les connexions avec le reste de la ville grâce à des transports en commun efficaces et des modes de déplacements doux, en premier lieu pour les piétons (figure 7).

 

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Fig. 7. L’éco-quartier de Bonne. [Source : © Isère tourisme, https://www.isere-tourisme.com/fetes-et-manifestations/leco-quartier-de-bonne]

Avec le tramway, l’un des moyens de transport les mieux adaptés à tous pour une agglomération de la taille de celle de Grenoble, démonstration a été faite, non seulement pour cette ville mais aussi pour l’ensemble du pays, qu’au delà des avantages sociaux, c’est un moyen privilégié de maîtrise de l’énergie, de diminution de la pollution due aux véhicules et de limitation des émissions des GES (figure 8).

 

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Fig. 8. Le tramway à Grenoble. [Source : © Gwenn Boussard, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons]

Sur le plan de la qualité thermique des bâtiments, la question de la rénovation de l’existant est aussi absolument majeur, surtout à Grenoble qui possède un important parc de logements construits entre 1945 et 1975 (Lire : La réhabilitation thermique dans le bâtiment en France). Ainsi, après avoir réalisé en 2007 une thermographie aérienne qui a permis de cibler les interventions d’amélioration thermique les plus urgentes, plus de 2000 logements sociaux ont fait l’objet d’améliorations thermiques lors de mon dernier mandat. Nous nous sommes aussi engagés en direction des copropriétés, avec le concours de Grenoble-Alpes-Métropole : malgré la complexité du sujet, nous y avons été encouragés par l’expérience réussie sur les grands boulevards dans la foulée de la réalisation de la ligne C du tramway (Lire : L’action locale en faveur de la sobriété et de l’efficacité énergétique en Rhône-Alpes, et Précarité énergétique, la réduire par un accompagnement social).

Dans le domaine plus direct de l’énergie, nous avons essayé de tirer le meilleur parti des deux sociétés d’économie mixte (SEM) que sont Gaz Electricité de Grenoble (GEG) (Lire : Gaz et Electricité de Grenoble, un acteur local porteur d’innovation énergétique) et la Compagnie de Chauffage Intercommunale de l’Agglomération Grenobloise (CCIAG) (Lire : Les réseaux de chauffage urbain). En poussant les feux du photovoltaïque, en étendant encore le premier réseau de chauffage urbain après Paris, en développant la co-génération avec l’installation d’une centrale sur la Presqu’île et de petites unités domestiques sur le site de Bonne (figure 9).

 

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Fig. 9. L’usine de l’Ile d’Amour de la CCIAG. [Source : © Bioénergie International, https://www.bioenergie-promotion.fr/87522/apres-60-ans-le-vertueux-chauffage-urbain-de-grenoble-a-encore-plein-de-projets/]

Franchissant une nouvelle étape dans la cohérence et la transparence de l’action publique, nous avons mis en œuvre, avec le plan « Grenoble facteur 4 », un suivi précis des progrès en matière d’économie d’énergie (Lire : Cogénération et stockage saisonnier de la chaleur pour habitat-tertiaire), regrettant simplement que cette méthode rigoureuse n’ait pas été poursuivie par nos successeurs ni étendue au niveau métropolitain.

C’est fort de cette expérience urbaine que je reste perplexe devant certaines initiatives qui tournent le dos aux principaux acteurs d’une véritable politique énergétique et environnementale, que sont les collectivités locales et les entreprises innovantes. Ainsi, dans les grands rendez-vous internationaux, la place des collectivités territoriales et des entreprises reste marginale alors que ces dernières sont les meilleurs garants de réalisation de politiques concrètes, efficaces et capables d’être mises en œuvre et suivies sans délai. Et que signifie la « convention citoyenne » qui fait croire que l’on peut décider en dehors des responsables élus et pour beaucoup compétents?La démocratie et l’efficacité n’en sortent malheureusement pas grandies.

 

7. Transitions énergétique et écologique au service de l’humanité

Au total, les transitions énergétique et écologique se révèlent particulièrement complexes et demandent aux responsables d’en parler avec sérieux (Lire : La transition énergétique, un sujet controversé). Il faut savoir combiner économies d’énergie, diminution des émissions de GES et lutte contre les inégalités dans notre pays et dans le monde.

La peur n’est jamais bonne conseillère, l’angoisse est toujours paralysante. Et l’on ne peut exiger une discipline collective si l’on n’est pas capable de respecter l’intelligence des citoyens. On ne naît pas confiant, on le devient. L’épanouissement humain se construit dans un rapport dialectique entre progrès économique, solidarité sociale, protection de l’environnement et assurance démocratique. Pour y arriver, mieux vaut avoir le sens de l’histoire et la conscience de l’inégalité des destins.

Plus que jamais, il faut expliquer, réexpliquer sans cesse, ce qui fait la puissance et la beauté de la démarche scientifique, en en soulignant l’universalité (figure 10). Il faut se battre sans complaisance avec tous ceux qui voudraient ramener les théories scientifiques au rang d’opinions que l’on peut nier sans preuves et mettre sur le même plan que des croyances issues de traditions diverses.

 

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Fig. 10. La démarche scientifique. [Source : © Storyboard That, https://www.storyboardthat.com/fr/articles/e/méthode-scientifique]

La pandémie de Covid-19, qui ne connaît pas les frontières nationales, a vu partout s’accroître les inégalités sociales. La sortie de crise repose essentiellement sur la vaccination massive dans le monde entier, grâce à l’extraordinaire rapidité de mise en œuvre par les scientifiques de vaccins efficaces.

De même, en matière de politique de ré-industrialisation, si nécessaire à notre pays, il faut rappeler que l’industrie d’aujourd’hui et de demain a plus besoin de recherche, de technologie et d’innovation que de grand bond en arrière. Plus que jamais, il faut dire et redire que la décroissance est une maladie dont on ne peut plus se remettre en termes d’emploi, de remboursement de dettes et de réduction des inégalités. Avant de décréter que la croissance, même bien maîtrisée au plan écologique, est un non sens pour l’avenir de notre planète, n’oublions jamais que sans reconquête industrielle et sans développement économique du Tiers-monde, on confine une part assurément croissante de l’humanité dans la privation d’emploi et dans la réduction à la pauvreté que ces populations vivent désespérément à plein temps.

Les tenants les plus en vue d’une politique tout entière consacrée à l’enjeu climatique oublient parfois que les solutions ne peuvent être que globales comme le sont les contraintes, dont la première est que les pays du Sud ont aussi le droit de se développer, de sortir de la misère. Développement est le premier mot de l’expression « développement durable ». Il faut lui redonner la prééminence, en acceptant de pratiquer la solidarité internationale active que cela implique. C’est dire que les mesures à adopter pour lutter contre le changement climatique ne peuvent être une charge supplémentaire pour les pays pauvres.

Dans un monde de plus en plus complexe où transition énergétique et lutte contre le réchauffement climatique ne peuvent être traités de façon simpliste, faisons preuve, plus que jamais, d’intelligence et d’humanité : « La terre est ma patrie, l’humanité est ma famille », Khalil Gibran.

 

Notes et références

Image de couverture. [Source : © Zhaoshan75, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons]

[1] Destot Michel, Ferrari Achille, Girard Philippe (2006). Energie et climat. Réponses à une crise annoncée. Fondation Jean Jaures, 122 p.

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