Biomasse et énergie : des ressources primaires aux produits énergétiques finaux

Sous les feux de l’actualité, les sources d’énergie renouvelables (EnR) ne sont pas toutes égales. Bien qu’occupant la première place dans le bilan énergétique mondial, la biomasse n’est pas la plus étudiée. Ce qui suit est donc d’une grande importance pour qui veut comprendre ce que sont les sources d’énergie biosourcées, ou bioénergies, et quels en sont les développements possibles.


La transition écologique qui s’impose aujourd’hui à toutes les sociétés, surtout industrialisées, nécessite un recours croissant aux sources d’énergie renouvelables (EnR). Parmi elles, aux côtés des nouvelles techniques pour produire de l’électricité, la biomasse, historiquement utilisée depuis les débuts de l’humanité, occupe une place majeure.

Mais qu’est-ce que la biomasse ? Issue principalement de l’agriculture, de l’élevage, des forêts et de la mer, elle est relativement méconnue sous cette appellatio générique car chacun de ces domaines procure des ressources finales très différentes les unes des autres, des produits alimentaires aux matériaux les plus variés et aux sources d’énergie utilisées pour l’éclairage, la cuisson, et surtout les combustibles destinés au chauffage.

Pour bien comprendre la place prise et à prendre par les produits de la biomasse dans un bilan énergétique (Lire : Le bilan énergétique), il est indispensable de remonter à la définition de la biomasse, à ses propriétés énergétiques, à son cycle de valorisation et aux diverses formes de sa contribution à la satisfaction des besoins énergétiques (Lire : Les besoins d’énergie).

 

1. Qu’est-ce que la biomasse ?

La biomasse, au cœur du monde vivant, donc substrat essentiel de la biosphère, est produite par les êtres que sont les plantes, les animaux, les insectes et les micro-organismes, principalement au cours de leur croissance. Elle a pour caractéristique fondamentale d‘être constituée de matière organique, végétale ou animale, ou tout au moins d’origine végétale ou animale comme le sont les sédiments fossiles aujourd’hui inertes (hydrocarbures), ou n’étant plus vivants mais cependant habités par des micro-organismes actifs, ce qui caractérise les résidus, déchets, et autres matières fermentescibles qui, sous l’action de certaines bactéries, sont alors dénommées biodégradables[1].

La caractéristique chimique essentielle de la biomasse est d’être construite à partir de molécules carbonées, structurées selon d’innombrables formules, presque toujours de type polymères, appartenant à des familles très connues de la chimie organique (polysaccharides, ou lipides, par exemple). Dans ces assemblages de composants se trouvent généralement incorporés en faible quantité des éléments minéraux, qu’on retrouve notamment dans les cendres des produits brûlés.

1.1. Définition légale

Depuis les assises du Grenelle de l’environnement (septembre-novembre 2007) et la loi de programmation n°2009- 967, la biomasse est définie légalement en France comme « la fraction biodégradable des produits, déchets, et résidus provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers » (Figure 1).

 

Fig 1 : Les résidus de l'agriculture et les déchets organiques agroalimentaires ou urbains font partie de la biomasse.

 

Cette définition a été inspirée par celle précédemment retenue de la Directive 2001-77-CE du Parlement européen et entérinée par le Conseil du 27 septembre 2001, en vue de préciser la nature des sources d’énergie renouvelables destinées à la production de l’électricité. Il s’agit donc d’un référentiel de la réglementation intérieure européenne.

Pour que la ressource « biomasse » soit caractérisée matière renouvelable, on « suppose que la plante repousse après avoir été prélevée », ce qui implique que son stock soit géré de façon durable sans décroître avec le temps, sa quantité de carbone incorporée demeurant ainsi stable.

1.2. Les ressources constitutives de la biomasse

D’une manière générale, les ressources de la biomasse accessibles sur notre planète, issues de grands domaines de production, peuvent être classées de la manière suivante :

  • les produits issus de l’agriculture (blé, maïs, pommes de terre, betterave, canne à sucre, colza, tournesol, soja, palme et autres) et de l’élevage (graisses notamment), tous dédiés initialement du moins à l’alimentation humaine ou animale auxquels s’ajoutent des plantes dédiées à la culture énergétique, comme le miscanthus géant pour le bioéthanol, le switchgrass ou le colza pour le biodiesel ;
  • les co-produits et résidus de l’agriculture et de l’élevage : pailles, pulpes, drèches, tourteaux, fumier de bovins, lisier de porcs, fientes de volailles ;
  • les ressources halieutiques : produits animaux de la mer et des zones humides et leurs déchets, algues et microalgues, ces dernières promises à un grand avenir car très riches en énergie ;
  • le bois des forêts qui fournit en majeure partie les ressources de bois-énergie, utilisées pour la cuisson des aliments, le chauffage des logements et des collectivités que complètent aussi les plantations d’arbres à vocation énergétique, comme le peuplier, le pin, l’eucalyptus ou les taillis à courte rotation (TCR), soit quelques années, en saule notamment ;
  • les déchets naturels du bois et de la sylviculture (plaquettes, sciure) ainsi que ceux des industries du bois de construction (copeaux, sciure) et du bois d’emballage (cagettes, palettes, tonnellerie), à l’exception de ceux traités par des produits chimiques toxiques ;
  • les déchets issus des industries agro-alimentaires, des habitations et des collectivités urbaines, souvent humides ou même liquides, parmi lesquels les boues des eaux usées, les ordures ménagères et résidus organiques des déchetteries, les résidus de la distribution et des cafés-restaurants ou ceux des espaces verts.

 

2. Contribution de la biomasse à l’approvisionnement en énergie

La biomasse a été utilisée par les animaux et par les hommes depuis les débuts de leur présence sur terre, pour satisfaire trois grands besoins fondamentaux : nourriture, matériaux, et énergie, sous diverses formes (Lire : Consommation mondiale d’énergie avant l’ère industrielle).

2.1. Des ressources primaires aux ressources utiles

Les ressources sont des produits de la nature, mais ils sont rarement consommables directement : les aliments doivent être épluchés, broyés, cuits ; les sources d’énergie captées et transformées par des convertisseurs tels que les meules de charbon de bois ou les moulins à eau ou à vent ; les matériaux (bois, laine ou cuir) travaillés à l’aide d’outils.

 

Fig. 2 : Les grands domaines de production de biomasse et leurs filières – Source : ADEME.

 

Ces successions de transformation (Figure 2) forment des filières qui vont :

  • des ressources primaires, naturellement accessibles, extraites ou cultivées (rayonnement solaire, vent, énergie hydraulique, géothermie, énergie nucléaire, et énergie chimique contenue dans les végétaux et animaux) ;
  • aux produits finaux (bûches, pellets, boues, gaz, carburants, électricité) eux même transformés en sources d’énergie utile déployée pour tous usages biologiques (métabolisme), mécaniques (force motrice des machines, des véhicules), thermiques et chimiques.

Ces transformations s’opèrent avec des rendements très variables selon la nature de la ressource, selon son taux d’humidité, sa densité énergétique et selon les procédés de transformation mis en œuvre, mais évidemment avec un rendement de consommation toujours inférieurs à 1 (= 100%).

D’une manière générale, la valorisation de la biomasse consiste donc à transformer des ressources primaires en vue d’obtenir les produits finaux correspondant aux divers besoins matériels des consommateurs (nourriture, matériaux, et énergie), au sein de différentes filières. Dans le cas de la biomasse-énergie, l’énergie est échangée sous de multiples formes, dans son flux de production et en interaction avec son environnement.

D’une manière générale, la valorisation de la biomasse consiste donc à transformer des ressources primaires en vue d’obtenir les produits finaux correspondant aux divers besoins matériels des consommateurs (nourriture, matériaux, et énergie), au sein de différentes filières. Dans le cas de la biomasse-énergie, l’énergie est échangée sous de multiples formes, dans son flux de production et en interaction avec son environnement. (Lire : La consommation mondiale d’énergie 1800-2000 : définitions et mesures, sources, résultats).

2.2. Place de la biomasse parmi les ressources énergétiques primaires

Tant au niveau mondial qu’à celui de la plupart des pays, surtout peu industrialisés, la biomasse reste de très loin la première source d’énergie renouvelable dans la consommation des sources primaires d’énergie (Figure 3).

 

Fig. 3 : Evolution de la structure du bilan énergétique mondial. La biomasse est dénommée biofuel and waste. Rappelons que les Mtoe (millions of tons of oil equivalent) sont des Mtep (millions de tonnes équivalent pétrole) - Source: OECD/IEA 2016 Key World Energy Statistics, IEA Publishing.

 

Hors nourriture, non considérée comme produit énergétique, elle représente environ 10% de toutes les sources primaires, derrière le pétrole, le charbon et le gaz naturel mais devant le nucléaire, l’hydroélectricité et les autres sources renouvelables. Cette part peut cependant varier considérablement d’une région du globe à l’autre, en raison des différences de situations géographiques, de ressources naturelles et surtout de niveaux de développement (Tableau 1).

 

Tableau 1 : Biomasse en % de la consommation d’énergie primaire de diverses régions du monde

 

Monde
10,4
Chine
7,1
Pays membres de l’OCDE
5,7
Inde
23,5
Japon
2,5
Brésil
27,7
Etats-Unis
4,7
Afrique
47,6
Europe
8,2
Afrique sub-saharienne
61,0
Pays non membres de l’OCDE
13,9
Afrique de l’Ouest
74,6
Moyen-Orient
0,1
Afrique du Centre
78,4
Russie
1,1
Afrique de l’Est
84,8
Source : IEA, World Energy Outlook 2016 et Africa Energy Outlook 2014.

Fig. 4 : Part de la biomasse dans la production de sources renouvelables en France - Source : Rapport Sénat /Assemblée Nationale -10 Février 2016, Chiffres clé énergies renouvelables.

 

Par rapport aux seules sources renouvelables, la part de la biomasse est presque toujours prédominante comme dans le cas de la France (Figure 4).

Comme l’ensemble des sources d’énergie renouvelable qui proviennent à 98% du soleil, la biomasse-énergie provient du rayonnement solaire.

La quasi-totalité des énergies renouvelables est décarbonée : il s’agit de la chaleur absorbée par la terre, les océans, et la biosphère, de l’énergie utilisable (indirectement) sous forme hydroélectrique, éolienne, ou marine, et de celle qu’on peut directement utiliser dans des capteurs solaires, thermiques sous forme de chaleur, ou photovoltaïques sous forme d’électricité (Lire : Énergie solaire : les bases théoriques pour la comprendre).

Une autre part est carbonée. Il s’agit de la part de l’énergie solaire absorbée par la biomasse, y compris maritime, et transformée sous la forme d’une énergie chimique stockée. Elle réside surtout dans les plantes, ainsi que dans les êtres vivants, marins, végétaux et animaux, principalement dans les algues et le plancton. On la trouve en abondance dans le bois, dans les arbustes, les taillis ou l’herbe (Lire : Photosynthèse et biomasse).

Source d’énergie traditionnelle depuis les débuts de l’humanité, cette biomasse-énergie est aujourd’hui massivement consommée dans les pays du sud (Afrique, Asie), pour satisfaire les besoins domestiques de cuisson des aliments et de chauffage des habitations. Le charbon de bois y est notamment encore très utilisé. Mais des pays avancés l’utilisent aussi en raison de son abondance naturelle (bois des forêts du Canada), ou en plantant des forêts (pins, eucalyptus, palmiers à huile), ou par l’exploitation de cultures comme celles de la canne à sucre, source importante de carburant au Brésil.

2.3. Les ressources de la biomasse sources d’énergie

Les ressources de la biomasse peuvent toutes devenir des sources d’énergie. Très diversifiées, la quasi-totalité d’entre elles peuvent en effet se muer en combustibles, y compris les matières organiques humides telles que tissus des plantes et animaux abattus, déjections et eaux usées, mais parmi toutes ces ressources, c’est la matière sèche qui compte le plus.

a/ En premier lieu, on trouve tous les usages énergétiques directs, sous forme de combustibles : bois de chauffage (bûches) et résidus naturels des forêts, des taillis et des cultures tels que plaquettes forestières, paille, drèches d’orge, rafles de raisin et de maïs, pulpes de betteraves, coques de tournesol et autres. Il n’est cependant pas souhaitable de brûler les résidus agricoles, riches en matières organiques, notamment en protéine.

b/ On dispose aussi des produits combustibles dérivés du bois, ayant donc subi des transformations artisanales ou industrielles : charbon de bois, pellets, sciures, y compris pour les productions de chaleur urbaine, l’électro-génération. Leur valeur économique est certaine.

c/ Il existe par ailleurs des plantations de végétaux (non alimentaires) destinés à la production d’énergie (chaleur, électricité), ou éventuellement à la production de biogaz. On les appelle des cultures énergétiques dédiées. Il s’agit généralement de plantes à croissance rapide à (saules, pins, eucalyptus, miscanthus, switchgrass, sorgho). Ces cultures ne sont encore pas très développées, leur intérêt économique n’étant pas toujours démontré à des fins énergétiques bien qu’il puisse l’être pour des productions de matière comme la pâte à papier.

d/ Les cultures alimentaires, dont on connaît la très grande diversité, sont toutes des ressources potentiellement aptes à devenir des marchandises énergétiques. Les aliments sont par nature des produits à vocation énergétique indispensables à la survie et aux activités physiques et intellectuelles de tous les êtres vivants, humains, animaux, et végétaux. La plupart des produits de culture que l’on trouve dans l’agro-industrie peuvent donc être transformés en produits énergétiques, carburants principalement : amidon des céréales en bio-éthanol, sucre de la betterave ou de la canne à sucre également en bio-éthanol, huile des oléagineux (tournesol, colza, soja) en biodiesel.

On peut aussi cultiver du maïs et d’autres plantes, notamment exotiques, en vue de fabriquer du biogaz, par méthanisation. Ce gaz peut être consommé dans l’industrie, distribué dans des réseaux ou utilisé comme carburant dans des véhicules.

Ces transformations énergétiques de produits alimentaires sont aujourd’hui très développées dans certains pays comme les États-Unis (maïs), l’Allemagne (maïs), ou le Brésil (canne à sucre), mais contestées dans la mesure où leur culture perturbe économiquement les marchés dont les cours peuvent être faussés et risque de créer des pénuries de nourriture.

e/ À vocation ni énergétique ni alimentaire, certaines cultures produisent des matières et des matériaux utilitaires sous d’innombrables formes : plantes à fibres comme le coton, le lin, le chanvre, plantes dédiées (hévéa, pour le caoutchouc), plantes médicinales, plantes à parfum, et même plantes a priori alimentaires (comme les pommes de terre), mais utilisées pour des productions de polymères très divers, notamment pour la fabrication des matières plastiques et de multiples produits de chimie fine (cosmétiques, solvants, adjuvants, détergents, adhésifs, isolants, colorants et peintures). Les produits de ces cultures ne sont généralement pas utilisés à des fins énergétiques.

f/ Les déchets de toutes sortes, sont, en revanche, de plus en plus transformés en matières énergétiques, notamment en vue de produire du biogaz, par fermentation (méthanisation) ou par méthanation.

 

Fig. 5 : La biomasse marine comprend les diatomées, algues monocellulaires brunes vivant dans les océans et faisant partie du phytoplancton - Source : Wikipedia.

 

g/ Restent les algues qui sont d’abord un aliment pour de nombreuses populations d’Asie et utilisées assez abondamment dans le monde occidental (spiruline, par exemple), surtout comme ingrédient pour des usages pharmaceutiques et cosmétiques. Les micro-algues, aujourd’hui objet de nombreuses études et expérimentations, notamment par des techniques d’aquaculture, sont connues pour leurs propriétés énergétiques remarquables, dues à leur contenu très élevé en matières oléagineuses. On les considère pour cette raison comme une source potentielle importante de biocarburants (biodiesel), mais seulement dans les 15 ou 20 années à venir (Figure 5).

 

3. Propriétés énergétiques de la biomasse

D’où provient l’énergie contenue dans la biomasse ? Elle a pour origine la photosynthèse, mais elle dépend ensuite du contenu énergétique des diverses ressources de la biomasse, lui-même produit des rendements de transformation.

3.1. Photosynthèse

Grâce aux pigments de la chlorophylle, les végétaux élaborent leur biomasse sous l’effet de la photosynthèse, processus dans lequel des molécules organiques (glucides, notamment le glucose, monomère du sucre) sont élaborées sous l’action du rayonnement solaire, par absorption de gaz carbonique de l’atmosphère et réaction sur des molécules d’eau, rejetant en même temps de l’oxygène dans l’atmosphère.

Énergie lumineuse + 6 CO2 + 6 H2O à C6H12O6 + 6 O2

Cette énergie d’origine solaire est ainsi convertie et stockée, en partie, sous forme d’énergie chimique, constituant une réserve utile pour l’accomplissement des fonctions vitales de la plante, dont sa nutrition et sa respiration. Celle-ci s’exerce en l’absence de lumière, la nuit, en consommant de l’oxygène et rejetant du gaz carbonique, dans une réaction de combustion analogue à celle de la respiration des animaux et des hommes, qui restitue de la chaleur (Lire : Photosynthèse et biomasse).

Ce cycle complet photosynthèse / respiration (combustion) est neutre du point de vue carbone, le CO2 rejeté dans l’atmosphère au cours de la combustion y ayant été précédemment absorbé par la plante, dans la photosynthèse. Contrairement à ce qui se passe dans la combustion des combustibles fossiles, sur une durée permettant aux végétaux de se régénérer, il n’y a pas donc d’émission de CO2 dans l’utilisation du bois-énergie.

Selon les espèces de plantes considérées, la photosynthèse élabore diverses molécules importantes dans le stockage énergétique de la plante, notamment le saccharose (sucre polymère du glucose), l’amidon (polymère encore plus complexe, présent surtout dans les céréales), le glycérol (présent dans les oléagineux et riche en énergie) et surtout la cellulose, composante majeure du bois et des plantes herbacées, riches aussi en fibres (coton). Dans le bois, cette molécule est associée à des hémi-celluloses et à de la lignine.

Les algues et microalgues absorbent et stockent aussi par photosynthèse des quantités considérables de carbone, les océans occupant environ 70 % de la surface de notre planète.

Sur le plan quantitatif et à l’échelle planétaire, les réactions de photosynthèse absorbent annuellement au moins 100 milliards de tonnes (Gt) de carbone, stockant ainsi environ 100 milliards de tonnes d’équivalent pétrole (Gtep) d’énergie dont 59 pour la végétation terrestre, ce qui correspond à 8 fois la consommation mondiale d’énergie, de l’ordre de 12 Gtep[2].

L’énergie solaire diffusée sur la terre (océans compris) est gigantesque : en moyenne environ 0,3 kW par m2, ce qui correspond à 3000 kW par hectare ou 300 000 kW par km2. Mais une très faible partie de cette énergie est en fait transformée par photosynthèse, soit moins de 1/1000e de la quantité reçue, en raison de l’effet de nombreux facteurs physiques (pertes thermiques et liées au spectre lumineux notamment), chimiques (réactions auxiliaires), environnementales (température, présence d’eau), dispersion et orientation des plantes et des feuilles, entre autres.

Bien que, dans les conditions les plus favorables, l’énergie récupérée par photosynthèse puisse atteindre 5 à 6 % de l’énergie captée, elle représente en définitive, et en moyenne, nettement moins de 1%. À titre de comparaison, les cellules photovoltaïques offrent des rendements pouvant atteindre environ 20 %. La biomasse est donc une source d’énergie très abondante mais extrêmement diffuse !

3.2. Rendement matière des plantes et contenu énergétique

Pour comprendre le rendement énergétique de la biomasse, il faut d’abord s’interroger sur les quantités de matière végétale produites par les plantes dans l’espace et dans le temps, donc à leur rendement matière. Cette quantité dépend fortement de la nature du végétal, mais tout autant du climat, de la disponibilité de l’eau et des nutriments, ainsi que des modes de culture, voire de prédation.

La production brute (Pb) de biomasse, dans l’agriculture, est évaluée en kilogrammes ou en tonnes par hectare et par an. La production naturelle de biomasse est très variable selon les régions et les climats. Elle peut atteindre jusqu’à 20 tonnes/hectare (t/ha) dans les régions tropicales. Pour produire du bioéthanol, sur un hectare et par an, on peut obtenir les quantités de matière brute récoltées suivantes[3] :

  • Blé : 7,5 tonnes, soit 4,2 t d’amidon, puis 26 hectolitre (hl) d’éthanol
  • Maïs : 10 tonnes, soit 6,3 t d’amidon, puis 40 hl d’éthanol
  • Betterave : 96 t soit 16 t de sucre, puis 96 hl d’éthanol
  • Canne à sucre : 90 à 110 t, soit 80 à 100 t de sucre, puis 90 hl d’éthanol.

Mais l’eau occupant une part importante, voire très importante, de la masse végétale, aussi bien dans les champs et les prairies que dans les forêts, et encore bien plus dans les algues, il est nécessaire de préciser si l’on parle de biomasse naturelle contenant son eau, ou de matière sèche. Cette distinction concerne surtout le bois, qui, coupé fraîchement, peut contenir plus de 50 % d’eau. Mais pour bien brûler il doit en contenir moins de 20 %.

Le contenu énergétique des combustibles est mesuré par leur pouvoir calorifique, dit supérieur [PCS] lorsqu’il inclut l’énergie nécessaire à la vaporisation de l’eau, incontournable au cours de la combustion, et dit inférieur [PCI] après déduction de cette chaleur latente.

Sur ces bases, une tonne de matière sèche a un contenu énergétique moyen de 0,45 tep. Une production végétale de 10t/ha/an correspond donc à 4,5 tep ; il s’agit là d’une production déjà relativement élevée. Une tonne de bois d’humidité relative à 25 % contient en effet 0,33 tep, ce qui équivaut tout de même à 3 833 kWh. A titre de comparaison, une tonne de carburant fossile, essence, fuel domestique, ou gaz naturel, contient de 1 à 1,12 tep, donc au moins 3 fois plus d’énergie (Lire : Les unités d’énergie).

3.3. Rendement énergétique

La notion de rendement énergétique est un concept général, utilisé lors des transformations d’une énergie en une autre forme d’énergie dans une machine, un corps vivant, un processus de production de combustible ou de carburant. Lorsque la fabrication d’un combustible ou d’un carburant, bio ou pas, nécessite la consommation d’une énergie extérieure (processus allo-thermique), son rendement est généralement inférieur à celui obtenu dans le cas contraire.
Mais il faut aussi tenir compte de la nature, renouvelable ou non, de cette énergie extérieure.
Les professionnels de l’énergie appellent ainsi Indice énergétique (Ie) le rapport entre l’énergie restituée sous forme de produit final (carburant) et celle de l’énergie fossile consommée.

Lorsque l’on dispose de végétal destiné à produire de l’énergie, on sait évaluer la quantité d’énergie par hectare qu’il contient. On connaît ainsi la production brute d’énergie (Pb) accessible. Elle est calculée en tep/ha/an.

Mais la culture des végétaux (travail des sols, production des engrais), leur récolte (usages des tracteurs, des machines) et surtout les transformations permettant de passer de la ressource primaire au produit final (combustibles solides, chaleur, biogaz ou carburants) nécessitent de consommer beaucoup d’énergie, aujourd’hui fossile, selon une quantité EF. La valeur énergétique du produit final en est d’autant réduite. Celle-ci est évaluée aussi en tep/ha/an, la production nette Pn = Pb – EF (tep/ha/an) peut alors être calculée.

Cette fabrication, après récolte, introduit donc des pertes de rendement, dépendant notamment des procédés mis en œuvre. Il en est ainsi, par exemple, de la fabrication biologique de biogaz par méthanisation, ou fabrication thermochimique de gaz de synthèse. On peut alors définir un rendement énergétique RE = Pn / Pb de ce végétal, exprimé en %.

D’un point de vue économique, le calcul du rendement énergétique, donc le calcul des coûts, pourrait aussi prendre en compte la valorisation, ou non, des coproduits issus de l’élaboration du produit final, co-produits tels que tourteaux, drèches et pulpes de betterave.

D’une manière plus générale, cette méthode de calcul inspirée de l’analyse du cycle de vie (ACV) donne des résultats assez variables, principalement en raison de la prise en compte de la qualité renouvelable ou non des énergies grises utilisées. Du coup, elle peut produire des résultats contestés : 42 % en France, 10 % aux États-Unis pour de l’éthanol issu de blé, de maïs, ou de betterave, donc après transformation de la molécule amidon, sucre en biocarburant. On considère cependant qu’en moyenne la valorisation énergétique sous forme d’éthanol de ces céréales conduit à obtenir un rendement énergétique de 40 %, l’usage des énergies non renouvelables absorbant donc 60 % de la ressource primaire.

 

4. Valorisation de la biomasse

Les transformations opérées en vue de la valorisation de la biomasse apportent une valeur économique aux ressources traitées, mais nécessitent des consommations de matière (eau, intrants) et d’énergie, donc absorbent d’autres ressources utilitaires, qui ont un coût et des incidences environnementales. Elles s’exercent par ailleurs presque toujours en plusieurs étapes au cours desquelles la matière est soit construite soit déconstruite.

4.1. Construction et déconstruction de la matière : « Cycle en M »

 

Fig. 6 : Le cycle en M de valorisation de la biomasse : construction et déconstruction. Source : Auteur.

 

Concrètement, on peut illustrer symboliquement et temporellement ce processus par un « Cycle en M » dans lequel quatre phases principales se déroulent successivement, au sein d’un diagramme « Temps/entropie » représentatif de « l’ordre et du désordre » de la matière (Figure 6) :

  • une phase de croissance du végétal, naturelle (sauvage) ou cultivée (agriculture) au cours de laquelle la plante se construit et se différencie : son ordre y croît, donc son entropie y diminue ;
  • une phase de déconstruction (sciage du bois, trituration de bulbes, mouture de grains, élaboration de pâte à papier ou hydrolyse, par exemple) au cours de laquelle son ordre décroit donc son entropie augmente ; elle fournit alors de la matière d’œuvre telle que bois, matériau farine ou glucose ;
  • une phase de construction du produit final tel que meuble, pain, papier ou biocarburant ;
  • une phase de consommation (destruction), dans laquelle la matière du produit est généralement décomposée (nourriture ou combustion d’un carburant, par exemple), donc à nouveau déconstruite.

La première étape du « M » étant celle de la création de la ressource (croissance du végétal), et la dernière celle de sa consommation, les étapes 2 et 3 de la valorisation correspondent successivement à une première puis une seconde transformation. Pour fabriquer des pellets de bois, on déconstruit d’abord les troncs d’arbres par sciage, broyage puis séchage, et on construit ensuite les granulés par moulage à haute pression, sans colle ni liant. De même, le bioéthanol est fabriqué par broyage et extraction du glucose des betteraves ou de la canne à sucre, suivis d’une fermentation et d’une distillation. Toutes ces opérations engendrant des résidus ou déchets, lesquels retournent tôt ou tard dans la nature ou sont récupérés et retraités, le M ci-dessus, rebouclé, est donc topologiquement un cycle.

 

Fig. 7 : Structure d’une filière de chimie du végétal (molécule plateforme), avec ses débouchés en cascade de déchets et de produits énergétiques - Source : Association de chimie du végétal.

 

La récupération des déchets représente par elle-même un vaste secteur économique, doté de nombreuses filières. Elle s’inscrit dans le cadre de l’économie circulaire, inscrite dans la loi sur la transition énergétique, mais aussi d’un principe nouveau de la valorisation de la biomasse : celui des transformations en cascade (Figure 7). Dans ce concept important, les résidus ne sont pas considérés comme des déchets mais comme de nouvelles matières d’œuvre appelées co-produits, valorisables, dont les transformations créeront des résidus eux même susceptibles de devenir valorisables.

Par ailleurs, en fin de cascade, les vrais déchets, considérés techniquement comme tels, conservent une valeur économique parce qu’ils contiennent généralement encore de l’énergie (noyaux d’olives brûlés dans des chaudières d’usine, par exemple). L’économie circulaire est ainsi appelée à jouer un rôle particulièrement important dans la gestion de l’énergie d’une région ou d’un pays.

4.2. Filières de valorisation et système de production biosourcée

D’un point de vue économique, les transformations de construction-déconstruction s’opèrent au sein de filières dans lesquelles divers acteurs créent ou entretiennent la ressource primaire (agriculteurs, sylviculteurs), produisent les agro-ressources (industriels), cultivent ou récoltent les produits de la mer (pêcheurs, aquaculteurs), puis élaborent les produits finaux (industriels en tous genres). Dans les siècles passés, ces filières dites traditionnelles étaient par nature « monoflux » parce qu’organisées autour d’un flux principal de matière reliant l’agriculteur, le sylviculteur ou le pêcheur au consommateur final. Ainsi en allait-il de la production de bûches consistant simplement à couper les troncs des arbres, à les débiter puis à les livrer aux particuliers utilisateurs en vue de leur combustion.

 

Fig.8 : Les principales filières de production des produits énergétiques

 

Mais la biologie et la chimie sont passées par là, et une triple vision des végétaux a pris le pas sur leur seule perception externe : celle de la ressource massive (plante à l’état naturel), des cellules et fibres (vision histologique) et celle de leurs molécules. De nouvelles propriétés porteuses d’importants débouchés économiques sont apparues, permettant de multiplier les produits finaux issus d’une même ressource. Elles ont permis de développer des filières arborescentes nouvelles, basées sur la chimie du végétal et les biotechnologies (Figure 8).

Une même plante, le maïs par exemple, permet à la fois de nourrir des volailles, de fabriquer de la polenta, de produire de l’amidon pour la pharmacie ou les fabriques de papier, du biogaz, de l’alcool industriel ou du bioéthanol incorporé dans l’essence des voitures !
Dans ce cas, l’arborescence des transformations est descendante, sa structure basée sur une, ou éventuellement plusieurs, ressource(s) primaire(s) mais sur une seule « molécule plateforme » présentant une diversification moléculaire vers de multiples marchés.

À l’inverse, un fabricant de carburants peut aussi produire du biodiesel avec une multitude de végétaux oléagineux : tournesol, colza, palme, toutes sortes de graisses animales, ou des algues. Dans ce second cas, l’arborescence de la ou des filière(s) aboutissant à ce carburant est ascendante : un seul marché, mais de multiples ressources primaires.

 

5. Les produits énergétiques finaux et leurs usages

Il existe en définitive, dans la production d’énergies biosourcées, une pluralité de filières basées sur les ressources agricoles, forestières, marines et traitement des déchets, aboutissant à diverses formes de sources finales d’énergie : les biocombustibles solides (bois-buches, pellets, charbon de bois), les biogaz, les biocarburants et l’électricité.

5.1. Biocombustibles solides : le bois-bûches et les pellets

Le bois est principalement utilisé à des fins de chauffage, domestique ou collectif, d’où la désignation de bois-énergie. Nombre de ses utilisateurs brûlent des bûches directement issues des coupes de troncs effectuées dans les forêts. Elles proviennent d’essences variées, feuillues ou résineuses, dont le PCI dépend de la densité de la variété et surtout du degré d’humidité du bois utilisé. S’il est sec, son pouvoir calorifique est presque identique pour toutes les essences (entre 4 et 4,5 kWh/Kg).

La combustion complète du bois, disposant initialement d’un pouvoir calorifique supérieur (PCS), nécessite la vaporisation de l’eau qu’il contient. Celle-ci absorbe une certaine chaleur latente qui diminue d’autant la quantité de chaleur utile, le pouvoir calorifique résiduel devenant pouvoir calorifique inférieur (PCI). Un bois réputé sec dont l’humidité est de 20% peut ainsi perdre la moitié de sa chaleur utile s’il est vert.

Le processus de combustion du combustible se déroule en plusieurs étapes. L’énergie dégagée par un appareil de chauffage rempli d’une charge de bois varie en effet en fonction du temps. Ainsi un appareil d’une puissance nominale de 20 kW, par exemple, peut atteindre sur un temps relativement court une puissance de maximale de 50 kW, pour ensuite décroître progressivement pendant quelques heures.

Le rendement thermique de la combustion dépend du combustible consommé mais surtout de l’appareil de chauffage utilisé, c’est pourquoi des dispositifs et appareils, inserts ou poêles, de plus en plus performants sont proposés pour le chauffage domestique.

Outre l’emploi de combustibles sous forme de bûches, les besoins de chauffage sont de plus en plus satisfaits par des matériaux issus de la première ou de la deuxième transformation des arbres. Ce sont des combustibles d’origine industrielle, constitués soit de résidus, écorces ou copeaux, soit de plaquettes et de granulés fabriqués en vue de leur combustion dans des équipements thermiques individuels ou collectifs tels que les chaufferies au bois.

 

Fig. 9 : Pellets pour chaufferie individuelle ou collective.

 

Les granulés, également appelés pellets, sont des biocombustibles solides se présentant sous forme de cylindres, obtenus par compactage de sciure ou de copeaux de bois (Figure 9). Leur densité énergétique est élevée, surtout s’ils sont issus de bois résineux. Ils sont vendus en sacs, ou en vrac. Ils sont fabriqués aujourd’hui par un nombre important de fournisseurs. Leurs principales caractéristiques sont les suivantes : PCI de 4,7 à 5,3 kWh/kg (2 kg de pellets équivalent donc à 1 litre de mazout) ; densité énergétique quatre fois supérieures à celle des plaquettes forestières ; teneur en eau et en poussière inférieure à 10% ; teneur en cendre inférieure à 5%.

Il existe enfin des biocombustibles solides ligneux, qui sont des bois de rebut, tels que les résidus d’emballage, palettes et autres supports non souillés. Ils sont issus d’ateliers et d’usines de la filière bois, d’établissements de distribution, de commerces ou d’entreprises de transports. Inutilisables à d’autres fins que la fourniture d’énergie, ils sont aptes à être utilisés dans des chaudières et équipements similaires.

L’utilisation domestique du bois-bûche dans des cheminées, des chaudières et des poêles représente une part très importante de la consommation de bois-énergie en France (Tableau 2). Environ six millions de foyers, soit près d’un logement sur quatre, se chauffent de cette manière. Un renouvellement et une modernisation assez rapides du parc d’appareils conduit cependant ces utilisateurs à recourir aux pellets, ce qui améliore l’efficacité énergétique de leur installation. Une offre de solutions combinées « bois+solaire thermique » pourrait se développer conjointement, pour des particuliers ou des habitants de logements collectifs neufs de taille limitée (Tableau 2).

 

Tableau 2 : La biomasse énergie dans le bilan énergétique de la France en 2015

 

Consommation primaire (CE)
Mtep
% de CE
Consommation finale (CF)
Mtep
% de CF
Bois
9,8
3,9
Chauffage individuel
6,5
4,3
Mat. prem. biocarburants
3,1
1,2
Chauffage collectif
2,5
1,7
Déchets menagers
1,0
0,4
Biocarburant
2,5
1,7
Résidus agr.
0,3
0,1
Biogaz
0,1
0,05
Electricité
0,5
0,3
Total
14,2
5,6
12,1
9,05
Source. Ministère Env. Energie. Chiffres-clés 2016. La production d’électricité comprend 0,45 Mtep de biogaz et 0,5 Mtep de bois et déchets dont une partie en cogénération. Les % sont calculés sur une consommation primaire de 253 Mtep et une consommation finale de 150 Mtep

L’emploi de chaudières dans des chaufferies collectives, fonctionnant souvent avec des plaquettes, associées à des réseaux de chaleur (chauffage urbain, principalement) est une solution nettement plus efficace en termes de rendement. Cette solution est notamment bien adaptée au chauffage des locaux publics, industriels, ou agricoles (déshydratation du fourrage, chauffage de serres ou d’étables).

5.2. Combustibles solides : le charbon de bois

Le charbon de bois est un combustible utilisé à très grande échelle dans le monde, depuis de nombreux siècles. Il présente l’intérêt d’offrir un pouvoir calorifique élevé (~8 kWh/kg) par rapport à celui du bois (~5 kWh/kg), sous une forme plus aisée à transporter et à manipuler que celle des bûches et autres branchages du bois de feu, particulièrement lourd lorsqu’il est encore humide.

Sa fabrication traditionnelle est par ailleurs facile à réaliser, dans des meules implantées en pleine nature. Leur fonctionnement est basé sur l’exécution d’une pyrolyse produisant un combustible riche en carbone, et laissant des cendres.

On y entasse le bois puis on le recouvre d’un couvercle empêchant sa combustion complète dans l’air libre. On laisse cependant celui-ci pénétrer partiellement en dessous ; l’opération de fabrication dans l’enceinte met en œuvre successivement un séchage du bois (20° à 110°), une pré-carbonisation (110° à 270 °), puis une décomposition exothermique dégageant divers gaz des vapeurs et du goudron (270 ° à 400 °), le tout parachevé par un raffinement à haute température (400 ° à 500 °).

 

Fig 10 : Rendements de production et d’utilisation du bois de feu et du charbon de bois - Source : de Gromard Christian et Louvel Roland, La biomasse en Afrique, AFD.

 

Brûlé dans un foyer à rendement élevé (25 % pour un poêle ordinaire, notamment), le charbon de bois fournit une énergie utile de 2 kWh/kg, soit ~ 3 fois plus que celle issue d’une quantité de bois 5 fois supérieure (Figure 10).

À partir d’une même quantité de végétal, le rendement énergétique du charbon de bois est donc environ deux fois plus faible que celui du bois, ce qui signifie qu’il faut abattre deux fois plus d’arbres pour obtenir la même quantité de chaleur. Si les forêts exploitées à cette fin ne sont pas régénérées, la production artisanale du charbon de bois est donc économiquement négative et territorialement destructrice. Dans divers pays en développement, notamment en Afrique, en Amérique latine, et en Asie du Sud-Est, l’usage du charbon de bois, fabriqué et utilisé selon ces techniques, reste cependant très répandu, soit une consommation mondiale d’environ 50 millions de tonnes !

La production de charbon de bois pourrait cependant être réalisée en milieu industriel à une échelle importante, avec un bon rendement et dans des conditions écologiques convenables (sylviculture) qui ménageraient les ressources primaires. Des techniques de torréfaction existent aussi, apportant une amélioration des capacités calorifiques des combustibles obtenus.

Il n’est pas superflu enfin de mentionner, parmi les produits énergétiques solides porteurs d’avenir, les briquettes combustibles obtenues par agglomération de résidus végétaux, principalement agricoles. Elles peuvent en effet offrir un contenu énergétique important mais elles nécessitent l’emploi d’un liant, et ont un pouvoir calorifique moindre que celui du charbon de bois.

5.3. Biogaz par méthanisation ou méthanation

La production d’énergie biosourcée peut aussi s’appuyer sur la transformation de déchets de toutes sortes, végétaux, animaux et humains (ordures ménagères) en biogaz, riche en méthane, donc en calories, dénommé gaz renouvelable ou parfois gaz vert. En 2017, il ne représente en France qu’une très faible part de la consommation de gaz (0,1 %), laquelle pourrait cependant augmenter jusqu’à 30% en 2030.

Ce gaz peut être obtenu dans deux types de filières :

  • par voie biologique, via une dégradation de résidus agricoles, de déjections animales ou humaines à partir de micro-organismes, dans des unités de fermentation : il s’agit alors d’un processus de méthanisation ;
  • par voie thermochimique, mettant en œuvre des techniques de pyro-gazéification, s’appliquant plutôt aux matières lignocellulosiques du bois ou de ses résidus ; ces transformations conduisent à la fabrication de composés chimiques tels que des gaz de synthèse, mélanges d’oxyde de carbone et d’hydrogène, aux débouchés multiples ; le processus utilisé, basé sur une méthanation, est alors appelé gazéification.

5.3.1. La méthanisation des matières organiques, végétales et animales

La méthanisation des végétaux et des matières organiques est un phénomène de fermentation biologique naturel qui s’effectue en milieu fermé, dit anaérobie. Il se produit spontanément lorsque des déchets organiques humides sont confinés, par exemple dans un sac ou un conteneur. Du biogaz, composé partiellement de méthane, est ainsi créé, accompagné d’une élévation de température.

 

Fig. 11 : Méthanisation à la ferme – Source : Schéma du dossier de presse « Cobiogaz » 22 mars 2018.

 

Ce gaz étant combustible peut procurer de la chaleur, possiblement transformée en électricité ; il peut aussi être transformé en vue d’obtenir un gaz renouvelable injectable dans un réseau ou un biocarburant gazeux (biométhane).

Cette fermentation de la biomasse est effectuée dans un « digesteur-méthaniseur », qui produit un mélange de méthane et de gaz carbonique, riche en énergie, ainsi qu’un résidu mixte liquide et solide : le digestat. Sa phase liquide peut servir d’engrais azoté, sa phase solide d’amendement agricole comme du compost (Figure 11).

Divers types d’installations de méthanisation existent, y compris de gros méthaniseurs industriels :

  • certaines grandes fermes élevant des bovins traitent leurs effluents d’élevage sur le site même de leur exploitation, ces investissements étant nettement soutenus par les autorités agricoles ;
  • des centres de stockage de déchets (décharges), tenus légalement de capter leur biogaz pour éviter leur rejet sans combustion dans l’atmosphère, valorisent ce gaz par combustion dans des chaudières ou même en le transformant en biocarburant ;

Des centres territoriaux de méthanisation, traitant dans un digesteur central des résidus divers (déchets de tonte, d’élagage, lisier ou fumier) fonctionnent aussi. Ces installations, souvent coûteuses et qui soulèvent fréquemment des problèmes de rentabilité, ne sont toutefois mises en œuvre que sur des sites de grosse capacité. Elles ne suppriment pas, par ailleurs, la nécessité de stocker environ 50% des tonnages de biomasse dans des décharges.

Les installations de méthanisation utilisent en général 50% d’effluents d’élevage, 25% de substrats agricoles carbonés et 25% de biodéchets exogènes. Les effluents d’élevage sont de vraies levures de la méthanisation, mais sont peu méthanogènes et doivent donc être complétés par des substrats carbonés.

Un projet agricole de ce type coûte en moyenne ~1 million d’euros (M€) pour une puissance électrique fournie de ~150 kW (de 50 à 1000 kW), avec une efficacité énergétique totale de 65% environ. La chaleur est en général peu valorisée, sauf pour le process lui-même et l’énergie des bâtiments, mais les digestats produits sont récupérés, car la phase liquide est un engrais azoté, la phase solide pouvant être utilisée comme compost.

5.3.2. Biogaz par méthanation ou gazéification

La gazéification est une opération relativement complexe, effectuée sur des matières carbonées minérales ou organiques (charbon, hydrocarbures) ou sur la biomasse, en vue de produire un biogaz appelé gaz de synthèse, qui est combustible mais est surtout utilisé pour des transformations chimiques, notamment pour produire de l’hydrogène (Lire : La production d’hydrogène  » vert « ). Le gaz de synthèse est un produit très valorisable, composé essentiellement d’oxyde de carbone (CO) et d’hydrogène (H2).

 

Fig. 12 : Procédé de fabrication de gaz de synthèse par gazéification - Source : Guillaume Boissonnet, CEA, Cours SEM Master, INPG 2012.

 

Dans cette opération, dite thermochimique, il s’agit de transformer la biomasse en un gaz possédant de l’énergie à l’aide d’un  échage préalable, puis d’une phase de préparation, qui se déroule ensuite en plusieurs étapes, à haute température. Elle donne lieu à une réaction de pyrolyse suivie d’une combustion produisant la chaleur nécessaire pour sécher la matière d’œuvre et permettre la gazéification des produits. Elle se déroule en milieu réducteur : on ajoute juste assez d’oxygène pour apporter l’énergie nécessaire en vue d’activer les réactions de gazéification. On peut aussi fabriquer des biocarburants avec ce gaz (Figure 12) (Lire : Biogaz, biométhane et Power-to-Gas).

Ce gaz de synthèse peut être injecté sur le réseau d’un distributeur ou utilisé sur place pour produire de la chaleur ou de la chaleur et de l’électricité en co-génération.

5.4. Les bio-carburants

Les biocarburants ne datent pas d’hier. Dès l’antiquité, et sans doute avant, les hommes avaient découvert le pouvoir calorifique des huiles végétales, puisqu’ils utilisaient des lampes à huile et connaissaient les vertus énergétiques de l’alcool, appelé aujourd’hui éthanol. Lorsque Rudolf Diesel inventa le moteur à explosion, au début du siècle passé, c’est un dérivé pétrolier qu’il a utilisé mais le moteur à éthanol avait aussi été inventé.

 

Fig 13 : Filières de production des biocarburants et du biogaz - Source : P.Mathis & H.Bichat.

 

Ce n’est que vers la fin du 20ème siècle que les grands agriculteurs, devenus agro-industriels, mais aussi les pétroliers, ont compris que les céréales, la betterave sucrière, les produits oléagineux (colza, tournesol) pouvaient être de gros pourvoyeurs d’énergie et donc permettre la production de biocarburants (Figure 13). Mais les filières automobiles ne pouvaient fournir de nouveaux moteurs 100 % verts, technologiquement différents de ceux fonctionnant aux hydrocarbures fossiles ; par ailleurs il n’était pas question de détourner massivement la production agricole des marchés alimentaires. C’est pourquoi la solution du mélange biocarburant–hydrocarbure, à faible proportion de biocarburant (10 %) a été adoptée en Europe, contrairement au Brésil qui a opté pour des moteurs fonctionnant à 85 % d’éthanol, extrait d’une canne à sucre abondante et bon marché.

Comme dans le domaine alimentaire, où l’on trouve des filières basées les unes sur les polysaccharides (amidon et sucre), les autres sur les huiles et les graisses (oléagineux, protéagineux), deux grandes filières dominent la production des biocarburants : celle de l’alcool éthylique (éthanol), et de son dérivé l’éthyle tertiobutyle éther (ETBE), et celle de l’éther méthylique d’huile végétale (EMHV) ou biodiesel. La première alimente les moteurs à essence, la seconde les moteurs diesel. L’usage de biocarburants est très vertueux sur le plan écologique, économique, et stratégique, car il entraîne une baisse importante des rejets atmosphériques de CO2, ouvre des débouchés aux productions agricoles excédentaires, et contribue à l’indépendance énergétique des pays.

Ces filières, aujourd’hui matures et développées industriellement à grande échelle, sont toutefois dénommées « de 1ère génération » car basées sur des ressources agricoles dites traditionnelles, et donc soumises à terme à une concurrence d’usage : elles menacent non seulement la fourniture d’aliments à des populations en forte croissance, donc mondialement de plus en plus nombreuses, mais entrent en concurrence avec les ressources d’origine pétrolière, aux cours fluctuants.

C’est pourquoi le développement de filières de 2ème génération a été entrepris : il s’agit d’extraire l’énergie contenue dans la partie non alimentaire des plantes, donc de leurs composants ligno-cellulosiques. Concrètement cela consiste à transformer les molécules de cellulose en glucose, qu’on soumet ensuite à une fermentation permettant de produire de l’éthanol. Techniquement possible, le développement de cette voie se heurte au problème des rendements, au départ très faibles, et suppose donc la mise au point de procédés enzymatiques et métaboliques performants, à partir de nouvelles enzymes et de levures.

Joue en faveur de tels développements l’avantage majeur des procédés biotechnologiques par rapport à ceux de la chimie traditionnelle, thermo-chimie notamment ; les traitements s’effectuent sur des substrats hétérogènes et non purifiés, dans des conditions opératoires proches du naturel, c’est-à-dire dans des suspensions aqueuses diluées, à basse température, et sous une pression atmosphérique. Ces avantages sont néanmoins limités par un certain nombre d’inconvénients liés à la complexité des processus, à la stabilisation des souches et à la difficulté de pilotage des opérations de fermentation.

5.4.1. Le bioéthanol

 

Fig. 14 : Les trois filières de production du bioéthanol - Source : Club des Bio-économistes.

 

Selon la nature de la biomasse, le bioéthanol peut être fabriqué par divers procédés (Figure 14). Les graines de céréales (1ère génération) peuvent soit être broyées puis liquéfiées, avant de subir une saccharification, suivie d’une fermentation, d’une distillation et d’une déshydratation. Un autre procédé consiste à produire par centrifugation un lait d’amidon, en phase liquide, puis à l’hydrolyser pour en extraire le glucose, qui est ensuite traité par fermentation, distillation, puis déshydratation.

Si la biomasse source est constituée de canne à sucre ou de betterave, on doit d’abord extraire le sucre, en le séparant de ses substrats tels que bagasse ou pulpes de betterave, puis, comme précédemment, le traiter par fermentation, distillation, et déshydratation (Tableau 3).

Lorsque la biomasse employée est ligno-cellulosique (2èmegénération), le bioéthanol est fabriqué selon les mêmes principes : après un pré-traitement mécanique (trituration), une hydrolyse est effectuée sous l’action d’enzymes pour élaborer un substrat fermentescible, soumis alors à des levures. Après cette fermentation le produit obtenu est distillé pour en extraire l’éthanol.

Ce procédé nécessite donc de fabriquer les enzymes (à partir de bactéries et de champignons), et de disposer des levures appropriées. Ces enzymes et ces levures sont difficiles à sélectionner et à exploiter si l’on veut bénéficier d’un rendement élevé et de conditions de production à grande échelle, en utilisant, de plus, diverses matières premières ; c’est pourquoi ce procédé, développé notamment à Pomacle Bazancourt (projet Futurol), en est encore au stade pré-industriel.

 

Tableau 3 : Rendements et coûts de la production de bio-éthanol obtenue à partir de diverses plantes

 

Ressource végétale
Quantité brute récoltée (tonnes)
Produit plateforme
Produit final transformé : éthanol (hl)
Coût de production hors valorisation des coproduits (€/litre)
Coût de production avec valorisation des coproduits (€/litre)-
Betterave
~96
~16 tonnes de sucre
~ 96
0,60
0,50
Canne à sucre
~90 à 110
~12 à 16 tonnes de sucre
80 à 100
0,20
Maïs
10
6,3 tonnes d’amidon
~ 40
0,75
0,50
Blé
7,5
4,2 tonnes d’amidon
~ 26
0,75
0,50
Source : France Agrimer.

Pour adapter parfaitement le bioéthanol aux contraintes de fonctionnement des moteurs, les pétroliers lui font subir une réaction chimique avec un produit bien connu, l’isobutène, pour obtenir la molécule ETBE. C’est le produit qui se trouve dans le carburant E10 distribué par les pompes à essence, dans une proportion de 10%. Il faut cependant savoir, qu’à masse égale, le pouvoir calorifique du bioéthanol n’est que 0,64 fois celui du super sans plomb.

5.4.2. Le biodiesel

Le biocarburant dénommé biodiesel peut être fabriqué à partir de graines de végétaux oléagineux, ce qui se pratique actuellement à grande échelle ou sur la base de plantes cultivées, différentes selon les régions : tournesol et colza en Europe ; maïs principalement utilisé aux États-Unis ; soja et huile de palmiste en Asie (produit issu des noyaux des fruits des palmiers à huile, leur pulpe fournissant l’huile de palme).

Dans tous les cas, les huiles de ces plantes doivent d’abord être extraites par une trituration, suivie d’une filtration. Les déchets de cette opération sont des tourteaux, énergétiques et riches en protéines, très appréciés notamment pour l’alimentation des animaux. Les huiles brutes sont ensuite semi-raffinées par un traitement de démucilagination puis de neutralisation.

Pour les rendre utilisables dans des moteurs, les huiles sont ensuite traitées chimiquement selon l’un ou l’autre de deux procédés distincts :

  • une trans-estérification, avec du méthanol, qui fournit un ester méthylique d’huile (EMHV) lequel est aussi apprécié pour élaborer des lubrifiants et des solvants ; cette réaction fournit en outre du glycérol, produit plateforme très utilisé en chimie du végétal ;
  • une hydrogénation qui retire les atomes d’oxygène indésirables.

Il est intéressant de noter aussi que le biodiesel de 1ère génération peut aussi être fabriqué à partir de graisses animales, et même d’huiles usagées. Il existe aussi une filière biodiesel de 2ème génération, utilisant des plantes dédiées (graminées) ou des déchets ligneux. Dans ce cas c’est une voie thermochimique qui est mise en œuvre. Elle comporte un prétraitement par torréfaction, puis une gazéification et une purification, suivie par une réaction de Fischer Tropsch. Le pouvoir calorifique du biodiesel est proche de celui du gazole traditionnel, 1 tonne d’ester EMHV équivalant à 0,9 tonne de gazole.

5.4.3. Les algues et les cyanobactéries

Elles sont une autre source potentielle de biocarburants.

Les algues et les cyanobactéries sont des organismes photosynthétiques dotés de propriétés particulièrement intéressantes : ils fixent environ la moitié du gaz carbonique absorbé dans toute la biosphère tandis que leur production de biomasse par unité de surface est plusieurs fois supérieure à celle des végétaux terrestres. Ils pourraient donc jouer un rôle essentiel dans la panoplie des ressources du futur.

Le milieu vivant du plancton (phytoplancton et zooplancton), dont il existe des milliers d’espèces, constitue la base de la chaîne alimentaire de l’ensemble des organismes marins : poissons et autres produits de la mer, consommés massivement ; mais il existe aussi de nombreuses algues et animaux aquatiques des eaux douces (rivières ou lacs) et des piscines d’aquaculture.

Les débouchés alimentaires des produits de la pêche et de l’aquaculture occupent déjà une place majeure dans l’économie mondiale, mais ce qui intéresse encore plus aujourd’hui les chercheurs et industriels, ce sont les matières présentes dans ces algues. Déjà exploitées depuis longtemps pour des usages biochimiques (pharmacie) et cosmétiques, certaines contiennent en effet des molécules particulièrement riches en poly-saccharides, en protéines, en polyphénols, en lipides et en sels minéraux.

 

Fig. 15 : Processus de production de biocarburants à base de microalgues – Source : IFPEN.

 

Dans les usages énergétiques, les microalgues sont extrêmement intéressantes, car leur productivité surfacique est potentiellement très élevée : 50 000 litres d’huile par hectare, contre 6000 pour l’huile de palme ! À l’avenir, à partir de procédés de photosynthèse naturelle ou artificielle, ces organismes pourraient convertir le CO2 de l’atmosphère ou celui collecté à la sortie des grandes usines, dans des installations dédiées, hors mer et hors terres à vocation agricole, dans des bassins ou des lagunes saumâtres ou alcalines fonctionnant directement ou non à l’énergie solaire. Pourraient ainsi être élaborées des molécules carbonées riches en énergie, en particulier des biocarburants (Figure 15).

Les choses n’en sont pas encore là. Bien que, depuis plusieurs années, des stations d’essais et de démonstration préindustrielles développent et testent activement des procédés de culture et d’extraction à haut rendement de matières énergétiques (huile principalement), ces perspectives sont, à l’échelle d’une économie régionale ou nationale, restent lointaines (20 ans au moins).

5.5. Génération et co-génération d’électricité biosourcée

La valorisation énergétique de la biomasse peut aller jusqu’à la génération d’électricité toutes les fois où un coût avantageux du combustible (# 60€ / par tonne livrée) ajouté au prix du CO2 évité (# 15€ / par tonne livrée rend la thermoélectricité-biomasse très compétitive). Tel est le cas pour les industries et les collectivités qui utilisent de plus en plus de chaufferies fonctionnant au bois ou à la paille (3000 sites existants, croissance : 5 à 10 % / an), dont une partie associées à des installations de co-génération.

 

Fig. 16 : Installation de co-génération - Source : S.Ravel, CEA.

 

La cogénération est la production simultanée de deux énergies différentes dans un même processus. Le cas le plus fréquent est la production d’électricité et de chaleur, la chaleur étant issue de la production électrique ou l’inverse. Concrètement, le bois est brûlé dans le foyer d’une chaudière, qui produit de la vapeur haute pression, qui entraîne l’axe d’une turbine. Cet axe entraîne à son tour un alternateur, qui produit de l’électricité. La vapeur d’eau basse pression issue de la turbine passe dans un condenseur, qui fournit de la chaleur (Figure 16).

Un bon exemple de ce type d’installation est fourni par l’usine de pâte à papier de Saint Félicien au Québec. La fourniture, en cogénération-biomasse, de 1 MW électrique de puissance suppose, en moyenne, la production préalable de 5 MW thermiques, soit l’utilisation de 6 MW PCI en puissance d’énergie primaire-biomasse compte tenu d’un rendement chaudière de 85 %. Pour une exploitation de 7 000 H par an, soit 42 000 MWh PCI fournis, l’installation nécessite donc, pour 1MWe de puissance fournie, la combustion annuelle d’environ 14 000t de biomasse cellulosique fraîche.

 

6. Les bioénergies dans la transition énergétique

Surtout depuis les dernières décennies du 20ème siècle, la transition énergétique est devenue une « ardente obligation » (Lire : La transition énergétique : un concept à géométrie variable et La transition énergétique, un enjeu majeur pour la planète). Pour éviter la poursuite d’une dégradation de l’environnement planétaire, dont de graves risques climatiques, tous les pays sont invités à rendre leur développement économique aussi soutenable que possible. En matière d’approvisionnement énergétique, cet objectif signifie une plus grande maîtrise de la demande, via plus de sobriété lorsqu’elle est possible et plus d’efficacité des utilisations de l’énergie, et une réorientation de l’offre vers des sources d’énergie moins polluantes et moins émettrices de gaz à effet de serre (GES) que les sources fossiles. Quelle place doivent occuper les bioénergies dans les bilans énergétiques susceptibles d’assurer une transition énergétique ?

6.1. Avantages des bioénergies

Compte-tenu du recours massif au bois de feu dans les pays encore peu industrialisés, cette place est déjà, et de loin, la plus importante à l’échelle mondiale. Elle devrait s’accroître encore et gagner de nouveaux pays au vu des nombreux avantages que présente cette ressource énergétique :

  • la masse végétale, à l’échelle planétaire, bien que très inégalement répartie, est extrêmement abondante ; la production annuelle de cellulose, principal composant du bois, est d’environ 100 milliards de tonnes, donc au moins vingt fois supérieure à celle du pétrole ; à cette ressource s’ajoute la masse des déchets organiques (résidus agricoles et industriels, ordures, déchets verts) économiquement et écologiquement valorisables ; en France, ils représentent environ 600 millions de tonnes/an.
  • par opposition à l’usage des matières fossiles, bientôt épuisées, la biomasse est indéfiniment renouvelable, parce qu’à notre échelle humaine, l’énergie solaire sera toujours présente, de même que l’eau et le gaz carbonique, à condition de respecter leur qualité et les grands équilibres naturels (en trente ans, la végétation mondiale a augmenté de 14 % !) ;
  • les bioénergies issues de cette biomasse sont très diversifiées : combustibles solides sous forme de pellets, gazeux ou liquides, se prêtent aisément à des formes de distribution multiples : vrac, sacs, réseaux de chaleur, réservoirs de gaz ou distribution à la pompe ; en outre, tous peuvent être convertis en électricité, avec ou sans co-génération ;
  • sur le plan écologique (cycle du carbone), la biomasse est totalement vertueuse : elle absorbe autant de CO2 par la photosynthèse qu’elle en rejette par la combustion des êtres vivants et par la combustion sous toutes ses formes ; son bilan carbone est donc neutre ;
  • la production des bioénergies est aussi écologiquement avantageuse car ses processus de transformation se déroulent à basse température, à l’exemple de la méthanisation à la ferme ou de la production de bioéthanol ;
  • la combustion des biogaz peu carbonés est par ailleurs beaucoup moins polluante en particules fines que celle des hydrocarbures liquides ;
  • toujours sur le plan écologique, cette biomasse est par nature biodégradable ; elle ne laisse donc à court-moyen terme aucun déchet organique, les composants minéraux (métaux) pouvant de plus être récupérés à des fins agronomiques ;
  • sur le plan économique, dans le contexte de l’économie circulaire, sa valorisation peut être intégrale ; selon le principe de cascade, la plante entière (fruits, tiges, feuilles, troncs, écorce) peut en effet à être transformée, donc dotée de valeur ajoutée, et ce sur le lieu de production, sans transport et avec création d’emplois locaux ;
  • last but not least, contrairement à la plupart des sources renouvelables, les ressources issues de la biomasse sont stockables et peuvent même stocker, après conversion, celles issues de sources intermittentes comme dans le power-to-gas.

6.2. Inconvénients à prendre en considération

Face à tous ces avantages qui militent en faveur d’un très large recours aux bioénergies, plusieurs limites pourront venir, dans certains pays plus que dans d’autres, des inconvénients suivants :

  • la difficulté d’accès aux ressources, notamment dans les zones à faible densité végétale mais aussi dans les forêts de montagne ainsi que les problèmes de transport de matière lourdes telles que les grumes ou de trop faible densité telles que les taillis ou les plantes herbacées ;
  • les sur-coûts d’exploitation imputables à la difficulté économique d’extraire les matières énergétiques dans les végétaux humides et matières organiques (déjections animales, boues) imbibées d’eau, ainsi que ceux du traitement et de la consommation d’énergie grise d’un bout à l’autre de la chaîne de production des biogaz et biocarburants, principalement dans le cas des plantes à faible rendement énergétique ou des déchets agricoles et sylvicoles ;
  • le fait que tous les processus de combustion émettent des GES, même si, sur une durée de quelques années permettant la repousse des plantes, leur cycle du carbone est neutre ;
  • les risques de pénurie ou de déséquilibre des marchés, notamment alimentaires, dûs à des concurrences d’usage, comme dans le cas d’agriculteurs allemands ou américains cultivant du maïs uniquement pour produire du biogaz ou de l’éthanol ;
  • s’agissant des biocarburants, éthanol ou biodiesel, tous les moteurs ne sont pas encore aptes à les utiliser à 100%.

In fine, une évaluation précise des avantages de chaque bioénergie face à ses concurrents potentiels pourra seule emporter la décision, mais il y a fort à parier qu’elle lui sera favorable dans de nombreuses situations, notamment dans les pays, riches en biomasse, mais encore très pauvres en utilisation de sources d’énergie modernes et efficaces (Lire : L’approvisionnement en énergie des populations d’Afrique non raccordées au réseau : diagnostic et solutions et Quelles transitions énergétiques en Afrique subsaharienne ?)

 

Notes et références

[1] Les matières fossiles ou non- biodégradables ne sont légalement pas de la biomasse.

[2] Source : H. Bichat et P. Mathis

[3] Source : France Agrimer

 

Bibliographie complémentaire

Les ressources du futur issues du monde végétal – C.Sourisse – 408 p – Mars 2017 – Editeur : Covabis www.covabis.fr

Biocarburants / Cinq questions qui dérangent / / J.P.Legalland – J.L.Lemarchand / Editions Technip – 2008

Les triples A de la bio-économie – Efficacité, sobriété, et diversité de la croissance verte –Ed. : L’Harmattan – 294 P. – 2012 (Ouvrage coordonné par Claude Roy – Le Club des Bio-économistes).

La biomasse, énergie d’avenir – Hervé Bichat et Paul Mathis – 225 p. – Editions Quae – Mars 2013

Bioraffinerie 2030 – Une question d’avenir – (Pomacle Bazancourt) – Ouvrage collectif. 252 p. – Sept 2014 – Ed.  L’Harmattan

Energies renouvelables en agriculture – Editions France Agricole / Bernard Pellecuer / 2015

Rapport de l’OPECST/ Assemblée nationale -Sénat- De la biomasse à la bioéconomie : une stratégie pour la France – 194 p – 10 février 2016 – (Audition publique du 25 juin 2015)

Une stratégie bioéconomie pour la France – Plan d’action 2018-2020 – (Plaquette 12 pages) Ministère de l’agriculture – Février 2018

 


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