Les industries du charbon minéral en Afrique : histoire et perspectives

L’évolution des industries du charbon minéral en Afrique est insuffisamment connue. Bien qu’encore très concentrée dans la partie australe du continent, cette source d’énergie commence à compter dans la transformation du mix électrique de plusieurs pays. De tels choix dans des pays en forte croissance démographique et économique deviennent cruciaux, notamment au regard des défis climatiques du 21ème siècle.


Avec une consommation  de l’ordre de 600 kWh/an par habitant (déjà 4 000 en Chine), le continent africain a soif d’électricité. Va-t-il, pour la satisfaire, se tourner vers plus de charbon minéral, ou bien, suite à l’accord de la COP 21 de décembre 2015 signé par la plupart de ses pays, tourner le dos à un combustible gros émetteur de gaz à effet de serre (GES) ?  La fragilité de toute anticipation est renforcée, dans le cas du continent africain, par la méconnaissance de ce que représente le charbon dans son approvisionnement énergétique. C’est donc par un panorama des industries charbonnières africaines qu’il faut commencer. Son trait le plus marquant est la place presque exclusive qu’y occupe l’Afrique australe et plus particulièrement la république d’Afrique du Sud. Favorisée par la géologie, cette partie du continent dispose d’une offre abondante et bon marché. Là, plus qu’ailleurs, l’avenir du charbon minéral dépend donc principalement de la demande, en particulier celle issue des parcs de production d’électricité. Dans la plupart des pays africains, l’évolution future de ces derniers est liée à celle des coûts des filières autres que la  thermoélectriques charbon : thermoélectricité gaz, thermoélectricité biomasse, géothermie, solaire et photovoltaïque. Les choix de filières seront évidemment influencés par les politiques énergétiques et climatiques des grands pays, dont l’Afrique du Sud[1].

 

1. La place très modeste du charbon dans le bilan énergétique de l’Afrique

Le continent africain n’a jamais beaucoup compté dans la consommation mondiale de charbon. De moins 1% en 1925, sa part a progressé jusqu’à 1,8% en 1950, puis 3,6% en 2000 avant de retomber à 2,5% en 2015. Si l’on ajoute qu’un seul pays, l’Afrique du Sud, a contribué à la consommation charbonnière du continent dans une proportion passée de 76% en 1925 à 84% en 1950 et 90% depuis 2015, force est de constater que les autres pays  n’ont pas été très tentés par cette source d’énergie. En 2015, le million de tonnes (Mt) de consommation annuelle n’est dépassé que dans quatre d’entre eux. Au nord, l’Égypte dont la demande stagnait depuis le milieu des années 1990 avant la récente reprise et le Maroc qui recourt à des importations accrues de charbon pour satisfaire ses besoins de chaleur industrielle et d’électricité. Au sud, le Zimbabwe où la remarquable croissance des années 1980 a fait place à la régression et le Botswana où une industrie charbonnière tente de décoller. Ailleurs, les consommations de charbon sont  peu importantes, mais partout en hausse, exception faite de l’Algérie et du Niger (Tableau 1).

 

Tableau 1: Évolution de la consommation de charbon minéral

 

1000 tonnes
1925
1950
2000
2010
2015
Algérie
579
638
689
20
Botswana
1040
988
1869
Egypte
1317
179
1820
987
1998
Ethiopie
50
325
Ghana
29
Kenya
107
268
614
Madagascar
60
17
Maroc
121
313
4018
4230
6441
Maurice
253
668
804
Malawi
60
Mozambique
270
10
814
Niger
158
273
226
Nigéria
230
642
3
38
46
Rep. Afrique du Sud
8944
23540
157135
189358
176005
Rep. Dem. du Congo
359
368
134
Sénégal
287
846
Tanzanie
79
405
Tunisie
223
184
Zambie
42
654
130
1
200
Zimbabwe
1280
4496
3043
2922
Autres pays
597
909
1254
Total Afrique
11815
28128
170659
201110
194895
Monde
1230023
1593178
4700550
7361355
7705950
Sources. Reconstitution de l’auteur à partir des sources suivantes. Pour 1925-1950, Darmstadter J. (1971). Energy in the world economy. The John Hopkins Press, pp. 644-648. Pour la suite, International Energy Agency, Coal Information de différentes années. Les tonnes équivalent charbon (tec) de Darmstadter sont équivalentes aux tonnes métriques du Coal Information. Les anciennes colonies britanniques apparaissent sous la dénomination des pays qui ont pris leur suite. Les données 2015 sont encore provisoires.

Fig.1: Carte des ressources charbonnières de l'Afrique – Source : Martin Daniel, African coast, page 40

Est-il raisonnable, dans un tel contexte, d’imaginer que l’Afrique pourrait se tourner plus largement vers le charbon au cours des prochaines décennies ? Par opposition à l’hémisphère nord qui a  construit son industrialisation au 21ème siècle sur les combustibles fossiles solides, l’Afrique ne les a adoptés que tardivement, pour plusieurs raisons parmi lesquelles une géologie peu favorable : dans les terrains sédimentaires, seules les séries du système Karoo en Afrique australe et centrale offrent un réel intérêt (Figure 1). Résultat : les réserves du continent représentent moins de 4% de celles du monde, tandis que les ressources n’atteignent peut-être pas 1%[2].

Au cours des années 1970, le réveil charbonnier de l’Afrique paraissait proche. Face au renchérissement des hydrocarbures, la Banque mondiale envisageait une production charbonnière de l’Afrique (hors Afrique du Sud) sautant de 4,5 Mt en 1970 à 31,90 Mt en 1990[3] . Peu après, la World Coal Study (WOCOL), plus prudente, ne retenait que 23,65 Mt[4]. Rien de tel ne s’est passé parce que la quasi-totalité des projets charbonniers ont été abandonnés, pour des raisons politiques (guerres civiles) ou économiques (rentabilité insuffisante d’investissements pénalisés par le manque d’infrastructures et le rétrécissement des débouchés nationaux ou internationaux des combustibles solides). Après un rythme annuel moyen proche de 6% entre 1970 et 1990, la croissance charbonnière est retombée à 1,5%. Sur les 266 Mt extraites en 2015, 252 venaient toujours d’Afrique du Sud, mais quelques pays tentent de s’affirmer sur la scène de la production charbonnière mondiale : le Botswana, le Mozambique et le Zimbabwe (Tableau 2).

 

Tableau 2: Évolution de la production de charbon minéral

 

1 000 t
1900
1950
1960
1970
1980
1990
2000
2010
2015
Algérie
258
119
13
7
Botswana
10
371
794
948
988
2066
Egypte
58
44
Maroc
368
413
433
680
526
31
Mozambique
56
270
351
207
40
16
38
6580
Niger
158
275
226
Nigéria
593
571
59
176
 90
3
38
44
Rep. Afrique Sud
991
26473
38173
54612
115120
174800
224199
254522
252072
Rep. Dem. Congo
160
163
102
138
126
96
Tanzanie
1
4
79
257
Zambie
623
570
377
196
1
200
Zimbabwe
20
2128
3559
3520
2768
5345
4260
2848
4295
Autres pays
567
314
427
543
312
Total Afrique
1011
30036
43268
59723
120605
182416
230471
259253
266096
Source. Jusqu’en 1970, Bouda Etemad & Jean Luciani (1991). World Energy Production. Genève : Droz, 272 p. Après 1970, IEA. Coal Information 2016, pp. VI.5. La ligne « autres pays » comprend les productions faibles et irrégulières de Madagascar, du Swaziland et autres. En 2016, la République d’Afrique du Sud a produit 253 Mt et a donc retrouvé le chemin de la croissance interrompue en 2013.

 

Vont-ils poursuivre sur cette voie ? Seront-ils imités par d’autres pays ? Parmi les faits nouveaux du côté de l’offre, l’arrivée d’une nouvelle génération d’investisseurs, les uns locaux, les autres étrangers, de plus en plus chinois, indiens et brésiliens[5]. Seules ou en  partenariat avec des entreprises locales,  les compagnies modernisent l’exploitation de mines anciennes, en ouvrent de nouvelles ou se lancent dans l’exploration de nouveaux territoires. Chaque année, des ressources sont ainsi classées en réserves prouvées, des investissements industriels engagés, des moyens ferroviaires et portuaires améliorés. On ne peut donc exclure l’amorce d’un processus cumulatif qui, à partir de l’Afrique du Sud, s’étendrait au reste de l’Afrique australe (Swaziland, Botswana, Mozambique, Zimbabwe, Zambie, Malawi, Tanzanie, Madagascar), avant d’atteindre des pays plus éloignés tels le Nigeria. Le développement de véritables industries charbonnières dans certains de ces pays, prolongé par  des échanges actifs sur les marchés du Pacifique et de l’Atlantique, via entre autres la Namibie, pourrait alors inciter les industries électriques du continent africain à se tourner vers un charbon devenant plus compétitif que les hydrocarbures en attendant la percée massive de filières non carbonées.

En revanche, ces perspectives caressées par les promoteurs du charbon pourraient demeurer sans lendemain pour plusieurs raisons. Convaincus des méfaits environnementaux de la croissance des sources fossiles, certains pays peuvent décider, sans tarder, de leur  tourner le dos au profit de sources moins (gaz naturel) ou non carbonées (renouvelables). Plus généralement,  une instabilité politique persistante pourrait  accroître les difficultés d’engager la rénovation ou la construction d’ infrastructures de transport pour des raisons financières et organisationnelles, notamment lorsqu’elles sont transfrontalières. Rien n’est donc figé, mais incontestablement l’Afrique bouge sur ce terrain comme sur quelques autres. Au point que la carte du monde dessinée en 1954 par Tibor Mende pourrait bien, un jour, s’avérer moins utopique qu’en première lecture[6].

 

2. L’Afrique du Sud, toujours leader incontesté

Avec  254 Mt de charbon extraites en 2016, l’Afrique du Sud est le septième  producteur mondial, derrière la Chine, les États-Unis, l’Inde, l’Australie, l’Indonésie et la Russie. En outre, les 73 Mt exportées cette même année la classent en cinquième position après l’Australie, l’Indonésie, la Russie et la Colombie. Traditionnelle fournisseuse de l’Europe occidentale, l’industrie sud-africaine se tourne de plus en plus vers l’Asie, dont l’Inde, qui absorbe désormais la majorité  de ses ventes. On imagine mal qu’elle perde cette avance sur les autres pays africains, mais elle va devoir surmonter plusieurs obstacles pour rester le grand pays charbonnier qu’elle est devenue[7]. Ni ses ressources ni ses réserves économiquement exploitables ne sont en cause. Le défi à relever est celui de l’adaptation de son industrie à l’éloignement accru des nouvelles mines , aux réorganisations liées tant à la politique de Black Economic Empowerment (BEE) qu’à l’arrivée  de nouvelles compagnies étrangères, ainsi qu’aux incertitudes de la demande internationale et domestique.

2.1. Les fondements géologiques et économiques de l’industrie sud-africaine

Contrairement à ceux d’Australie, d’Indonésie ou de Colombie, les charbonnages sud-africains ne sont pas nés des sollicitations du marché international (en 1975, ils n’exportent encore que 3 Mt), mais de celles d’une demande domestique en hausse annuelle moyenne de 4% depuis la Première Guerre mondiale. Son origine très ancienne remonte aux besoins des steamers en route vers les Indes : plutôt que de remplir leurs soutes d’une houille galloise coûteuse à transporter, pourquoi ne pas utiliser les charbons sud-africains, lors de leurs escales au Cap ou à Durban ? Ce n’est cependant qu’à l’issue de la guerre anglo-Boers en 1902 qu’ont été jetées les bases d’une grande industrie charbonnière. Géologie et économie ont concouru à son succès[8].

Fig. 2 : Bassins charbonniers en Afrique du Sud – Source : Wikimédia Commons

D’origine permienne, le charbon sud-africain ne s’est pas formé dans un climat équatorial et humide comme celui de l’hémisphère nord, mais à l’issue d’une longue période de glaciation. La dégradation de la végétation s’y est alors effectuée de façon plus aérobie aboutissant à un minerai à forte teneur en cendres. En revanche, il est abondant, avec des réserves de 28 Gt  et des ressources de 115 Gt contenues dans les diverses séries (Dwyka, Ecca, Beaufort, Stormberg, Drakemberg) du système Karoo[9] [11] (Figure 2). Une partie en est exploitée dans divers gisements (coalfields) dont les plus importants en 2015 sont toujours localisés au sud et à l’est de Johannesburg : Highveld (31% de la production), Witbank (30%) et Ermelo (14%).  Le minerai y est disposé en 5 à 7 couches de 1 à 5 mètres d’épaisseur chacune à une profondeur moyenne de 400 mètres. Les charbons extraits sont des bitumineux généralement riches en matières volatiles, peu humides, peu soufrés mais très cendreux et rarement cokéfiables. En revanche, la production du Natal, moins volumineuse parce que issue de veines plus minces et discontinues, comporte surtout des anthracites et des charbons cokéfiables. Ces derniers peuvent aussi être extraits des gisements très septentrionaux du Waterberg et du Soutpansberg sur les frontières du Botswana, du Zimbabwe et du Mozambique : non encore exploités à grande échelle au début des années 1980, ils fournissent plus de 10% de la production de charbon en 2015[10].

Une géologie favorable de saurait suffire. Les facteurs économiques ont aussi  joué un rôle décisif à plusieurs égards.

Les initiatives industrielles ont en effet été précoces. Aux côtés de très nombreuses petites entreprises ne desservant que des marchés locaux, de très grandes compagnies se sont intéressées à l’extraction du charbon dès la fin du 19ème siècle.  Sous la dénomination de mining houses, elles avaient commencé par l’extraction de l’or, des diamants et du cuivre avant de s’étendre au charbon que l’alimentation de leurs machines à vapeur utilisées dans l’extraction et le traitement des minerais rendait indispensable. Issue de l’achat, entre les deux guerres mondiales, de Coal Estates, par le groupe AngloAmerican, la compagnie Anglo Coal  a été la plus représentative de ces entreprises. Elle a été suivie plus tard par d’autres multinationales telles que Glencore-Xstrata, BHP-Billiton et plusieurs compagnies pétrolières, dont Total, soucieuses de diversification après les chocs pétroliers des années 1970.

Le succès charbonnier de ces compagnies n’a pas été sans lien avec des méthodes d’extraction bien adaptées à la disponibilité d’une  main d’œuvre abondante et peu payée.

Contrairement à celle de l’Australie en bute à une rareté chronique de mineurs, l’industrie d’Afrique du Sud a disposé dès le départ d’une main d’œuvre d’autant moins exigeante qu’elle n’était  pas formée et qu’elle était privée de la liberté dont jouissent ailleurs les salariés. Avec le Native Labour Regulation Act de 1911, les mineurs étaient en effet astreints à posséder un laissez-passer pour circuler entre lieu de travail et lieu de résidence, ce qui constituait  un moyen de pression particulièrement efficace entre les mains des employeurs. La création en 1941 de l’African Mine Workers Union (AMWU) n’avait rien  changé  à cet état de choses puisque syndicats et droit de grève sont restés illégaux jusqu’en 1979. Ce n’est qu’ultérieurement que les mineurs ont acquis un statut relativement protecteur.

Résultat, les bas salaires n’ont guère incité à l’adoption de techniques d’extraction coûteuses en capital. Jusqu’à la deuxième moitié des années 1970, les mines étaient toutes souterraines, mais à une relativement faible profondeur, 200 mètres dans le Natal, 180 dans le Transvaal et moins encore dans le grand bassin du Witbank. L’accès s’y effectuait presque toujours par plans inclinés et l’extraction par la méthode des chambres et piliers, ces derniers d’une surface variant entre 4 et 12 m2 et d’une hauteur comprise entre 1 et 5 mètres. Entre eux, des voies de 4,8 à 6 mètres de large par lesquelles est évacué sur berline un minerai dont le taux de récupération s’échelonne de 50 à 80 %. Transporté vers la surface par des convoyeurs, il y est criblé, calibré en cinq types de morceaux, nettoyé à la main de ses impuretés ou lavé dans des bains qui maintiennent le charbon en surface. Au cours de cette période, le nombre total de mines est resté à peu près stable (59 en 1914, 69 en 1941, 62 en 1955), les quelques fermetures du Cap étant largement compensées par l’augmentation du nombre de celles du Transvaal.

Au lendemain du premier choc pétrolier, donc de l’entrée de l’industrie sud-africaine sur le marché international, les techniques assurant des productivités très élevées ont commencé à se diffuser, notamment sous forme d’extraction à ciel ouvert (open mining). Au début des années 1980, 30 bennes chargeuses étaient en activité dans tout le pays pour environ 16% de la production à ciel ouvert. Depuis, cette part s’est accrue et approche de 50%, mais dans les mines souterraines, la longue taille ne concerne encore qu’un faible pourcentage du minerai extrait. Résultat : la productivité moyenne du travail dans les mines sud-africaines était inférieure à 1 000 t/homme/an, au moment où elle tournait autour de 3 000 en Australie ou au Canada, ce qui a pesé sur les marges des compagnies sud-africaines, en dépit des bas salaires.

Combinée à la chute de la demande, cette situation explique la stagnation de la production  qui, depuis 2010, a fait suite aux rythmes de croissance annuelle de 5% des années 1970-2000,  tombés à environ 1% entre 2000 et 2010.  En 2016, la production de charbon vient juste de retrouver son niveau de 2010 (tableau 2). Simple feu de paille ou réorientation à la hausse de la trajectoire ? Les conditions de l’offre et de la demande détiennent la réponse.

2.2. L’industrie se réorganise et se relocalise

Le progressif épuisement des grands gisements proches de Johannesbourg (Witbank, Highveld, Ermelo) affecte d’autant plus la productivité des mines anciennes que leurs propriétaires n’ont pas investi suffisamment depuis plusieurs années, les petits par manque de moyens, les gros par préférence pour l’ouverture de nouvelles mines. Mais ces dernières se situent de plus en plus loin des centres de consommation et du grand port d’exportation Richards Bay Coal Terminal (RBCT) parce que les bassins charbonniers les plus prometteurs sont ceux du Soutpansberg et du Waterberg,  plus au nord (Figure 2). Outre les coûts propres à l’ ouverture de nouvelles mines, l’industrie est pénalisée par le manque d’infrastructures, dont celles ferroviaires, que la compagnie nationale Transnet peine à combler.

Ce déplacement du centre de gravité de l’extraction coïncide avec des réorganisations industrielles d’origines diverses.

La production de la South African Coal, Oil and Gas Corporation (Sasol) ne change guère avec un volume d’environ 40 Mt/an à partir de ses mines Shondoni, Thubelisha et Tweedraai qui alimentent ses usines de carburants synthétiques (synfuels). Les grandes multinationales (AngloAmerican Thermal Coal, BHP-Billiton Energy South Africa, Glencore-Xstrata) sont toujours en position de force mais elles ont dû, à partir des années 2000,  se dessaisir d’une partie de  leurs actifs au profit de nouvelles compagnies appartenant aux Black Emerging Miners (BEMs), issues de la politique de Black Economic Empowerment (BEE) destinée à rééquilibrer le pouvoir économique entre Blancs et Noirs[12]. Parmi elles, Kumba Coal, à partir des mines captives de l’entreprise sidérurgique Iscor, est devenue l’une des grands compagnies sud-africaines sous la dénomination d’ Exxaro Resources Ltd . Les 40 Mt qu’elle a écoulées en 2016 proviennent de ses 6 mines, dont la très grande mine Grooteluk sur le gisement du Waterberg, dans la province du Limpopo, qui lui en fournit la moitié.

Depuis 2010, les réorganisations industrielles se sont poursuivies avec l’entrée en Afrique du Sud de nouvelles compagnies minières en provenance du Royaume-Uni, d’Australie ou d’Inde et la formation de nouvelles juniors compagnies. La plupart ont repris des mines de la province du Mpumalanga :  Coal of Africa, formée à Londres en 2005, est devenue propriétaire des mines Mooiplaasts et Nucoal puis a acheté en 2016 celles de Pan African Resources sur le gisement d’Utrech ; Delta Mining projette l’ouverture de la mine Rietkuil à ciel ouvert ; Universal Coal exploite depuis 2013 la mine Kangala et y développe la mine Clydesdale ; South 32 en fait autant sur quatre sites voisins ; Keaton Energy, absorbée par Wescoal Holdings, double le volume d’extaction de sa mine Moabsvelden et Vanggatfontein ; Canyon Coal vise 10 Mt en 10 ans à partir de sa mine Hakhano ; Wescoal et sa mine Khanyisa ; Scinta South Africa qui vient d’acquérir le projet Davel.

Fig. 3 : Exploitation à ciel ouvert du gisement du Waterberg (Limpopo)

Certaines compagnies se sont éloignées du Mpumalanga en direction du Natal : Riversdale en absorbant les Zululand Anthracite Collieries (ZAC) d’ Ingwe Collieries avant de passer sous le contrôle d’Acacia Coal en 2017 ;  Coal Africa après l’achat à African Resources de la mine Uitkomst dans le KwaZulu-Natal en vue de compléter son grand projet Makhado[13]. D’autres ont choisi la  direction du Limpopo  :  Coal of Africa, encore, avec la mine Vele ; Aviva Corporation  avec l’ouverture de la partie sud-africaine du Mmamantsewe  qui s’étend surtout au Botswana ; plus à l’ouest, African Energy détentrice des énormes réserves acquises dans le bassin du Mmamabula, en vue, notamment, d’alimenter les 600 MWe que sa filiale Phokoje Power doit y construire (Figure 3).

Au total, l’industrie charbonnière sud-africaine ne dort pas. Les investisseurs potentiels ne manquent pas[14]. Ce renouvellement facilite le déplacement du centre de gravité de l’extraction notamment vers la province du Limpopo. Encore faut-il pour que revienne la croissance de la production que la demande de houille soit au rendez-vous.

2.3. Les incertitudes de la demande de charbon

Elles concernent aussi bien les marchés internationaux que les besoins domestiques.

Fig. 4: Richards Bay Coal Terminal

La demande des premiers fluctue autour de 70 Mt/an depuis le début des années 2000 et pourrait atteindre 77 Mt en 2017. Sa quasi stagnation a deux origines principales. D’abord, le manque d’appétit en charbon vapeur de l’Europe occidentale où ce combustible recule et où s’est avivée la concurrence avec la Colombie, la Russie, et même les États-Unis à certains moments. Du coup, mis à part la Turquie,  les principaux acheteurs  qu’étaient de l’Italie, la France, l’Allemagne ou l’Espagne ont de moins en moins importé d’Afrique du Sud. Profitant d’un point de départ de ses exportations, Richards Bay Coal Terminal -RBCT (Figure 4), à mi-chemin du continent  européen et d’une partie du continent  asiatique, l’industrie sud-africaine a recherché des débouchés dans ce dernier, au premier rang desquels celui de l’Inde sur lequel les ventes ont été multipliées par dix. Même là, cependant, dans un contexte de baisse des prix, et malgré une forte dépréciation du Rand, le marché a perdu de son dynamisme. Le retrouvera-t-il à l’avenir ?En portant à 90 Mt/an la capacité d’embarquement de RBCT et en s’efforçant d’adapter à ce niveau les capacités de transport ferroviaire[15], le gouvernement sud-africain tente de s’en persuader, mais rien n’est sûr. La croissance des marchés charbonniers d’Asie du Sud, du Pakistan au Vietnam, va vraisemblablement se poursuivre, mais la compétition avec les industries locales et les exportateurs  indonésiens et australiens aussi. (Lire : Économie politique du charbon minéral)

L’évolution de la demande domestique est moins incertaine. Celle de Sasol, estimée à environ 60 Mt/an, ne devrait pas fléchir compte tenu des objectifs de production de carburants synthétiques et d’une large gamme de produits basiques pour l’industrie chimique[16].

En revanche, la crise que traverse l’Electricity Supply Commission (Eskom) n’est pas terminée. Elle affecte d’autant plus l’industrie charbonnière que l’entreprise achète 65% de la production nationale en vue d’alimenter un parc électrique dont la capacité de production repose à 93% sur la thermoélectricité charbon. Incapable depuis le début des années 2000 de satisfaire une demande d’électricité en forte croissance, Eskom  procède à des coupures quotidiennes de courant  et invite  les industriels  à se tourner vers l’autoproduction[17]. Résultat : elle achète moins de combustibles et exerce des pressions sur les prix, notamment via des contrats courts, qui dépriment les investissements charbonniers.

Fig 5 : Chantier de la centrale de Kusile

Des efforts pour redresser la barre sont en cours tant en termes d’organisation (adaptations tarifaires, diminution des factures impayées, élévation du facteur de charge au dessus de 70%) que d’investissements. Outre la remise en route, courant 2015, du réacteur nucléaire Koeberg 1 (900 MWe) puis, courant 2016, des centrales thermoélectriques charbon de Majuba (4 100 MWe) et de Lethabo (3 700 MWe), de nouvelles capacités de production sont mises en service  avec les premières  tranches (800 MWe chacune) des deux grandes centrales thermoélectriques charbon dont la construction a pris du retard depuis leur lancement en 2007 : Medupi (4 800 MWe) à Lepahalade dans la province du Limpopo et Kusile (4 800 MWe) dans la province du Mpumalanga[18] (Figure 5).

Parallèlement, entre 2017 et 2022, l’entreprise devrait fermer quatre centrales construites au cours des années 1960, soit 8 800 MWe mais en réhabiliter autant. À ses côtés, d’autres capacités de production sont attendues des producteurs indépendants (Independant Power Producers -IPPs) dont certains ont déjà répondu (2 300 MWe) à l’appel d’offre de mai 2016[19].

Au delà des années 2022, l’évolution du mix électrique est moins assurée. La montée en puissance de la thermoélectricité gaz par les investissements des IPPs  pourrait ne pas atteindre les 3 100 MWe  espérés en 2030 si le Floating Liquefied Natural Gas (FLNG) baptisé Coral n’est pas construit[20]. Les projets d’Eskom de construire huit réacteurs nucléaires, soit 9 600 MWe d’ici 2030, en coopération avec Areva, Rosatom et d’autres partenaires, sont eux aussi compromis par la déclaration (21 mai 2017)  de la  Western Cape High Court jugeant illégaux et inconstitutionnels trois accords internationaux et deux  décisions ministérielles indispensables à leur réalisation. Ne restent que la production d’électricité à partir de sources renouvelables, soit  4 000 MWe d’éolien engagés près du Cap dans le cadre d’une coopération Eskom-Agence Française du Développement (AFD) et une centrale solaire à concentration avec stockage en tour. À l’horizon 2030, les filières éoliennes, solaires et biomassiques pourraient représenter 17 800 MWe si tout était fait pour les développer[21], mais, début août 2017, la ville du Cap doit attaquer en justice le ministère de l’énergie pour pouvoir acheter de l’électricité d’origine renouvelable aux IPPs, ce qu’Eskom continue de refuser[22].

Avant que de tels projets voient éventuellement le jour, ce ne seront plus 120 Mt/an de charbon que pourrait  demander Eskom mais 140 ou 150. À quoi s’ajouteraient la demande des IPPs, celle des utilisateurs de houille dans le reste de l’industrie, cimenteries notamment, et le résidentiel tertiaire (dans les townships). Avec la demande de Sasol et des exportations même en faible croissance, la production sud-africaine pourrait bien être tirée vers les 300 Mt/an.

 

3. Botswana : the Awakening of the Coal Giant

La plus jeune industrie charbonnière africaine (en 1970, l’ex-Bechuanaland qui venait d’accéder à l’indépendance n’extrayait que 10 000 tonnes de charbon de son sous-sol) est-elle appelée à devenir la deuxième du continent après celle de la République d’Afrique du Sud ? Le gouvernement du Bostwana en a manifesté la claire ambition lorsque, en juillet 2007, il a invité une vingtaine de grandes compagnies charbonnières de tous pays à une conférence sur le thème « the Awakening of the Coal Giant ». Le réveil annoncé s’appuie sur les énormes ressources de charbon vapeur, estimées entre 212 et 300 Gt, dont quelques dizaines ont déjà été transformées en réserves prouvées depuis  l’exploration entreprise au cours des années 1970 par le groupe Total et poursuivie  dix ans plus tard par les groupes Shell, BP et Anglo-American. Découragés par l’enclavement du pays, presque tous ont renoncé, sauf le Gouvernement botswanais bien décidé à diversifier une économie trop dépendante des seules mines de diamants[23].

Fig. 6: Siège de la mine Morupule

Première étape, du réveil charbonnier,  l’ouverture, près de la cité de Palapye (centre-est du pays), du gisement Morupule  découvert en 1930 et devenu intéressant pour alimenter en électricité les mines de cuivre et de nickel en 1973. Il appartient à la compagnie Debswana, fruit d’un partenariat entre le Gouvernement du Botswana et la grande firme minière De Beers, mais il est exploité par une filiale d’Anglo American. Ses réserves, considérables[24], sont contenues dans trois couches de 1 à 10 mètres d’épaisseur chacune,  situées à moins de 100 mètres de profondeur et extraites à l’aide de mineurs continus (continuous miners) puis lavées et transportées jusqu’à la centrale thermoélectrique de 600 MWe qui les brûle (Figure 6)[25].  Depuis son extension en 2011, la mine produit un peu moins d’1 Mt/an mais pourrait monter à plus de 3. En outre, le gisement attire de nouveau quelques convoitises en 2015-2016 : la junior entreprise Shumba Energy voudrait s’installer dans la partie sud tandis que les projets Morupule 5 et 6 semblent intéresser le japonais Marubeni associé au sud-coréen Posco.

Deuxième étape, plus au sud, le grand projet de plusieurs mines sur le gisement Mmamabula, à proximité du bassin sud africain du Waterberg : trois couches (Lower, Middle et Upper) de deux à six mètres d’épaisseur représentent 3 à 4 Gt de réserves de bon charbon vapeur. Investisseur initialement le plus engagé, la Coal Investment Corporation (CIC), filiale de Tau Capital, basée à Toronto, disposait de permis d’exploitation sur les parties Est et Sud du gisement. Suite à des dissensions avec le gouvernement d’Afrique du Sud à propos de l’écoulement de l’électricité, elle a revendu en 2012 ses actifs à l’ indienne Jindal Steel and Power laquelle, en 2015, en a cédé 74% à la sud-africaine Glendel Trading. Les combustibles extraits auraient dû alimenter 1 200 MWe qui, en 2017, n’ont toujours pas été construits. À cette date, en outre, Anglo American qui avait projeté en 2013 d’exploiter aussi la partie Est du gisement vient de jeter l’éponge.

Reste la partie centrale sur laquelle  la compagnie sud africaine Exxaro s’est installée en vue d’extraire 2,5 Mt/an destinées à une production thermoélectrique régionale (Zambie, Botswana et Afrique du Sud) et qui intéresse aussi Torrents Power Ltd en quête de charbon thermique pour ses usines du Gujarat (Inde) ainsi que Gremach Infrastructure Equipment & Projects Ltd qui s’intéresse à tous les charbons d’Afrique australe susceptibles d’approvisionner le marché indien.

Au delà du Morupule et du Mmamabula, bien d’autres gisements pourraient être exploités, de Ncojane à l’ouest sur la frontière avec la Namibie à Dukwe au nord-est sur celle avec le Zimbabwe et à Dutlwe ou Letlhakeng plus au sud. Après quelques années de basses eaux, de nouveaux investisseurs se manifestent en 2016 et 2017 : African Energy pour le projet Sese incluant une puissance de 450 MWe ; Shumba Energy sur les projets Mabesekwa et Sechaba ; Minergy sur le projet Masama ; Tlou Energy qui étudie l’exploitation du méthane (coal-bed-methane) à Lesedi. En outre, le gouvernement botswanais appuie l’appel d’offre de Botswana Oil en vue de produire des carburants (coal-to-liquids).

Effectifs ou potentiels, tous ces  exploitants devront cependant résoudre deux problèmes cruciaux. Celui de l’approvisionnement en eau de régions désertiques auquel répond déjà en partie la construction d’aqueducs tels NSWCI et NSWC2. Celui du désenclavement de zones minières pas ou mal desservies par les chemins de fer. Il est envisageable dans trois directions : l’ouest, avec la construction de la Transkalahari, soit 1 500 km de voies jusqu’au port de Walvis Bay en Namibie ; l’est, avec l’aménagement d’une voie moins coûteuse de 1 100 km, aboutissant au port mozambicain de Maputo ; le sud, avec une jonction  de la ligne desservant Richards Bay Coal Terminal (RBCT) en Afrique du Sud, la plus tentante si les producteurs botswanais obtenaient des parts sur les capacités d’embarquement limitées du grand port charbonnier.

Début 2017, le géant botswanais ne s’est pas encore réveillé.

 

4. Mozambique : compétition Brésil-Inde

Une colonisation portugaise peu entreprenante puis une guerre d’indépendance suivie d’une  longue guerre civile n’avaient pas favorisé l’exploitation des ressources charbonnières mozambicaines, pourtant parmi les plus riches d’Afrique : 14 Gt dans les seuls champs du Tete (Moatize) et du Msambansovu  dans le bassin du Zambèze, plus d’autres au nord (Itule) et au sud (Chiomo) moins explorées. Celles du Tete, formées de six couches de 2 à 14 mètres d’épaisseur, sont constituées de charbons thermiques et métallurgiques, dont la moitié accessible depuis la surface. Commencée au cours des années 1920, leur exploitation avait atteint quelques centaines de milliers de tonnes au début des années 1970 avant de s’effondrer. Depuis sa reprise au cours des années 2000, elle a attiré divers investisseurs étrangers qui concentrent leurs projets sur le bassin du Moatize. Leur évolution a été en grande partie liée aux progrès des moyens d’évacuation du minerai vers les ports de Maputo très au sud, de Beira au centre ou de Nacala au nord.

Curieusement, la première compagnie étrangère intéressée n’a pas été une entreprise charbonnière, mais la grande firme brésilienne, numéro un mondial du minerai de fer, Companhia Vale do Rio Doce (CVRD) devenue Vale. Attirée au Mozambique par une parenté lusitanienne, elle a commencé dès les années 1980 à étudier les ressources du pays, avant de former un projet minier très ambitieux de 2 milliards de dollars visant à exploiter un  périmètre recouvrant 2,4 Gt de charbons à extraire au rythme de 21 Mt/an, majoritairement destinés à l’ exportation. De longues négociations sur le régime des taxes, le rapatriement des bénéfices et le statut douanier des importations d’équipements ont débouché sur un contrat de 25 ans avec le Gouvernement mozambicain en juillet 2007, le choix d’une entreprise chargée de l’engineering minier peu après et un plan de production de 11 Mt, dont 8,5 de cokéfiable, en 2009, sous réserve que soient résolus d’ici là les problèmes de transport. Ces derniers ont pris plus de temps que prévu, mais, en 2016, après la vente  à la firme japonaise Mitsui de 15% de ses parts pour des raisons de désendettement, Vale a extrait 6 Mt (dont 3,5 de cokéfiables) puis vise 13 en 2017 et 20 en 2020.

La grande compagnie brésilienne n’est cependant plus seule en lices. Sur sa route, elle a rencontré  l’Australienne Riversdale Mining qui, en juillet 2005, avait acheté des périmètres d’exploration dans quatre régions du Mozambique. Celui de 203 000 ha situé sur le Moatize recouvre le gisement de Benga contenant 2,1 Gt dont 1,76 situées à moins de 500 mètres de profondeur, donc accessibles depuis la surface. Selon les critères du Joint Ore Reserves Committee (JORC) d’Australie[26], ces ressources probables seraient composées de charbon cokéfiable à 10% de teneur en cendre, de thermiques à 20%, donc exportables, et de thermiques à 35% utilisables  localement. Dans les plans initiaux de la firme, la production devait atteindre 20 Mt/an, dont 6 de premium hard coking, revenant pour 40% au sidérurgiste indien Tata Steel qui, en août 2007, avait acquis 35% des actifs de Riversdale. La suite a été quelque peu différente, après l’achat en 2010 des 65% restant par Rio Tinto qui les a revendus en 2014 à l’International Coal Venture Limited (ICVL) réunissant, à l’initiative du gouvernement indien, Steel Authority of India (SAIL), Coal India Limited (CIL), Rashtriya Ispat Nigam, National Minerals Development Corporation (NMDC)  et National Thermal Power Corporation (NTPC). Jugeant cette opération trop orientée sur le seul charbon cokéfiable, la CIL et la NTPC s’en sont retirées en 2016, laissant aux sidérurgistes indiens les 5 Mt/an de capacité de Benga[27].

L’entrée de Tata Steel dans Riversdale avait donné le coup d’envoi de la compétition entre sidérurgistes. Global Steel Holdings de Calcutta avait obtenu des droits de prospection de 5 ans sur 30 000 ha dans le Tete. En novembre 2007, ArcelorMittal avait annoncé sa participation à hauteur de 35% dans Rio Minjova Mining and Exploration Company aux côtés de Black Gold Mining qui apportait les licences d’exploitation qu’elle détenait sur 49 360 ha situées à l’extrémité orientale du sous-bassin Moatize-Minjova. Sous réserve d’une confirmation des réserves prouvées ou probables, ArcelorMittal disposait d’une option pour devenir actionnaire majoritaire de la nouvelle compagnie. À la même date, la Gremach Infrastructure Equipments & Projects Ltd, autre firme indienne, affichait  son ambition de contrôler 1 Gt de ressources par l’acquisition de 75% des 11 licences d’exploitation d’Osho Mozambique Coal Mining Ltd s’étendant sur 13 520 ha à proximité des périmètres détenus par Vale. Dès 2008, elle espérait pouvoir commencer l’exploitation des 20 Mt/an de capacité de ses mines GRE 1 et GRE 2 en vue d’alimenter les fours à coke de sa filiale indienne Austral Coke Projects Ltd, mais en 2008, c’est un autre consortium indien conduit par Bharat Earth Movers Limited (BEML) qui avait annoncé sa première acquisition d’une mine au Mozambique.

Toute cette fièvre est retombée avec la chute des cours internationaux des charbons cokéfiables passant de 300$/t en décembre 2011 à 100 en décembre 2015. Nombre de projets n’ont jamais été réalisés mais, avec la remontée des cours en 2016, de nouveaux investisseurs s’intéressent aux ressources de la province du Tete. Le sidérurgiste indien Jindal dit vouloir porter la production de sa mine Chirodzi à 10 Mt en trois ans. La compagnie Ncondezi Energy, propriétaire d’un dépôt de 4,7 Gt (certifiés JORC), projette d’extraire 1,1 Mt en vue d’alimenter une centrale thermoélectrique de 300 MWe qui serait en 2020 la première centrale électrique privée du Mozambique[28]. L’ICVL, enfin, étudie une production de méthanol sur sa mine de Benga.

Fig 7 : Le corridor de Nacala

Depuis ses 6,6 Mt extraites en 2015, la production charbonnière n’a cessé de croître, tirée par les exportations de charbon cokéfiables dont le principal goulot d’étranglement, transport et embarquement , est en train de se desserrer. Le terminal de Matola, à Maputo, qui évacue environ 1 Mt/an de charbon sud-africain est beaucoup trop éloigné des zones de production. Le port de Beira, à 670 km des nouvelles mines,  qui avait été choisi par Riversdale, est le plus proche mais il ne peut pas accueillir les très grands vraquiers et n’est relié que par une ligne ferroviaire (Sena Railways) limitée à 6 Mt/an de capacité[29]. Mi-2017, ces limites pourraient être repoussées avec l’annonce d’un nouveau terminal charbonnier de 2×10 Mt  à construire par la grande entreprise indienne Essar Ports. Reste le débouché très septentrional de Nacala, en eau profonde, donc à même de recevoir tous les navires, et desservi par une ligne ferroviaire de 912 km, dite Corridor de Nacala (Figure 7).  Cette voie d’évacuation avait la préférence de Vale pour son état technique et ses capacités de 18 Mt/an. Seul handicap, elle traverse le Malawi, ce qui a impliqué des accords inter-étatiques désormais réalisés.  Sa capacité pourrait être portée à 22 Mt/an en 2020 jusqu’au terminal Nacala-a-Velha mis en service mi-2015.

Au total, l’industrie charbonnière du Mozambique est en 2017 l’une des plus prometteuses, à la fois parce qu’une grande partie de sa production est du charbon cokéfiable très prisé sur les marchés internationaux et parce que la modernisation des moyens d’évacuation diminue ses coûts d’au moins 20 $/t, donc améliore sa compétitivité. La découverte en 2011 du gisement géant de gaz naturel Coral au large des côtes mozambicaines et les projets de liquéfaction (floating LNG projects) semblent d’autant moins menaçants pour sa vitalité que la baisse des prix du gaz naturel en retarde la réalisation.

 

5. Zimbabwe : Hwange Colliery au bord du gouffre

De la deuxième place en 2010, derrière celle d’Afrique du Sud, l’industrie charbonnière du Zimbabwe est tombée à la troisième, derrière celle du Mozambique en 2015. La chute ne s’est pas arrêtée là puisque la production  a reculé depuis de 4,3 Mt/an à 2,7 en 2016. Un retour à la croissance est-il concevable ?

Les ressources charbonnières du pays ne sont pas en cause puisque estimée à 30 Gt dont 20 dans les seuls gisements du bassin du Zambèze. Nés à la fin du 19ème siècle, en réponse aux besoins de l’industrie du cuivre, les charbonnages exploitent le riche dépôt de Wankie comportant plusieurs couches de 3 à 12 mètres de charbon bitumineux hautement volatile dont une partie cokéfiable après traitement[30]. Facilitée par l’accessibilité de 25% des réserves depuis la surface, l’extraction a crû jusqu’au début des années 1970 avant d’entrer dans une période de fortes fluctuations entre les 6 Mt extraites par Anglo Coal au début des années 1990 et les 4 Mt qui l’étaient par Hwange Colliery Company Limited (HCCL) en 2010.

Depuis, la nationalisation de l’industrie, au sens où 100% de son capital appartient à des nationaux dont 38% à  l’État, n’a fait qu’aggraver la situation. Bien qu’enregistrée auprès des bourses de Londres et de  Johannesburg, Hwange Colliery est considérée comme  publique. À ce titre, elle est soumise à des prix de vente fixés par le Gouvernement, ne dispose d’aucune autonomie, doit vendre à perte  et se décapitalise rapidement. Elle a donc dû renoncer à exporter des charbons cokéfiables vers la Zambie et le Congo tout en abandonnant une partie de son marché national aux charbons d’Afrique du sud et du Botswana. Accablée de dettes, l’entreprise n’a plus été capable d’assurer la maintenance de ses mines et encore moins d’investir. De 200 000 t/mois, sa production a chuté à 55 000 au cours de l’année 2016 puis 30 000 durant le premier trimestre 2017, condamnant les compagnies électriques à réduire de moitié l’usage de leur capacité de production.

Dans le contexte d’une libéralisation de l’économie, l’industrie charbonnière pourrait redevenir florissante. À ses importantes réserves proches de la frontière zambienne (Hankano, Dahlia, Lubimbi, Wankie) s’ajoutent en effet des ressources insuffisamment explorées qui s’échelonnent des rives sud du lac Kariba à la vallée du Limpopo en passant par les champs de Sessami et la vallée de Sabi. Le combustible extrait s’écoulerait sans difficulté auprès des centrales thermiques en activité (les 920 MWe d’Hwange Thermal Coal Station exploitées par Zimbabwe Power Company -ZPC- et quelques autres) et même à l’exportation vers la Zambie ou plus loin via le port de Beira au Mozambique.

Début 2017, quelques initiatives vont dans ce sens. La production mensuelle de Hwange Colliery est remontée à 234 000 t en juin dans la perspective d’atteindre 400 000 t pour satisfaire les deux contrats à long terme (25 ans) signés avec ZPC et Lisulu Power. Cette anticipation optimiste repose sur les baisses de coûts et les augmentations de productivité, tant en souterrain qu’en ciel ouvert, réalisées depuis 2016. Par ailleurs, d’autres compagnies sont à l’œuvre. Créée en juin 2010, Makomo Resources qui exploite le gisement d’Entuba, près de la ville de Hwange, a atteint 140 000 en juin 2017. Zambezi Gas, de son côté, en a produit 40 000 le même mois. Au total, le Zimbabwe pourrait viser une production d’au moins 5 Mt/an, et même plus sur le long terme, si des suites favorables étaient données à la demande d’ouverture de la mine de Tuli sur le gisement Massabi dans le sud du Matabeleland ou aux nombreuses licences sollicitées sur celui de Hwange. Les conditions de ce retour à l’expansion sont évidemment plus politiques que techniques.

 

6. Zambie : le charbon marginalisé par l’hydroélectricité

La Zambie voisine (ex-Rhodésie du Nord) attirera-t-elle aussi des investisseurs étrangers intéressés par ses ressources charbonnières ? Estimées à 1 Gt, elles sont stockées dans le gisement de Siankondobo, aussi dénommé Maamba, sur les rives occidentales du lac Kariba (au moins 100 Mt de bitumineux hautement volatile  contenues dans d’ épaisses veines dont 30% accessibles à ciel ouvert) et, plus au nord, dans les gisements de Luano  et de Luangwa  moins bien  explorés que le précédent  car  éloignés des centres de consommation liés à l’industrie du cuivre, principale activité industrielle du pays.

Mis en production au cours des années 1960, lorsque la déclaration unilatérale d’indépendance de la Rhodésie du Sud avait contraint à chercher de nouveaux approvisionnements, le gisement de Maamba a été développé avec l’aide des Charbonnages de France et a atteint une production de 772 000 tonnes de charbon lavé en 1976. Pénurie de pièces de rechange et formation insuffisante des personnels n’ont pas permis la poursuite de l’essor initial. Accéléré par l’instabilité politique, le déclin de l’industrie zambienne a débouché en 2007 sur la fermeture des  Maamba Collieries Ltd (MCL) qui appartenaient à la Zambia Consolidated Copper Mines-Investment Holdings (ZCCM-IH). À l’issue de l’appel d’offre international lancé en 2008, auquel 39 entreprises ont répondu, ce n’est pas  l’Indienne Vedanta Resources, déjà actionnaire majoritaire de Konkola Copper Mines, qui a été retenue, mais la Sud Africaine Karen Mining finalement remplacée par la Singapourienne Nava Bharat Venture (NBV) qui a acquis 65% des actifs et relancée l’extraction[31].

En ajoutant aux 200 000 t/an des MCL les 100 000 t extraites de la mine Collun exploitée, dans le district de Sinazongwe, plus au sud, par une entreprise chinoise, la production charbonnière Zambienne reste très éloignée de l’objectif des 2 Mt/an avancé par le gouvernement. L’une des raisons en est sa faible demande par l’industrie électrique qui repose à 95% sur une production hydroélectrique très bon marché (0,04-0,06 $/kWh)[32]. L’irrégularité saisonnière de cette source handicape cependant la Zambia Electricity Supply Corporation (ZESCO) qui doit importer d’Afrique du Sud une partie de ses fournitures, ce à quoi elle pense mettre fin en construisant, avec l’aide de la Chine, la grande centrale hydraulique des Gorges de Kafue (750 MWe).

 

7. Malawi : victime de la concurrence mozambicaine

 Un moment réuni avec les deux précédents pays dans la Fédération de Rhodésie, le Malawi (ex-Nyasaland) dispose d’environ 1 Gt de ressources probables  réparties entre plusieurs gisements situés à ses deux extrémités, ceux de Nkana, Rukuru et Livingstonia au nord, ceux de Sumbu-Nkombedzi et Chiromo au sud, dans le prolongement du Tete mozambicain. Au cours des années 1980, la Mining Investment and Development Corporation (Midcor) avait amorcé l’exploitation de ceux du nord, avec l’aide notamment des Charbonnages de France, mais elle s’était heurtée à un manque   de moyens de transport et de traitement de ses minerais fortement cendreux. Héritières de la Midcor,  les Mchenga Coal Mines avait poursuivi l’exploitation de Livingstonia au rythme encore très modeste de 100 000 t/an, mais, avec l’ouverture du Corridor de Nacala, elles ont perdu toute compétitivité.

Fig. 8: Une dénonciation humoristique de la concurrence mozambicaine – source : Rachel Etter-Phoya in Business Environment, 27 February 2017.

Toutes les mines, y compris, Mwaulambo, Nkhachira, Jalawe, Lisikwa, Njat ont été fermées ou sont sur le point de l’être en 2016. Le 27 septembre de cette année, Human Rights Watch (HRW) a organisé une conférence sur le thème « They Destroyed Everithing : Mining and Human Rights in Malawi » (Figure 8).

 

8. Tanzanie : des ressources qui intéressent de nouveau les étrangers

Victime de sa géographie et de son climat ou de son histoire coloniale compliquée (pénétration des Allemands à l’intérieur des terres en 1891, self government des Anglais en 1920, tutelle des Nations Unies entre 1947 et 1961), la Tanzanie (ancien Tanganyika) était en 2000 le pays le plus pauvre de l’Afrique de l’Est[33]. Rien d’étonnant dès lors à ce que son charbon, déjà handicapé par la localisation des dix principaux gisements le long du Rift sur la frontière occidentale du pays formée par les lacs Tanganyika et Nyasa, ait été peu sollicité[34]. En dépit d’une exploration commencée dès le début des années 1930, l’exploitation en 1955  ne dépassait pas le millier de tonnes annuelles. Par la suite, elle a été confiée à la State Mining Corporation (Stamico) qui, même après l’achèvement en 1976 du chemin de fer entre la Zambie et la Tanzanie, n’est jamais parvenue à évacuer correctement le minerai vers la côte.

Au cours des années 1980, avec l’aide de la Chine, la compagnie publique a mis en exploitation, via la Kiwira Coal Mine (KCM),  le gisement de Songwe Kiwira, proche de la ville de Mbeya[35], mais ce n’est qu’au cours  des années 2000 que naîtront des projets plus ambitieux. Par l’intermédiaire de sa filiale Pacific Corporation East Africa (PCEA),  la compagnie australienne Atomic Resources constitue une joint venture avec l’entreprise publique National Development Corporation (NDC) et commence  une campagne de forages qui devait lui permettre, pensait-elle, de faire homologuer par le JORC les 120 Mt de charbon vapeur qu’elle espérait extraire des gisements Mhukuru et Ngaka. Officialisée en avril 2008, la joint venture laissait à PCEA 70% du charbon extrait en échange de son investissement, NDC s’engageant à garantir la jouissance des droits miniers accordés et toute facilité sur la ligne ferroviaire qui relie la Zambie à Dar Es-Salaam par où le minerai serait exporté. Peu après Atomic Resources proposera un autre partenariat au groupe  tanzanien Upendo en vue d’explorer et d’exploiter trois sites sur le bassin de Rukwa, au moment  où une nouvelle compagnie australienne entrait en lices dans la même région : début juillet 2008, la Gulf Resources avait fait connaître son intention d’un partenariat avec Tan Resource et la NDC en vue d’acquérir 60% des  champs Liweta et Mbanba Bay dont le minerai peu soufré aurait pu être exporté par le port de Mtwara.

En 2015, ne restent de tous ces projets que deux modestes mines en activité : celle de Kiwira, exploitée par la Kiwira Coal and Power, propriété à 100% de l’État tanzanien, qui fournit 150 000 t/an en moyenne ; celle de Ngaka, exploitée par  Tancoal Energy, entreprise créée en 2008 par association de la firme Intra Energy Tanzania et la NDC représentant les pouvoirs publics, qui produit environ 250 000 t/an d’un charbon médiocre, surtout parce qu’il n’est pas lavé.

Fig. 9 : Cimenterie du groupe Dangote en Tanzanie

Dans ce contexte dépressif, les années 2016-2017 marquent peut-être un changement. Le point de départ en est le conflit qui oppose le cimentier Dangote (Figure 9), importateur de houille sud-africaine, jugée moins chère (83 $/t en janvier 2016) et de meilleure qualité que celle de Tancoal, et le gouvernement tanzanien qui interdit toute importation pour encourager le développement de la production nationale, indispensable à une diversification du mix électrique[36].

En réponse, deux compagnies privées se disent disposées à investir dansles charbonnages. Kibo Mining, liée à General Electric, propose d’ouvrir une mine et de construire 250-350 MWe sur le gisement de Kiwira-Mbeya. Edenville Energy, d’origine britannique, veut en faire autant en ouvrant les mines Mkomolo et Namwele sur le gisement de Rukwa. En réponse aux critiques sur la qualité des charbons, Edenville a passé commande d’un lavoir (wash plant) arrivé en Tanzanie courant juillet 2017. En outre, elle a élargi à 10 km2 l’espace de sa mine Mkomolo et à 30 km2 son champ de prospection. Pour ne pas être en reste, le gouvernement a inscrit dans son plan quinquennal 2016-2020 le développement du gisement Mchuchuma qui devrait alimenter une centrale thermique de 600 MWe  ainsi que le complexe sidérurgique (iron mining) de Liganga confié à la Tanzania China International Mineral Resources (TCIMRL). La Chine, en outre, pourrait construire les 997 km de voie ferrée reliant les exploitations charbonnières au port de Mtwara, donc aux exportations. Tous ces projets ne verront sans doute pas le jour, mais, incontestablement, quelque chose est en train de changer en Tanzanie.

 

9. Autour de l’Afrique Australe : Congo, Kenya, Ethiopie, Madagascar

Au delà de l’Afrique du Sud et de ses plus proches voisins, l’exploitation du charbon minéral varie considérablement entre un pays tel le Congo-Kinshasa qui  a laissé son industrie disparaître et d’autres qui, à l’instar du Kenya, de l’Ethiopie ou de Madagascar, tentent d’en construire une.

9.1. République Démocratique du Congo

Les gisements charbonniers de la Lukuga et de la Luena, situés en République Démocratique du Congo ou Congo-Kinshasa (ex-Zaïre), appartiennent au même système Karroo que ceux de Zambie et de Tanzanie et contiennent sans doute des ressources de l’ordre du Gt[37]. Découverts par l’industrie minière du Katanga à la veille de la Première Guerre mondiale[38], ils ont  été exploités  pour l’alimentation des mines de cuivre, des locomotives et des navires à vapeur[39], mais sans dépasser les 150 000 t/an surtout après leur nationalisation et la fermeture de la ligne ferroviaire les reliant à l’Angola au cours des années 1970. Depuis, toute exploitation charbonnière semble avoir cessé.

9.2. Kenya

L’exploitation du charbon n’est pas plus avancée au Kenya, mais les choses pourraient changer en 2017. Sur le bassin du Mui, à 200 km au sud-est de Nairobi, environ 1 Gt de minerai sont estimées récupérables à partir de quatre blocs, dont celui de Kitui sur lequel des droits exclusifs d’exploitation avaient été attribués en 2013 à un consortium formé par la firme chinoise FIMC (70%) et la Kenya’s Great Lake Corporation (30%). Des dissensions entre autorités nationales et locales avaient bloqué tout début d’exploitation jusqu’à ce que la loi minière de 2016 clarifie les responsabilités et apporte aux investisseurs étrangers les garanties sollicitées. L’ouverture de la mine de Kitui pourrait donc devenir une réalité, aux dires des autorités kenyanes qui,  en 2017, viennent de confier à la Power Construction Corporation of China (PCCC) l’édification de la centrale thermique  de Lamu (1 050 MWe à son achèvement). Après un démarrage sur charbon sud-africain importé, l’usine devrait être alimenté par le minerai du bassin du Mui. En dépit de l’opposition des défenseurs de l’environnement, en commençant par celle des pêcheurs qu’inquiète le déversement en mer des eaux de refroidissement de la centrale,  ce projet est soutenu par la perspective d’un approvisionnement électrique moins fragile que l’actuel, victime d’une excessive dépendance à l’hydroélectricité[40]. Fin août 2017, la Banque africaine de développement (BAD) examine une possible contribution financière. Autre utilisation des charbons du Mui, caressée par les autorités kenyanes : une production de carburants (coal-to-liquids) sur le modèle de la Sasol d’Afrique du Sud.

9.3. Éthiopie

Le sous-sol de l’Ethiopie, si l’on en croit certaines publications, pourrait être encore plus riche en ressources charbonnières que celui du Kenya, mais son exploitation n’est pas plus avancée. Parmi plusieurs dépôts, celui de la zone de Jimma, dans le sud-ouest de la grande province  d’Oromia, est l’un de ceux qui a commencé à être exploité. La mine Delbi, détentrice de 376 Mt de réserves prouvées, y a fourni approximativement 15 000 t/an en 2009 puis 20 000 au cours des années suivantes. Propriété à 53% de l’Endowment Fund for the Rehabilitation of Tigray (EEFORT) et à 47% de l’Oromia Investment Group, elle était censée bénéficier à partir de 2013 d’un partenariat avec la May Flower Mining Enterprise de Mumbai, mais en 2016, il est difficile de savoir ce qu’il en est advenu. Seule information récente, l’Ethiopian Petroleum Supply Enterprise (EPSE) lance en juillet 2017 un appel d’offre pour fournir 0,7 Mt nécessaires à l’alimentation de 23 usines dont une vingtaine de cimenteries. Quelle part l’extraction locale y prendra-t-elle ?

9.4. Madagascar

Dans l’échelle de la pauvreté et de la consommation d’énergie par habitant, Madagascar appartient au groupe des pays les plus attardés du continent africain. La Grande Ile dispose pourtant de ressources charbonnières estimées de 1 à 3 Gt, mais leur exploitation n’a été, à ce jour, qu’une longue histoire d’échecs.

En dépit des interdictions d’explorer le sous-sol malgache, un homme d’affaires français en 1855, puis la Compagnie de Madagascar foncière, industrielle et commerciale en 1863, avaient obtenu l’autorisation d’étudier les pourtours des baies de Passindava et d’Ambavatove dans le nord-ouest de l’Ile sur le canal du Mozambique[41]. Modestement reprise en 1889, cette exploration superficielle restera sans suite, mais, sous statut colonial à partir de 1897, la Grande Ile va bénéficier d’études géologiques plus systématiques. On leur doit la découverte, au sud ouest de l’ile, des ressources charbonnières du bassin de l’Onilahy  qu’alimentent les rivières Ianapera et Sokoa : à environ 150 km de la côte, à l’est de Tuléar, un excellent charbon, cokéfiable et d’un pouvoir calorifique élevé (7 000 kal/kg), y est entassé en veines de 1 à 2 mètres d’épaisseur et même plus dans la partie Sokoa du bassin[42].

Paralysée par la conjoncture économique de l’entre-deux-guerres et l’absence locale de moyens de transport, ces ressources ne commenceront  à être exploitées à très petite échelle que durant la Deuxième Guerre mondiale (5 000 tonnes sont extraites au début des années 1950) avant d’être abandonnées peu après l’indépendance en 1960.

Au cours des années 1980, elles intéressent à nouveau plusieurs compagnies étrangères dont BP Coal qui envisage une exportation de 5 Mt/an mais abandonne par manque de moyens de transport et détérioration du contexte politique.  En 2007, le flambeau est repris par des Canadiens et des Australiens. Déjà engagée au Mozambique, l’African Mining de Toronto s’est aussi implantée à Madagascar. Elle y est propriétaire de droits d’exploration de tous types de minerais (or, pierres précieuses, métaux et charbon) sur 7 500 km2. Dans ce cadre, elle lance, fin 2007, un programme de forages en vue de vérifier les 100 Mt de réserves charbonnières identifiées dans un sous sol qui correspond à des parties des gisement de la Sokoa, de Sakamena, de Beroy et de Vohipotsy.

Au même moment, la compagnie australienne Straits Resource finalise un accord avec Red Island Minerals (RIM) qui contrôle 80% de Madagascar Consolidated Mining, propriétaire elle aussi, de droits miniers sur certaines parties du gisement de la Sokoa. Par l’acquisition de 35% de RIM et l’engagement de réaliser un volume d’investissement d’au moins 90 millions de dollars, Straits pense  détenir 100 à 400 Mt de réserves prouvées, exploitables dans d’excellentes conditions : plusieurs veines dont certaines atteignant ponctuellement 12 mètres d’épaisseur ; extraction  à ciel ouvert à la cadence annuelle de 3 à 5 Mt ; combustible, après lavage, d’une qualité comparable à celui du Witbank d’Afrique du Sud ; expédition vers  les marchés asiatiques, indiens en particulier, par le port de Toliara. Début 2008, les charbonnages malgaches semblent donc sur le point de décoller, d’autant qu’arrive une nouvelle compagnie australienne, la Malagasy Minerals, basée à Perth, qui annonce le début de sa campagne d’exploration de 600 km2 sur les gisements de la  Ianapera et de la Sokoa dont elle a acquis des droits.

Las, le coup d’État de 2009, suivi d’une modification de la législation minière, stoppe tous les projets, fait fuir les capitaux étrangers et ouvre une période de stagnation qui ne commence à  prendre fin qu’avec la levée en 2012 de l’interdiction d’octroyer des permis d’exploration et d’exploitation miniers, puis l’élection d’un nouveau président.

Début 2017, des diverses compagnies qui disent être toujours intéressées par les ressources charbonnières malgaches, dont la société Madagascar Consolidated Mining S.A. (MCM) ou la PAM Sakoa Coal S.A. (PAM Sakoa), seule la Lemur Resources semble réellement prête à passer aux actes. Contrôlée par la sud-africaine Bushveld Minerals Lemur Resources (BMLR), la compagnie est engagée dans le projet intégré Imaloto qui consiste à alimenter, à partir d’une mine sur le bassin de la Salnoa (environ 1 Mt/an), une centrale thermique (60 MWe) à construire en partenariat avec la Sinohydro Corporation chinoise. Prolongée par 200 km de lignes électriques, elle desservirait une partie du sud de l’Ile et exporterait le combustible restant.

 

10. Plus à l’Ouest, les velléités charbonnières du Niger et du Nigéria

Au centre du continent africain,  le charbon n’a jamais été exploité sur une grande échelle car ses ressources connues y sont infiniment moins grandes que sur sa façade orientale. Dans deux pays cependant quelques investissements charbonniers ont été réalisés ou sont en projets.

10.1. Niger

Au cœur du Sahel, le Niger voudrait exploiter ses ressources charbonnières sur une plus grande échelle pour faire face à une croissance démographique  de 3,1% et à une perte annuelle de 100 000 ha de surface boisée largement imputable à la combustion de bois de feu[43]. Le pays dispose de ce charbon dans le bassin d’ Iullemneden (ou Lullemmenden) qui s’étend sur 500 000 km2 dans sa partie occidentale et dont deux gisements sont connus. L’un est celui d’Anou Aaren, près d’Agadez, qui est exploité depuis 1978 par la Société Nigérienne de Charbon (Sonichar). Sa capacité de production de 200 000 tonnes/an, extraites à ciel ouvert, lui permet d’alimenter une centrale thermique de 32 MWe utilisant des chaudières à lit fluidisé pour brûler un charbon sous- bitumineux très cendreux (48% en moyenne). Le courant qui est principalement destiné aux mines d’uranium de la Cominak et de la Somair assure aussi l’approvisionnement des villes d’Arlit, Akokan, Agadez et Tchirozérine. En 2009, la perspective d’une production de  240 000 t  semblait  une limite en l’état actuel des réserves prouvées qui ne dépassent pas les 10 Mt. De fait, en 2015, les 226 000 t n’ont pas été dépassées.

L’autre gisement est celui de Salkadamna situé plus au sud, à environ 80 km au nord-ouest de Tahoua. Il a été découvert et étudié dans le cadre de deux campagnes de prospection,  entreprises l’une par des Canadiens en 1992, l’autre par des Chinois en 2003. Le charbon sous-bitumineux qu’il contient a un pouvoir calorifique moyen de 5 000 kcal/kg,  une teneur en cendre de 15% et en soufre de 2,6%.  L’exploitation du principal filon identifié, d’une épaisseur comprise entre 0,8 et 2,1 mètres, soit une réserve d’environ 30 Mt,  pourrait fournir 1,1 Mt/an,  alimentant une centrale de 200 MWe  et 100 000 tonnes de briquettes se substituant au feu de bois. Annoncé quasi-certain en 2015 par la Source California Energy Services (SCES), le financement du complexe mine-centrale thermique-ligne de transmission ne semble toujours pas effectif début 2017.

10.2. Nigéria

L’industrie houillère était née au Nigeria  en 1909 avec la découverte du gisement d’Udi/Enugu dans le sud-est du pays, à l’initiative de la compagnie publique de chemin de fer qui voulait relier  Port Harcourt aux régions septentrionales où s’étendait la culture du coton puis de l’arachide et où des gisements d’étain venaient d’être découverts[44]. Les 25 000 tonnes extraites à partir de 1915 par une filiale de la compagnie ferroviaire alimentent  les chemins de fer et les centrales thermiques. La production  croît ensuite au rythme de 20% par an jusqu’en 1930, stagne autour de 300 000 tonnes jusqu’au redémarrage dû à la Deuxième Guerre Mondiale. De presque 600 000 tonnes en 1950, elle  culminera à 939 000 tonnes en 1958[45], date à  laquelle commence le déclin  engendré par le pétrole que les découvertes de Shell et de BP dans le delta du Niger en 1956 rendent abondant et bon marché.

Outre ceux de lignite qui s’étendent sur tout le sud du pays jusqu’à la frontière du Bénin, les dépôts de charbon sous-bitumineux forment une large bande, parallèle au fleuve Niger, entre celui de Lafia-Obi le plus septentrional et celui d’Enugu le plus méridional. Des 2,7 Gt de ressources que contiennent les cinq couches de un à deux mètres d’épaisseur qui les parcourent, sont extraits  des combustibles  de 5000 et 6000 kcal/kg, à faible teneur en soufre et en cendres, partiellement cokéfiables[46]. Les mines étaient exploitées par des compagnies privées jusqu’à la nationalisation de 1950, assortie de la création de la Nigerian Coal Corporation (NCC) qui jouira d’un monopole jusqu’en 1999 puis arrêtera son exploitation en 2002.

Fig. 10 : Exploitation du charbon au Nigéria

À cette date, le Gouvernement nigérian est convaincu qu’il pourrait réduire la dépendance du pays à l’égard du pétrole par une production de charbon alimentant un parc de centrales thermiques rénové et un flux d’exportation de 15 Mt/an (Figure 10). Après la dérégulation de l’industrie en 1999, il cherche donc des acquéreurs pour les 21 installations industrielles de la NCC. Son appel d’offre de 2007 remporte plus de succès que celui de 2003 : 36 réponses dont 19 étrangères en provenance d’Afrique du Sud (6), d’Inde (6), de Pologne, Italie, Russie, Canada, Royaume-Uni, Émirats Arabes Unis et Chine en partenariat avec une compagnie nigériane.

Depuis, rien n’a véritablement changé. De l’ordre de 50 000 tonnes/an, la production est principalement destinée aux cimenteries Dangote ou Lafarge. Le gouvernement fédéral et celui de l’Etat d’Enugu ne cessent pourtant de proclamer leur volonté de relancer une industrie qui allégerait la dépendance du pays au pétrole. « We believe it is time for Enugu, once again, become the Coal City State, in truth and in fact » proclame le gouverneur de l’État[47]. Le pays, affirment certains tenants de l’industrie charbonnière, pourrait faire face à la crise de son approvisionnement électrique par la construction, au cours des cinq prochaines années, de 17 500 MWe thermiques charbon s’appuyant sur des combustibles solides portés à hauteur de 30% du mix énergétique[48]. Mi-2017, en réponse à cette ambition,  les  seuls projets connus, sont celui du Zuma Group West Africa (ZGWA) qui envisage un projet intégré (coal-to-power) de 1 200 MWe et celui du Simang Group annonçant une nouvelle exploration des ressources charbonnières de l’État d’Enugu[49]

 

11. L’avenir du charbon africain lié à l’évolution des mix électriques

Au vu de l’évolution des industries africaines du charbon, l’offre ne devrait pas être une entrave à la croissance de cette source d’énergie. Bien que concentrée dans la partie australe du continent et contrainte de surmonter un certain nombre d’obstacles, notamment pour évacuer le minerai des régions les plus enclavées, elle continuera de bénéficier de réserves exploitables à des coûts très avantageux, de l’ordre de 15-30 $/t sur le carreau des mines (run of mine). C’est donc du côté de la demande que doit être recherchée la clé de l’avenir du charbon africain.  Sous la poussée d’une croissance démographique sans précédent et d’une urbanisation galopante[50], le continent va poursuivre le développement de ses industries cimentières et sidérurgiques, grosses consommatrices de houille, mais il devra aussi répondre à de considérables  besoins d’électricité, d’où le caractère déterminant de la part qui sera donnée à la thermoélectricité charbon dans l’évolution des mix électriques.

11.1. Une histoire électrique peu tournée vers la thermoélectricité charbon

Exception faite du Maroc, les 43 GWe de thermoélectricité charbon en 2015 sont concentrés en Afrique australe (Tableau 3). Jusqu’aux années 2010, les autres pays africains ignoraient totalement la filière pour des raisons historiques. Le fractionnement de la demande et la construction tardive des réseaux avaient  initialement favorisé la diffusion des moteurs diesel puis des petites centrales thermiques alimentées au fuel lourd. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, cette situation change mais au profit de l’hydroélectricité : dans l’euphorie des années 1950 et 1960, le rêve d’une industrialisation rapide s’allie aux grands projets de transformation des ressources minérales d’Afrique noire par une électricité bon marché. Les aménagements hydrauliques se multiplient en Guinée, au Ghana, au Congo et au Cameroun, mais aussi dans les autres pays où les autorités coloniales prennent conscience des retards de l’électrification[51]. Même en Algérie qui n’avait jamais offert des conditions très favorables au développement de l’hydroélectricité, la nationalisation de l’électricité et la création d’Électricité et Gaz d’Algérie (EGA) en 1947 réorientent les investissements vers cette filière[52].

Résultat : au tournant du XXIe siècle, de nombreux parcs de production électrique africains reposent sur l’hydroélectricité : Côte d’Ivoire (36,7%), Zimbabwe (37,8%), Soudan (48,4%), Kenya (54,7%), Gabon (63,3%), Ghana (84,1%), Namibie (96,5%), Cameroun (98,0%), Ethiopie (99,0%), Zambie (99,4%), Mozambique (99,5%), Congo-Kinshasa (99,6%), Congo-Brazzaville (100,0%)[53]. D’autres, qui ont conservé des parcs de production majoritairement thermoélectriques, les alimentent en fuel lourd et en gaz naturel importés ou produits sur place : Tanzanie (41,4%), Nigeria (66,2%),  Sénégal (81,9%), Égypte (87,9%), Algérie (98,3%), Tunisie (98,6%).

Depuis, la thermoélectricité charbon a gagné du terrain. En 2015, ses 43 GWe représentent environ 25% du parc électrique africain, dont 34% de ceux des seuls pays qui font appel à elle (tableau 3). Elle est toujours très concentrée en Afrique du Sud (88%) mais occupe une place significative dans les capacités de production du Botswana, du Zimbabwe, du Maroc, de la Namibie, du Niger et de l’Ile Maurice.

 

Tableau 3: La thermoélectricité charbon dans le parc électrique africain 2015

 

MWe
Capacité électrique totale 2015
dont therm. charbon
dont therm. charbon %
Therm. charbon en construct.
Therm. charbon à l’étude
Therm. charbon annoncé
Therm. charbon abandonné
Botswana
948
732
77
432
1800
2104
3600
Côte d’Ivoire
1853
700
Egypte
35489
2640
14600
Kenya
2441
57
2
1180
600
Madagascar
684
Malawi
561
420
3100
Maroc
8159
 2545
31
1386
318
Maurice
793
178
22
Mozambique
2964
59
2
650
450
1500
3120
Namibie
513
120
23
550
Niger
162
38
23
Nigéria
17078
1700
500
1115
Rep. Afrique du Sud
47560
37905
80
7940
3990
2300
14400
Sénégal
843
600
375
Tanzanie
1649
1270
270
475
Zambie
2466
300
12
600
300
1000
Zimbabwe
2116
1355
64
5280
1230
2180
Total Afrique (pays cités)
126279
43204
34
10408
20948
25904
27415
Total Monde
6424215
2052971
32
272940
321692
247909
1514063
Afrique/Monde %
2.0
2
3.8
6.5
10.4
1.8
Source. La capacité électrique totale de l’Afrique est de 170 GW, les 126 GW du tableau sont uniquement ceux des pays considérés par The Global Coal Plant Tracker, January 2017 parce qu’ayant des productions électriques ou des projets en relation avec le charbon. La colonne « à l’étude » réunit « permitted » et « pre-permitted ». La colonne « abandonné » réunit « shelved » et « cancelled ». Certaines données de cette source d’information n’étant pas confirmées par les sources nationales, des corrections non définitives ont dû être apportées.

11.2. Des contrastes régionaux marqués

Sur la foi du recensement des puissances en construction, à l’étude et annoncées, une cinquantaine de GWe supplémentaires devraient voir le jour au cours des prochaines années. Si tel était le cas, la géographie africaine de la thermoélectricité charbon en serait-elle modifiée ?

C’est en Afrique australe que continuera à se concentrer la thermoélectricité charbon au vu des 9 GWe en construction et de la trentaine à l’étude ou annoncés, tant en Afrique du Sud avec les centrales géantes de Metupi et de Kusile, qu’au Botswana, au Mozambique et, de façon plus incertaine, au Malawi, au Zimbabwe, en Zambie, en Tanzanie et à Madascar (voir plus haut).

La place que pourrait prendre la filière en Afrique du Nord est plus inattendue, même si elle y a quelques antécédents. Dans cette région, le pays le plus avancé sur le chemin du thermique charbon est le Maroc qui, dès le début de son électrification, avait fait appel à cette filière, alimentée par des importations et par la production de sa mine de Jerada (Djerada), près d’Oujda, riche d’environ 100 Mt d’anthracite économiquement exploitable[54]. Très basse tant que la thermoélectricité restait marginalisée par l’hydroélectricité (22-78% en 1930), l’extraction charbonnière  franchit les 100 000 tonnes en 1937, les 200 000 en 1946 et les 775 000 en 1985  mais au  cours des deux décennies suivantes, la production s’effondre, non du fait d’une demande charbonnière en recul mais par perte de compétitivité de la production nationale face à l’importation[55].

Après la fermeture de Jerada en 2000, c’est donc le charbon, importé par les ports de Casablanca, Agadir, Nador et surtout Jorf Lasfar,  qui approvisionne le parc thermoélectrique charbon. En 2017, ses 2 521 MWe de puissance installée se répartissent entre   les 465 MWe de l’Office national de l’électricité (ONE) sur les sites de Jerada et de Mohamedia et les 2 056 MWe de Jorf Laffard qui consomment annuellement 6 Mt de combustible. Propriété du consortium  ABB/CMS (50-50) depuis sa mise en service en 1998, cette dernière centrale a été achetée en 2007 par l’Abu Dhabi National Energy Company (ADNEC) qui entend  consolider sa présence dans les industries de l’eau et de l’électricité sur un espace s’étendant de l’Inde à l’Afrique du Nord.

Fig. 11: La centrale thermoélectrique charbon de Safi en construction

Jorf Laffard ne sera pas la dernière usine thermoélectrique charbon construite au Maroc. Afin de satisfaire une demande croissant au rythme annuel de 8 à 9%, l’ ONE a mis en chantier, courant 2014, 320 MWe sur le site de Jerada tandis que la Safi Energy Company (GDF Suez, Nareva Holding et Mitsui Ltd) entamait la construction de 2×693 MWe, supercritiques, qui deviendront opérationnels en 2018 (figure 10). Aux yeux des autorités marocaines, ces développements n’altèrent pas la diversification d’un parc de production électrique qui compte déjà près de 3 000 MWe de renouvelables, dont 900 d’éolien et 200 de solaire.

Toujours en Afrique du Nord, il est peu probable que l’Algérie s’intéresse encore au thermique charbon et  au gisement charbonnier de Kenadsa, près de la ville de Béchar[56], même si, en 2005, un mémorandum of understanding (MoU) avait été signé entre l’Algérien Géoinvest et un consortium conduit par le grand groupe chinois Shenzhen en vue d’explorer les ressources charbonnières de l’Oranais.

Reste l’Égypte qui était  en voie d’abandonner le charbon pour le gaz naturel, à la fois parce qu’elle avait renoncé à en extraire de l’un de ses gisements du Sinai (Maghara) après sa destruction lors du conflit avec Israel en 1967 et parce que 80% de sa capacité de production électrique faisait  appel à un combustible dont l’extraction avait fortement augmenté au cours des années 2000. Tout change lorsqu’à partir de 2012, les fréquentes et prolongées coupures d’électricité deviennent très  pénalisantes pour l’industrie. Dans la foulée de la reprise des importations de charbon par l’industrie cimentière, le gouvernement propose la construction de 12,5 GWe de thermique charbon entre 2016 et 2022. Dès 2015, des MoU sont signés : l’un avec Dongfang Electric Corporation (DEC) pour une centrale ultra-supercritique de 6×600 MWe à Hamrawein, sur financement de l’Industial and Commercial Bank of China (ICBC), l’autre avec Shanghai Electric pour une centrale de 4×600 MWe. En outre, l’Egyptian Electricity Holding Company (EEHC) signe un MoU avec le trader japonais Marubeni et El Sewedy Electric en vue de construire une autre centrale ultra-supercritique de 4 000 MWe. Le combustible ferait partie du trafic charbonnier empruntant le Golfe de Suez, notamment sur le site de Zafarana[57], en attendant un réexamen éventuel de l’exploitation des ressources du Sinaï estimées à 150 Mt de réserves prouvées et probables réparties entre les gisements de Buda-Thora au sud, Ayun Musa au centre et Maghara au nord. Ce dernier pourrait   livrer 750 000 t/an d’un combustible de bonne qualité (7 200 kcal/kg, < 7% de teneur en cendre et < 3% de teneur en soufre). Bien que confirmés par le gouvernement égyptien en janvier 2016, ces projets de centrales charbon pourraient être abandonnés ou reportés au plan 2022-27, suite à la mise en route, en mars 2017, de la première tranche des 14 GWe de turbines gaz en cycles combinés (TGCC) vendus entre temps par Siémens et installés sur les sites de Beni Suef, Burullus et New Capital[58].

Hors Afrique australe et Afrique du Nord, quelques pays semblent aussi vouloir se doter de thermoélectricité charbon. Au Ghana, la Volta River Authority (VRA) affiche un projet de 2×350 MWe de thermique charbon à Aboano, possiblement suivis de 4×350 MWe,  en partenariat avec le  Shenzhen Energy Group et l’appui du China Africa Development Fund. Au Sénégal, la Sénelec relance, fin 2016, le projet de 125 MWe charbon de Sendou que les habitants de Bargny avait stoppé depuis plusieurs années. En Côte d’Ivoire, parallèlement à l’extension des capacités en thermique gaz par la Compagnie ivoirienne de production d’électricité (Ciprel), la compagnie Starenergie parait hésiter entre thermique gaz et thermique charbon[59].

11.3. Les évolutions susceptibles d’influer sur l’avenir du charbon

Si tous les projets identifiés ci-dessus voyaient le jour, le parc thermoélectrique charbon de l’Afrique pourrait atteindre une centaine de GWe  avant 2040[60]. Plusieurs évolutions, variables selon les régions, pourront néanmoins élever ou abaisser cette trajectoire.

En Afrique australe où restera concentrée plus de 80% de la thermoélectricité charbon du continent, c’est évidemment la politique de l’Afrique du Sud qui commandera  l’évolution de la filière. La quinzaine de GWe en construction, à l’étude et annoncés ne seront vraisemblablement pas stoppés par la disponibilité du combustible ou le manque de compétitivité de la filière : avec des coûts estimés rendus centrale entre 40 et 50$/MWh, elle restera très avantageuse par rapport au thermique gaz, au nucléaire, au solaire et à l’éolien[61].En revanche, une volonté de lutte contre le réchauffement climatique, tant de la part du gouvernement que d’Eskom ou de certains producteurs indépendants, pourrait déboucher sur l’abandon de projets thermoélectriques charbon. Pour qu’il en aille ainsi les pressions de l’opinion publique et/ou des financeurs devra être plus vigoureuse qu’elle ne l’est en 2017[62].

Hors Afrique du Sud, la compétitivité de la thermoélectricité charbon sera  plus menacée par la concurrence des autres filières pour  des raisons variables d’un pays à l’autre. Dans la plupart d’entre eux, Nigéria mis à part, la taille des réseaux électriques ne facilite pas la construction de grandes centrales thermoélectriques (au moins 300 MWe) à rendements élevés. Rien ne garantit, en outre, que les réseaux vont se développer rapidement au moment où la maturation des systèmes décentralisés favorisent les nouvelles technologies, solaires notamment[63]. Même si tel n’est pas le cas, la concurrence peut venir de deux autres filières thermiques. Dans les pays accédant à des ressources gazières bon marché, les TGCC sont très intéressantes tant en termes de coûts que de souplesse d’utilisation. Dans ceux qui disposent de biomasse : en dépit d’un coût du kWh plus élevé que celui du thermique gaz ou charbon, l’ alimentation des chaudières par des déchets de cacao, coton ou palmier à huile présente l’intérêt de distribuer des revenus supplémentaires aux agriculteurs. La filière est également neutre en termes d’émission carbone, contrairement aux autres filières thermoélectriques.

Au total, même si la centaine de GWe n’était pas atteinte, tout porte à croire que la consommation charbonnière du continent africain va continuer à croître d’au moins 50% au cours des deux prochaines décennies. Quasiment absent, hors Afrique du Sud, sur la carte charbonnière mondiale du XXe siècle, le continent africain pourrait bien s’y tailler une plus grande place au cours du 21ème siècle sous les traits d’une grande région australe, productrice et exportatrice de charbons cokéfiables à partir de Beira et Nacala au Mozambique et de charbons vapeur au départ de Richards Bay Coal Terminal (RBCT) dont la capacité dépasserait les 100 Mt/an ou même de Mtwara en Tanzanie. Cette activité serait de moins en moins contrôlée par les grandes compagnies minières multinationales remplacées par des compagnies originaires d’Afrique du Sud, d’Australie, de Chine et d’Inde. « As the World Cuts Back on Coal, a Growing Appetite in Africa »[64], probablement, mais, même dans l’hypothèse de croissance de la consommation charbonnière la plus élevée, la contribution de l’Afrique aux émissions mondiales de CO2 resterait inférieure à 5%[65].

 

L’actualisation ci dessous par Claire Bargelest (2022). L’Afrique du Sud, laboratoire de la transition énergétique des pays émergents. Les Echos, 09/11/2022.

Lors de la COP 21, plusieurs pays, dont les Etats-Unis et l’Union Européenne, ont promis à l’Afrique du Sud une aide de 8,5 milliards de
dollars (G$), soit 10% de son plan pour sortir de sa dépendance charbon en 5 ans. Cette évolution passe par une modernisation de la
compagnie électrique ESKOM qui tire 80% de sa production de l’exploitation de ses centrales thermoélectriques alimentées au charbon. A
cette fin, la compagnie doit fermer 9 de ses 15 centrales d’ici 2035, ce qu’elle vient de commencer avec l’arrêt de Komati en octobre 2022.
Aux yeux des promoteurs de cette perspective de transition énergétique vers les renouvelables, le nucléaire et un peu de gaz naturel, cette
évolution devrait devenir un modèle pour nombre de pays en développement tels que le Sénégal, le Vietnam, l’Indonésie ou l’Inde, mais en
Afrique du Sud elle fait l’objet de plusieurs critiques : le financement d’une compagnie électrique déjà très endettée, à hauteur de 96%
sous forme de prêts concessionnels, est inadapté ; l’abandon du charbon minéral ne aurait précéder le reclassement des 90 000 mineurs
actuellement au travail.


Notes et références

[1] Une grande partie de ce qui suit a déjà été publié dans la Revue Medenergie que nous remercions de nous autoriser à des reprises : Martin-Amouroux Jean-Marie (2009). Charbon, demain l’Afrique ? Medenergie,  n°28, Janvier, pp.6-15.  Le contenu de cet article a été actualisé avec l’aide d’Enerdata SA que nous remercions aussi pour nous avoir donné accès aux Global Coal Market Newletters.

[2] Pour plus de détails, on peut de reporter à BRGM (1963). Carte internationale des dépôts de houille en Afrique. Internet. Outre le Karoo, les auteurs citent  les carbonifères continentaux en Afrique du Nord et au Sahara en ajoutant qui sont encore peu explorés. Sur les réserves et ressources, on peut consulter World Energy Council (2013). World Energy Resources : 2013 Survey. La plupart des données sur les réserves et les  ressources sont peu utilisables car elles se contredisent.  Alors que le Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe (BGR) retient  des ressources de 54 Gt pour tout le continent, le seul Botswana en revendique 200 !

[3] The World Bank. Coal Development Potential and Prospects in the Developing Countries. October 1979, 22 pp and annexes.

[4] Wilson Caroll L. Coal, bridge to the future. Report of the WOCOL. Cambridge, Mass : Ballinger Publishing Company, 1980, 247 p.

[5] « Once the poor  relation of oil and metals, coal is king again in Africa. Companies from around the world are preparing to sink millions of dollars a year into cutting more coal from the continent ». Bishop Chris. The scramble for African coal. Energy Economist, issue 309, July 2007, pp. 4-6. Outre les pays cités ci-dessus, le Japon a déclaré son intérêt pour les charbons d’Afrique mais sans investissements très significatifs à ce jour (2017)

[6] « Mais récemment les regards se sont tournés plus à l’est, vers ces territoires de l’Empire britannique qui se trouvent au nord de l’Afrique du Sud et que l’on appelle l’Afrique du Capricorne. Cette région fabuleuse – qui englobe le Kenya, le Tanganyika, l’Ouganda, le Nyassaland et les deux Rhodésies, septentrionale et méridionale, soit tout ensemble une surface cinq fois égale à celle de la France – contient assez de fer, de charbon, de cuivre, d’uranium et d’autres matières premières pour subvenir aux besoins des douze générations à venir. Exploité convenablement, son sol fertile pourrait nourrir quelque cent millions d’hommes et, grâce à ses réserves d’énergie qui sont immenses, devenir l’une des plus importantes régions industrielles du monde de demain ». Regards sur le monde de demain. Paris : Éditions du Seuil, 1954, p. 112.

[7] Par simplification, le Swaziland est traité avec l’Afrique du Sud. Bien que politiquement indépendant depuis 1968, sa petite taille (1 million d’habitants), son enclavement et l’exploitation de son charbon par des compagnies d’Afrique du Sud  incitent à ne pas le séparer de cette dernière.  Les dépôts qui  traversent son territoire du nord au sud sont évalués à 5 Gt de ressources dont au moins 250 Mt économiquement exploitables. En épaisses couches atteignant jusqu’à 7 mètres d’épaisseur, l’anthracite est de bonne qualité (haut pouvoir calorifique et teneur en cendre n’excédant pas 14%). Exploité à partir de 1964 par une filiale d’Anglo-American  (mine de Mpaka), il l’est depuis par Carbonex (mine de Maloma) qui a extrait 205 000 t en 2013.

[8] Martin-Amouroux Jean-Marie (2008) Charbon, les métamorphoses d’une industrie. Paris : Editions Technip, 420 p (p. 233).

[9] Suite à l’assimilation des réserves et des ressources par David Rutledge, tenant d’un proche peak coal, l’administration minière d’Afrique du Sud a repris l’évaluation de 28 Gt de réserves économiquement prouvées et de 115 Gt de ressources prouvées en place, ces dernières à une profondeur inférieure à 350 mètres pour des veines d’au moins 1 mètre d’épaisseur, soit des critères infiniment plus restrictifs que ceux utilisés en Europe ou aux Etats-Unis. On peut voir BGR (2004). Reserves, Resources and Availability of Energy Resources 2004. Op. cit., pp. 66-67. Ces données sont très supérieures à celles du WER (voir note 2).

[10] Dykes A.R. (1982). Le charbon en Afrique du Sud. Revue de l’énergie, vol. 33, n° 341, pp. 65-67. Snyman C.P., Barclay J. (1989). The coalification of South African coal. International Journal of Coal Geology, vol. 65, issue 3-4, pp. 243-253. Surtout : Hancox P. John, Götz Annette (2014). South Africa’s coalfields. A 2014 perspective. International Journal of Coal Geology, 132, pp. 170-254.

[11] The surface exposure of the rocks belonging to the Karoo Supergroup. South Africa’s coal occurs in the Ecca group (coloured mustard yellow). These rocks were deposited in a vast inland lake or sea, when Africa was part of Gondwana. It was only along the northern and north-eastern shores of this body of water where marshes formed peat, and eventually turned into coal. Source : Wikipedia. Coal in South Africa.

[12] Cette politique, décidée au lendemain de la fin de la politique d’apartheit en 1994 a été vigoureusement soutenue par Eskom qui s’est donnée l’objectif d’avoir au moins 50% de ses fournisseurs appartenant aux BEMs.

[13] Ambitieux projet prévu pour produire 5,5 Mt/an mais soumis à révision. Global Coal Market Newlettre, 02.08.2017.

[14] Voir l’achat contesté par les frères Gupta d’actifs appartenant à Glencore suite à un conflit de cette dernière avec Eskom.  La famille qui fait trembler l’Afrique du Sud, in Le Monde, 25 juillet 2017.

[15] Actuellement incapable d’évacuer vers RBCT des quantités suffisantes de charbon du Waterberg, Transnet dit vouloir réaliser des investissements qui porteront sa capacité à 26 Mt/an en 2026.

[16] Pour plus de détail, Martin-Amouroux Jean-Marie. Charbon, op. cit, pp. 242-243. Ou aussi : Van Dyck J.C., Keyser M.J., Coertzen M. (2006). Syngas production from South African coal sources using Sasol-Lurgi gasifiers. International Journal of Coal Geology, vol. 65, issues 3-4, pp. 243-253.

[17] Parmi les nombreuses raisons de cette crise : des capacités de production insuffisantes résultant de l’interdiction d’investir qui avait suivi les capacités excédentaires des années 1970 puis la politique en faveur de la production indépendante ; une organisation et une gestion défectueuses se traduisant par une sous-utilisation des capacités de production et des gaspillages….

[18] Présentées comme les plus grandes centrales thermoélectriques charbon du monde, ces deux centrales sont constituées chacune de 6×800 MWe et basées sur la technologie supercritique avec désulfuration (Alstom).

[19] Soit le projet Thabametsi dans le Limpopo avec l’appui du japonais Marubeni, celui de Khanyisa par Wescoal dans le Mpumalanga et celui de Phokoje d’African Energy sur le gisement Mmamabula-ouest.

[20] Depuis le début des années 2000, des projets de thermique gaz tablaient sur l’exploitation de gisements onshore (Ibhubesi) et offshore (Kudu) ainsi que sur des gazoducs depuis la Namibie, le Mozambique et même l’Angola. Ford Neil. South Africa considers its power generation capacity options. Energy Economist, issue 275, September 2004, pp. 15-17.Récemment, quelques projets thermoélectricité gaz en cycles combinés ont été lancés dont celui de 106 MWe financé par la Japan International Cooperation Agency en novembre 2016. Tous sont cependant handicapés par des prix du GNL  descendus au dessous de 10 $/MBtu.

[21] Energie : quand le solaire se lève sur le continent africain. Jeune Afrique, 25.01.2017.

[22] Enerpresse 11 882 du 10 août 2017.

[23] Baxter Berry (2007). Awakening a sleeping coal giant. World Coal, August, pp. 16-24.

[24] Nous préférons ne pas donner d’estimations tant sont contradictoires celles que l’on trouve, sans définition précise.

[25] Martin Daniel (1991).. African coal supply prospects. London : IEA Coal Research, february, 80 p, puis Global Coal Market Newletters.

[26] Il s’agit d’une agence instituée en 1971 qui fixe les normes et recommandations en vue d’évaluer les réserves de minerai. Nous avons traduit ses trois catégories (measured, indicated, inferred) par mesurées, identifiées et probables.

[27] Fin janvier 2017, CIL et NTPC disent vouloir revenir en vue de construire une centrale thermique de 300 MWe alimentée par les charbons vapeur de Benga.

[28] Le projet qui avait été prévu en partenariat avec Shanghai Electricity Power parait bien compromis  en juin 2017 depuis que la compagnie chinoise s’en est retirée.

[29] Sur les 670 km de voie, 90 km entre Beira et Muanza étaient achevés fin 2007. Les travaux consistaient à modifier le gabarit (1,067 m) et à reconstruire les parties démolies durant la guerre civile, dont le pont Dona Ana qui enjambe le Zambèze sur 3,7 km, volontairement endommagé. Entrepris en 2002, pour un montant de 457 millions de $ avec l’aide de la Banque Mondiale, ils ont été achevés, mais le consortium qui en était  chargé (l’Indien Rites Bharan, les Ports et les Chemins de Fer du Mozambique) avait jugé que la nouvelle voie ne pourrait pas supporter le trafic envisagé par Vale (un train chaque heure).

[30] Pour plus de détails, on peut se reporter à Legoux Pierre (1945). Notes de voyage au Transvaal et en Rhodésie. Annales des Mines, janvier-février, pp. 473-535 ainsi qu’à Martin Daniel. African Coal, op. cit, pp. 75-78.

[31] KPMG International (2012). Mining Zambia. Country Mining Guide, 34 p.

[32] Alors que la moitié de la production électrique est destinée à l’industrie du cuivre, la desserte des ménages est encore très limitée, soit 22% d’entre eux selon Kesselring Rita (2017). The electric crisis  in Zambia : blackouts and social stratification. Energy Research and Social Science, vol. 30, August, pp. 94-102.

[33] Maddison Angus (2001). L’économie mondiale. Paris : OCDE, p. 344. Parmi les causes coloniales de cette pauvreté, l’intérêt tardif des Allemands pour le développement des échanges, puis la préférence donnée au Kenya par les Anglais. Headrick Daniel R (1988). The tentacles of Progress. Oxford University Press, pp. 218 et 35.

[34] On trouvera plus de détails sur chacun d’eux, notamment sous l’angle de la qualité des charbons in Martin Daniel, African Coal, op. cit, pp. 69-70. Notons cependant que les dénominations changeantes des gisements, y compris entre texte et carte, ne facilitent pas la lecture.

[35] Sur cette période et sur l’histoire de l’électrification de la Tanzanie, on peut lire Mwandosy Mark J. and Luhanga Matthew L (1993). Energy and development in Tanzania. Energy Policy, volume 21, n°5, May, pp. 441-453.

[36] Le parc de production de la Tanzania Electric Supply Corporation (TESC) est composé de thermique gaz (53%), de thermique pétrole (21%) et d’hydraulique (26%). Pour le diversifier, le gouvernement souhaiterait construire 2,9 GWe de thermique charbon entre 2015 et 2025.

[37] Le charbon au Congo Belge et les charbonnages de la Luena. Annales des Mines, 1951, III,  pp 58-59.

[38] Peemans Jean-Philippe. Capital accumulation in the Congo under colonialism : the rôle of the state, pp. 165-212. In Duignan Peter and Gann L.H (edited by) (1975). Colonialism in Africa 1870-1960. Volume 4, The Economics of colonialism. Cambridge University Press. 719 p.

[39] Best Alan C.G. and Blij Harm J. (1977). African Survey. London : John Wiley and Sons, 626 p (p. 250).

[40] Rosen Jonathan W. (2017). As the World Cuts Back on Coal, a Growing Appetite in Africa. National Geographic, May 10.

[41] Voir pour une histoire détaillée de cette période Reutt Suzanne (2013). Histoire : A la recherche des fabuleux gisements de charbon de Madagascar. La Tribune de Diégo Suarez, 01, 15 et 29 mai.

[42] Célérier J. (1928). Annales de Géographie, vol. 37, pp. 284-85.

[43] L’essentiel de ce qui suit est tiré d’une note rédigée par M. Moustapha Kadi, vice-président de l’Association Droit à l’Energie. Nous le remercions très sincèrement ainsi que  M. Pierre-Jean Coulon, président de la dite association, pour la transmission de cette note qui a été actualisée à l’aide Global Coal Market Newletter.

[44] Pedler Frederick Sir. British planning and private enterprise in colonial Africa, pp. 95-126. In Duignan Peter and Gann L.H. Colonialism, op. cit. Sans cette mine, la ligne ferroviaire orientale vers Port Harcourt n’aurait probablement pas été construite, selon Hogendorn Jan S. Economic initiative and african cash farming : pre-colonial origins and early colonial developments, pp. 283-328 (p. 295). In Duignan Peter and Gann L.H. Colonialism, op. cit.

[45] Entre 1948 et 1961, la production d’électricité augmente de 108 à 662 GWh sur une base presque exclusivement thermique charbon.

[46] Leur description en est faite par Arnaud M.G. (1945). Les ressources minières de l’Afrique occidentale. Annales des Mines, janvier-février, pp. 639-737, ainsi que par Martin Daniel. African Coal, op. cit, pp. 63-66.

[47] Global Coal Market Newletter,  May 5, 2017.

[48] Global Coal Market Newletter,  November 11, 2016.

[49] Global Coal Market Newletter,  July 31, 2017.

[50] IEA (2014). Africa Energy Outlook. Special Report. A focus on energy prospects in Sub-Saharan Africa, 234 p.

[51] On en trouve la liste et la description pays par pays in Girod Jacques (1994). L’énergie en Afrique. Paris : Karthala, 465 p.

[52] Berthonnet Arnaud, L’industrie électrique en Algérie : le rôle des sociétés électriques et plus particulièrement d’EGA à partir de 1947. In Barjot Dominique, Lefeuvre Daniel, Berthonet Arnaut, Coeuré Sophie (2002). L’électrification outre-mer de la fin du 19ème siècle aux premières décolonisations, Paris : EDF, pp. 331-352.

[53] À partir des données de IEA, Electricity Information 2007, p. I.36.

[54] Sur la base d’affluents signalés dès 1908, le gisement avait été découvert en 1927 par une mission géologique du groupe sidérurgique belge Ougree Marihaye qui recherchait du manganèse. Il sera mis en exploitation dès 1930 en vue de remplacer le charbon importé jugé très coûteux par l’industrie des phosphates et par la compagnie électrique exploitant depuis 1924 la centrale thermique de Roches-Noires à Casablanca. Les ressources sont estimées à 1 Gt dont 10% économiquement exploitables.

[55] Parmi les déficiences de Jerada, le caractère très cendreux de l’anthracite (jusqu’à 45%) et la faible productivité du travail (150 t/homme/an) due aux caractères géologiques du gisement mais aussi à des erreurs d’équipement du siège n°5, le plus moderne au début des années 1980. Martin Daniel. African Coal, op. cit, pp. 56-59.

[56] Il est décrit dans Dussert D (1922).. La mine de Kenadsa. Annales des Mines, 12ème série, tome 1, pp. 59-98.

[57] Au cours des années 1980, les 4x 600 MW de thermique charbon envisagés sur ce site intéressaient particulièrement les exportateurs australiens en BOO. Ils y ont renoncé devant l’impossibilité de rentabiliser le projet aux tarifs de l’électricité ultra subventionnés de l’Egypte.

[58] Estimant le parc électrique en surcapacité de 4 GWe, dans un contexte de financement difficile, le gouvernement a décidé le report de nombreux projets de TGCC ainsi que de 3 960 MWe de thermique charbon projetés par l’Egyptian Electricity Holding Co en partenariat avec Al Nowais (Abu Dhabi).

[59] Alors que sur son site, elle parle d’un projet gaz de 372 MWe à Songon, en partenariat avec China Energy Engineering Corporation (CEEC), Jeune Afrique (29.12.2016) titre « La Côte d’Ivoire va construire deux centrales thermiques au charbon à San Pedro ». Les deux sont attribuées à Starenergie dont celle de Songon ! Finalement, c’est surtout dans l’hydroélectricité que la Chine, via Sinohydro Corp. est en train d’investir avec la mise en ligne de Soubre ( 275 MWe) en octobre 2017 et 3 autres projets (500 MWe).

[60] Ce qui est cohérent avec les scénarios de l’AIE, soit, sur la base de 42 GWe en 2012, des puissances de 90 ou 99 GWe en 2040 dans New Policy Scenario et African Century Scenario. Cf.  Africa Energy Outlook, op. cit, p. 192.

[61] Il s’agit de levelised costs calculés sur la base d’un coût du capital de 7% dans les conditions d’exploitation de l’Afrique du Sud et sans coûts additionnels au titre de la protection de l’environnement. Source : IEA, Africa Energy Outlook, op. cit, p. 151.

[62] Elle se manifeste épisodiquement comme le signale MX Mining qui dit rencontrer des difficultés de financement du fait « d’un climat défavorable au charbon ». Global Coal Market Newletter, 23.08.2017.

[63] Dont un bon exemple est fourni par le succès du kit de la firme M-Kopa au Kenya.

[64] Référence note 38.

[65] Soit sur la base des scénarios mentionnés note 59, des émissions de 1,8 à 2,4 Gt sur un total mondial d’environ 43.

 


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