De Rio (1992) à Glasgow (2022) en s’arrêtant à Paris (2015) : la longue marche qui a permis l’établissement d’une gouvernance mondiale du climat de notre planète

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Nota : Une première version de ce texte est parue comme article dans la Revue de l’Energie en 2020 dans son numéro n°651 (Juillet/Août 2020), sous le titre : « Le changement climatique à l’épreuve de la négociation ! Une gouvernance mondiale inédite en construction »

L’ensemble des pays du monde se réunissent annuellement lors des fameuses « Conférences des Parties » ou COP (celles liées à la Convention Climat) pour s’accorder sur les objectifs et les moyens mobilisés dans la lutte contre le changement climatique. Comment se sont construites ces négociations, comment sommes-nous arrivés à ces différents accords sur le climat tels que le protocole de Kyoto ou les Accords de Paris et qu’est-ce qu’elles impliquent ?

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La problématique de l’effet de serre (ou changement global et/ou changement climatique, appelé parfois par certains aussi « désordre climatique ») a pris une ampleur sans précédent dans le débat politique et public international, ces trois dernières décennies, et ce depuis l’accord de la Conférence de Rio sur le développement et l’environnement en juin 1992, au cours de laquelle fut adoptée et signée la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC ou UNFCCC en anglais : United Nations Framework Convention on Climate Change). Afin de lutter contre le changement climatique, trois accords majeurs ont été adoptés au niveau international et méritent d’être mentionnés : la CCNUCC adoptée en 1992 à Rio, puis le Protocole de Kyoto adopté en 1997 lors de la troisième Conférence des Parties (COP3) au Japon, et enfin l’Accord de Paris adopté en France en 2015, lors de la COP21. Ces accords ont valeur de traité international car impliquant la majorité des États de notre planète. Aujourd’hui, les textes sur lesquels s’appuieront désormais l’action internationale sont le premier et le dernier, le Protocole de Kyoto n’ayant plus de dispositions opérationnelles décidées après 2020. Ces traités incarnent la réaction de la communauté internationale face à des preuves progressivement convaincantes – réunies et confirmées à plusieurs reprises par le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) – que le climat est en train de changer et que ce changement est dû, en large part, aux activités humaines. Alors que la CCNUCC comporte les dispositions relatives à la communication des informations portant sur les émissions atmosphériques, à savoir les émissions de gaz à effet de serre direct (CO2, CH4, N2O, HFC, PFC, SF6) et à effet indirect (NOx, CO, Composés Organiques Volatils Non Méthaniques, SO2), le Protocole de Kyoto précisait des engagements quantifiés et juridiquement contraignants, assignés essentiellement aux pays développés, tandis que l’Accord de Paris peut être considéré comme inclusif car engageant tous ceux qui l’ont ratifié à ce jour.

Nous proposons dans cet article de revisiter le contenu des principales étapes de cette négociation afin d’en apprécier ses résultats et d’éclairer le point d’arrivée de l’Accord de Paris, qui devient aussi de facto un point de départ pour la mise en œuvre « coordonnée » à l’échelle mondiale d’actions de lutte contre le changement climatique. Nous commencerons par rappeler comment ce sujet devint un objet de négociation sur le chemin du premier Sommet de la Terre en 1992. Ensuite nous décrirons rapidement l’historique des premières négociations post-Rio qui menèrent au Protocole de Kyoto en 1997. L’instruction des modalités de mise en œuvre de ce dernier dura huit ans, mais dès 2005 s’ouvrit également un débat sur ce qu’il convenait de faire après la « première période d’engagement de Kyoto (2008/2012) ». Il nous sera impossible au niveau de cet article de retracer le lent cheminement intellectuel qui mena les négociateurs, peu à peu, à remettre le dossier dans l’orbite de la Convention Climat (le principe de l’action volontaire seule compatible aujourd’hui avec le principe de souveraineté nationale sur les actions sectorielles à prendre qui ne peuvent se formuler aussi facilement de manière globale comme on avait été capable de le faire pour le Protocole de Montréal pour l’éradication des composés chlorés attaquant l’ozone de la haute atmosphère). Ce cheminement se matérialisa en particulier par la crise de la Conférence de Copenhague, à la fin de 2009, qui contre toute attente sauva in fine le processus. Nous dirons pourquoi la Conférence de Copenhague ne fut pas un échec contrairement à ce que se dit souvent. Nous en viendrons ensuite à résumer le chemin qui mena à l’Accord de Paris adopté en 2015. Ce dernier constitue la voûte juridique de l’aboutissement législatif de ce long processus, que beaucoup trouveront trop lent mais qui était nécessaire pour rendre plus solide sa future mise en œuvre et tenter de répondre à l’urgence de plus en plus exhibée par les scientifiques sous l’égide du GIEC et par la société civile, et le monde de l’entreprise qui souhaite aujourd’hui avoir une certaine visibilité sur ce qu’il convient de modifier à l’avenir pour ce qui concerne ses nouveaux investissements. Après avoir résumé le contenu juridique de l’Accord de Paris, qu’il faut absolument connaître pour comprendre l’essence de ce processus, nous résumerons les étapes qui ont jalonné la finalisation du Livre des Règles (RuleBook) associé à l’Accord de Paris et nous terminerons en exposant les principales avancées de la COP 26 qui s’est tenue en novembre 2021 à Glasgow. Nous nous donnons comme objectif grâce à cet article de donner au lecteur, et ce de manière synthétique, les principaux éléments juridiques correspondant aux grandes étapes qui ont jalonné cette négociation depuis 1990 (date du début des négociations qui ont mené à l’adoption de la Convention Climat en 1992 après plus d’une dizaine de sessions de l’INC (International Negotiating Committee)) jusqu’en 2022.

 

1. La Convention Cadre sur les Changements Climatiques

Il serait trop long au niveau de cet article de s’étendre sur la genèse de ce premier traité international traitant de la lutte contre le changement climatique. L’origine de la prise de conscience est lointaine (J. Fourier (1822), Svante Arhenius (1896) notamment, pour ce qui concerne les fondamentaux scientifiques). Pendant des dizaines d’années on ne constata pas de prise de conscience collective de la problématique mais la science du climat fit beaucoup de progrès. L’année 1979 voit se tenir la première Conférence Mondiale sur le Climat organisée par l’OMM (Organisation Mondiale Météorologique) suivie en 1985 par une conférence plus discrète et parfois oubliée : la Conférence de Villach organisée conjointement par le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) et l’OMM. Ces deux évènements furent déterminants pour mettre en place le GIEC en 1988, décidé lors d’une réunion du G7 à Toronto. Enfin la Conférence de la Haye en 1989 et le deuxième Congrès Mondial sur le Climat en 1990 achevèrent de planter le décor et contribuèrent à une prise de conscience des enjeux liés à ce nouveau problème. Il fut ainsi décidé que lors du Sommet de la Terre prévu à Rio, on adopterait un premier traité pour engager une lutte mondiale contre la hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES). En amont du Sommet de la Terre, parut le premier rapport du GIEC, qui fut le témoignage du premier consensus international des scientifiques sur la question du changement climatique. Ce consensus exprimait les constats faits par la science sur le réchauffement observé, sur l’accroissement des concentrations des GES dans l’atmosphère et si les émissions fossiles engendrées par l’activité humaine étaient soupçonnées d’en être la cause principale, on ne pouvait en rester qu’au niveau des présomptions. Néanmoins ce travail servit de support à la première décision politique internationale.

En 1992, à l’occasion du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro (figure 1), l’Organisation des Nations Unies (ONU) se dotait d’un cadre d’action de lutte contre le réchauffement climatique : la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Cette dernière stipule dans son Article 2 :

« L’objectif ultime de la présente Convention et de tous instruments juridiques connexes que la Conférence des Parties pourrait adopter est de stabiliser conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de GES dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Il conviendra d’atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d’une manière durable. »

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Figure 1. Le sommet de la terre à Rio en 1992. [Source : © Moustique –  https://www.moustique.be/images_gallery/sommet-de-la-terre-1992]

Cette Convention reconnaissait donc que les présomptions des scientifiques étaient suffisantes pour construire un traité s’articulant autour de trois grandes idées. Tout d’abord en reconnaissant que les incertitudes scientifiques ne justifient pas de différer l’action, c’est le « principe de précaution » qui est implicitement appliqué. Bien que les émissions de GES aient un impact sur le changement climatique équivalent, quel qu’en soit leur origine, il est reconnu que les pays les plus industrialisés portent aujourd’hui (au moment de l’adoption du texte) une responsabilité plus importante de la concentration actuelle de GES ; on venait de construire le « principe de responsabilité commune et différenciée ». Enfin en reconnaissant le « droit au développement économique », on prenait acte que les actions de lutte contre le changement climatique ne doivent pas avoir une incidence néfaste sur les besoins essentiels des pays en développement, à savoir une croissance économique durable et l’éradication de la pauvreté.

Ce texte constituait au-delà de la simple problématique du changement climatique, un véritable traité appelant au développement durable, sujet dont on sait qu’il fut l’objet d’un accord parallèle à travers l’adoption de l’agenda 21 et de l’installation de la Commission du Développement Durable à la même date que la CCNUCC, c’est-à-dire lors du même Sommet de la Terre en 1992 !

La Convention fut rapidement signée par 196 Parties (195 États et l’Union Européenne en tant que groupe régional) puis ratifiée ce qui permit son entrée en vigueur. Ces Parties se réunissent depuis cette année 1992 lors de réunions annuelles de l’organe de suivi de ce traité – la Conférence des Parties (ou COP) – pour examiner ensemble ce qui pourrait être mis en œuvre pour limiter la hausse de la température mondiale moyenne résultant du changement climatique, et dresser un bilan des avancées en matière de lutte contre les changements climatiques (la COP est l’organe suprême de la CCNUCC, c’est-à- dire sa plus haute autorité de prise de décision ; elle est complétée par deux organes le « Subsidiary Body for Implementation » (SBI) et le « Subsidiary Body for Science and Technological Advice » (SBSTA) pour instruire les différentes questions liées à la mise en œuvre de la Convention et assurer l’appui scientifique et technologique). Dans la suite nous utiliserons l’abréviation « COP », pour désigner (en général avec un nombre associé) telle ou telle réunion d’importance.

Il faut retenir que même si les engagements à Rio n’étaient pas chiffrés et si un niveau « dangereux » (celui de l’Article 2) de concentration atmosphérique en GES était encore impossible à définir, le texte de ce traité fut une véritable révolution, préfigurant ce qu’allait devenir l’Accord de Paris, plus tard, pour la gestion collective d’un bien commun, en l’occurrence ici le climat de la planète Terre.

Cependant une séparation qualitative fut décidée en ce qui concerne les obligations juridiques qui étaient assignées aux Parties signataires et ceci au nom du principe de responsabilité commune mais différenciée. Les pays de l’Annexe I (les pays développés, notamment les pays de l’OCDE) étaient plus contraints que les pays émergents, les pays en développement et les pays les plus pauvres. Ceci a eu des conséquences importantes pour la suite du processus et a été l’une des raisons d’une mobilisation faible de quelques pays.

 

2. Que s’est-il passé après Rio ?

Après la Conférence de Rio plusieurs événements vont se produire. Le secrétariat de la Convention va préparer la tenue de la première Conférence des Parties dont la date avait été fixée à Rio. Celle-ci eut lieu (COP1) en avril 1995 à Berlin. Les Parties reconnurent que les mesures décidées pour l’Annexe 1 de la CCNUCC[1], lors de la signature de la Convention sur les Changements Climatiques à Rio (1992), étaient inadaptées pour stabiliser les concentrations de GES sur le long terme et que l’engagement correspondant ne serait pas tenu. De plus, même si le deuxième rapport du GIEC n’était pas encore officiellement adopté, on savait que des progrès avaient été faits dans l’établissement scientifique de l’attribution du changement climatique à la responsabilité des activités humaines (les travaux du Max Planck Institute de Hambourg[2]avaient pour la première fois comparé le signal climatique à la « variabilité naturelle » de ce dernier et le résultat même timide donnait réalité à la présomption du premier rapport du GIEC). Malgré l’opposition des USA à l’adoption future d’objectifs chiffrés contraignants (proposition qui était avancée par l’Europe), la création d’un groupe de négociation fut décidée par la COP (AGBM: Ad hoc Group for the Berlin Mandate) avec le mandat de préparer un protocole de réduction d’émissions au-delà de 2000 assorti de politiques et mesures pour les pays de l’Annexe 1 de la Convention, protocole que l’on adopterait à Kyoto à la fin de l’année 1997. Le travail technique de préparation de ce protocole débuta vers la mi-95 avec la mise en place des sessions de l’AGBM.

A la fin de l’année 1995, le GIEC remit les conclusions de son second rapport d’évaluation scientifique déclarant en particulier, qu’il « existait un faisceau d’éléments suggérant que le réchauffement de la planète observé depuis le début du siècle n’était pas d’origine purement naturelle ». Constatons que depuis cette date, le GIEC n’a pas démenti cette affirmation ; il l’a même renforcée au cours de ses différentes synthèses qui sont au nombre de six aujourd’hui, le sixième rapport d’évaluation étant en cours d’adoption définitive en 2022.

 

3. Le Protocole de Kyoto

La préparation du Protocole de Kyoto fut l’objet d’intenses négociations au sein de la CCNUCC, avec des pressions fortes des pays en développement vis-à-vis des pays développés et des conflits sur les concepts à promouvoir, notamment entre les États-Unis et l’Europe. Les États-Unis qui s’étaient finalement ralliés à l’idée d’objectifs quantifiés (tout en sachant que le Sénat n’accepterait jamais un traité dans lequel les pays développés seraient seuls à s’engager) auraient préféré que soient adoptées des politiques et mesures. L’Europe souhaitait que l’on adoptât aussi des politiques et mesures mais « Communes et Coordonnées », ce que refusaient totalement les États-Unis. Le rebondissement majeur eut lieu lors de la COP2 à Genève à l’été 1996, lorsque les États-Unis déclarèrent qu’ils soutenaient les objectifs quantifiés voulus par l’Europe, à condition que soit mis en place un marché d’échanges international de réduction d’émissions de carbone. L’Europe, comme l’ensemble des pays, fut pris de court et ce sont sur ces fondamentaux que l’on démarra les travaux de préparation de la COP 3, qui allait se dérouler à Kyoto l’année suivante.

L’événement important de l’année 1997 fut donc la troisième Conférence des Parties qui se déroula à Kyoto du 1 au 11 Décembre 1997. Le Protocole de Kyoto y fut adopté : il stipulait que les pays de l’Annexe B du Protocole (38 pays parmi les plus développés, un sous ensemble de l’Annexe I à la CCNUCC) s’engagent à réduire leurs émissions de GES d’au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 (panier de six gaz : CO2, CH4, N2O, HFC, PFC, SF6 et depuis 2013, le NF3) à l’horizon 2008-2012. Les Articles 6, 12 et 17 du Protocole introduisaient la possibilité d’utiliser divers mécanismes de flexibilité tels que, la mise en œuvre conjointe au sein de l’Annexe 1, le mécanisme de développement propre avec les pays en développement, et le commerce des émissions au sein de l’Annexe 1. Cependant les règles, modalités et “ guidelines ” de ces divers mécanismes ont dû faire, ex-post, l’objet d’instructions particulières par les organes de la Convention, dont la mise au point a duré près de quatre ans. Ce fut également le cas pour ce qui concernait les dispositions à prévoir en cas de non-respect par une Partie de l’accord.

La Conférence de Marrakech (à savoir la COP7) eut lieu à la fin de 2001, soit quatre ans après l’adoption du Protocole. L’accord dit de Marrakech, un texte de 250 pages environ, décrivait les modalités techniques de la mise en œuvre des dispositions du Protocole de Kyoto :

– les conséquences de la non-observance des cibles de réduction de Kyoto par les Parties,

– les modalités pratiques des mécanismes de marché décrits par le Protocole de Kyoto (à savoir le commerce des émissions dans les pays développés et la création de crédits par la mise en œuvre conjointe et le mécanisme de développement propre),

– la prise en compte des « puits de carbone » dans les inventaires nationaux.

Cet accord international était important pour plusieurs raisons. Il a conclu d’abord un cycle de négociations entamé juste après l’adoption du Protocole de Kyoto, en en déclinant les aspects pratiques. Il a pu fournir un cadre juridique clair pour que les Parties signataires puissent le ratifier si elles le souhaitaient, ouvrant la voie de ce fait à sa possible entrée en vigueur. Enfin il donna un signal clair sur la possibilité d’utiliser des instruments de marché, question qui mériterait à elle seule d’être explorée dans un article séparé.

Le texte adopté à Kyoto en 1997 lors de la COP3 (figure 2) et ses annexes décidées à Marrakech, constituaient donc un corpus considéré comme un protocole additionnel à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Le Protocole de Kyoto entra en vigueur le 16 février 2005, suite à la ratification de ce dernier par la Russie, ce qui permit d’atteindre le quorum de 55 États représentant 55 % des émissions de l’Annexe B en 1990, condition établie dans le Protocole.

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Figure 2. La COP3 à Kyoto en 1997. [Source : © Wired – https://www.wired.com/2009/12/1211kyoto-climate-accord/]

En 2012, les objectifs globaux de la première période du Protocole furent atteints malgré le retrait du Canada et l’absence de fait des États-Unis (qui ne ratifièrent jamais le Protocole). Les pays participants ont réduit leurs émissions de 24 % par rapport à l’année de référence (1990 généralement). Cependant, sans les États-Unis et après le retrait du Canada, la première période du Protocole n’était contraignante que pour 36 pays, représentant seulement 24 % des émissions de 2010 tandis que les émissions mondiales ont augmenté de 30 % notamment du fait de la croissance des pays en développement. Le Protocole de Kyoto, n’engageant pas les principaux pays émetteurs, n’a donc pas été suffisant pour stabiliser les concentrations de GES. Une deuxième période d’engagement, de janvier 2013 à décembre 2020, a néanmoins été décidée lors de la COP 18 à Doha (2012), mais sa portée fut encore plus limitée que celle de la première période, puisque certains pays signataires annoncèrent ne pas pouvoir respecter leurs objectifs (le Canada, qui s’est retiré juridiquement du Protocole, et le Japon notamment).

Les mécanismes de flexibilité jouèrent un rôle certain ; en particulier le Mécanisme de Développement Propre (MDP) fut innovant comme vecteur de coopération avec les pays en développement. Dans ces pays, il facilitait le financement de projets vertueux directement par les entreprises des pays de l’Annexe B, sans impact sur les budgets publics. Malgré ses limites, les pays bénéficiaires y ont trouvé un fort intérêt. Les limites tenaient à la nécessité pour les pays en développement d’instaurer une comptabilité carbone rigoureuse et proposer des projets adéquats (la Chine a su le faire très rapidement) et pour les pays de l’Annexe B d’imposer une contrainte carbone à leur industrie (l’UE y est parvenue avec le système d’émissions de quotas d’émissions (SEQE)). Les difficultés à reconduire ce mécanisme dans un cadre juridique différent expliquent en partie l’âpreté des négociations sur l’article 6 de l’Accord de Paris, qui seront évoquées plus loin.

 

4. De la COP de Montréal en 2005 à celle de Paris en 2015, 10 ans de négociation !

Après l’année 2005, date de la COP11 de Montréal qui « consacra » tous les textes d’application du Protocole de Kyoto, il fallait envisager l’avenir. Fallait-il poursuivre la logique du Protocole au risque de voir plusieurs autres Parties quitter de facto le processus ? Ou alors fallait-il repartir sur de nouvelles bases ? Après deux ans durant lesquels fut organisé le Dialogue[3] proposé par la présidence canadienne, la feuille de route de Bali structura fin 2007 (décidée lors de la COP13) la discussion autour de quatre thématiques principales : l’atténuation, l’adaptation, le développement et le transfert de technologies et enfin les questions de financement.

Un délai de deux ans fut donné aux Parties (ce sont elles qui le décidèrent !) pour aboutir à un nouvel accord international. Ce délai était sans conteste trop court pour faire mûrir les tensions afin de les apaiser et revenir sous les principes fondateurs de la Convention qui privilégiait une approche volontaire des Parties en respectant leur souveraineté essentiellement énergétique. Les conditions initiales de la Conférence de Copenhague n’étaient donc pas favorables pour l’accord ultime que l’on cherchait. Néanmoins comme nous allons le voir ce qui se passa à Copenhague fut un point de bifurcation essentiel pour la suite.

 

4.1. La Conférence de Copenhague (COP15)

La Conférence de Copenhague acheva ses travaux le 19 décembre 2009 (figure 3) après une nuit entière de négociation. Elle devait consacrer les travaux menés depuis deux ans sous les auspices du Plan d’Action de Bali adopté en décembre 2007, avec l’objectif de bâtir une architecture d’engagements à long terme de réduction d’émissions de GES au-delà de l’année 2012. La presse, à l’époque, parla d’échec au vu des résultats de la COP, mais ce qui se passa à Copenhague fut une révolution majeure pour la suite du processus, un véritable « retournement natal » sous l’esprit de la Convention Climat qui permit d’opérer le virage nécessaire pour permettre à l’Accord de Paris d’exister six ans plus tard comme on le verra dans la suite.

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Figure 3. La COP15 à Copenhague en 2009. [Source : © IISD ENB – https://enb.iisd.org/climate/cop15/16dec.html]

On assista dans les trois derniers jours à la confrontation de la structure « onusienne » et des représentants des États eux-mêmes (119 chefs d’États s’étaient déplacés à la fin de cette conférence des Parties car tout le monde croyait que l’on allait signer un nouveau traité). Il restait certes du travail à accomplir pour consolider les modalités d’un engagement collectif pour lutter efficacement contre le changement climatique, à travers un engagement juridiquement contraignant. Mais on quitta cette réunion avec un texte appelé l’Accord de Copenhague dont prit note la Conférence des Parties, même si quelques pays refusèrent d’y souscrire.

On était donc « en dessous » d’une décision de la Conférence des Parties qui aurait considéré que le texte était adopté à l’unanimité mais très certainement « au-dessus » d’une simple déclaration ministérielle qui n’aurait pas eu de mention dans le texte final des conclusions de la 15ème session de la Conférence des Parties. Il fut décidé également de donner un mandat au AWGLCA (Ad Hoc Working Group on Long-term Cooperative Action) pour préparer les bases du travail à accomplir afin de sortir de l’impasse à la 16ème Session de la Conférence des Parties en 2010 au Mexique.

Le texte de l’Accord de Copenhague fut préparé au niveau de quelques chefs d’État après dix jours de discussion intenses entre les Parties (ce sont les chefs d’état des grands pays émergents qui préparèrent ce texte, rejoints quelques temps après par les États-Unis, mais l’Europe fut exclue de cette discussion, ayant seulement à approuver le texte final !) qui avaient été saisies de plusieurs textes successifs de synthèse. Ces textes préparés successivement par la Présidence danoise de la Conférence, Tuvalu, la Chine, et enfin le président du AWGLCA, n’avaient pas reçu un accueil suffisant pour qu’ils soient transformés et acceptés par les chefs d’État. C’est donc une procédure inédite qui fut employée par quelques pays visionnaires, qui comprirent qu’il était temps de forcer le destin ! Le texte de l’Accord de Paris a été négocié au départ par les USA, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil. Il contient douze points qui s’articulent autour de la quadrature du Plan d’Action de Bali à savoir : atténuation des émissions, adaptation au changement climatique, développement et transfert de technologies et enfin questions relatives au financement notamment dans les pays en développement.

Nous ne détaillerons pas ici l’Accord de Copenhague car tous ces points se retrouvent dans l’Accord de Paris. Indiquons cependant que c’est dans ce texte que l’on vit apparaître pour la première fois les seuils moyens de 2°C et 1,5°C, comme limite à se fixer pour contenir le changement climatique dans un texte, à adopter, de la CCNUCC [4].

Le texte de l’Accord fut donc considéré par la Conférence des Parties qui en prit note. Il était demandé à chaque Partie d’y souscrire de manière volontaire et dans l’affirmative elle serait inscrite dans le texte final. Par ailleurs le mandat du AWGLCA fut prolongé avec l’objectif de présenter la conclusion de son travail à la 16ème session de la Conférence des Parties pour une adoption.

Six ans de travail supplémentaires furent nécessaires pour aboutir à la COP 21 à Paris avec l’étape de la COP16 de Cancun qui permit de rétablir la confiance des Parties dans le processus. Remarquablement organisée par le gouvernement du Mexique, c’est en fait la première COP où le monde industriel est écouté et ce à l’initiative du gouvernement mexicain. Même si le concept de « Business Day » n’a pas été créé à Cancun, la présidence mexicaine de la COP lui donna une importance qui mènera plus tard à l’agenda des actions. Ceci constitua un tournant majeur dans le processus et une réelle lueur d’espoir. L’Accord de Copenhague, simplement « noté » par les Parties, contenait en germe le futur Accord de Paris. On s’en convaincra en comparant les points de ce dernier avec les articles adoptés de l’Accord de Paris. Ils constituèrent l’ossature juridique de l’Accord de Paris que nous décrivons dans le chapitre suivant.

 

4.2. L’Accord de Paris du 12 décembre 2015

La Conférence de Paris s’est terminée le 13 décembre 2015 au petit matin, après deux jours d’une négociation finale intense (figure 4).

Un accord historique (« The Paris Agreement ») a été obtenu et adopté le samedi 12 décembre en début de soirée sur la lutte internationale contre le changement climatique. Il est le fruit de quatre ans de travail et négociations intenses depuis la Conférence de Durban à la fin de l’année 2011. Comment est constitué cet accord ?

Il y a l’accord lui-même qui est la partie juridiquement contraignante au sens du droit international de l’environnement. Enfin il y a la décision qui a permis l’adoption de cet accord qui décrit de manière détaillée les points techniques qu’il faudra décider et mettre en place d’ici 2020, pour permettre la mise en œuvre effective de cet accord historique. Le texte de l’accord est référencé comme suit dans la nomenclature du secrétariat de la Convention Climat : FCCC/CP/2015/L.9/Rev.1 (Accord) et FCCC/CP/2015/10/Add.1 (Décision de la COP).

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Figure 4. La COP21 à Paris en 2015. [Source : © Revue Gestion – https://www.revuegestion.ca/quel-bilan-peut-on-tirer-de-laccord-de-paris]

Ce texte peut être considéré comme une avancée profonde et inattendue vers l’application réelle de la Convention Changement Climatique. Il contient tous les éléments pour construire collectivement une stratégie mondiale d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ainsi que la feuille de route pour instruire avant 2020 les détails de cette stratégie. En ce sens l’adoption de cet accord n’est pas une fin mais le début d’un long processus ! Nous nous proposons ci-après d’en tracer les lignes de force, afin de résumer l’essentiel d’un texte juridique d’une trentaine de pages :

Le préambule de l’accord de Paris est important car il place la problématique en objet de cet accord en résonnance avec celle du développement durable ce qui n’est absolument pas contradictoire avec l’article 2 de la Convention Changement Climatique de 1992 comme nous le disions au début de cet article.

 

Visibilité sur l’objectif de long terme

L’article 2 est très clair : il embrasse à la fois l’atténuation, l’adaptation et la résilience ainsi que les aspects financiers. Le niveau d’ambition est inattendu :

  • Contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets des changements climatiques ;
  • Renforçant les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire ;
  • Rendant les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques.

Dans la décision (partie II. 17), les éléments sont explicités avec encore plus de force puisqu’un objectif d’atteindre 40 gigatonnes de CO2 pour les émissions mondiales est proposé, dans la déclinaison des futures NDC (NDC : « National Determined Contributions »). Ces objectifs sont extrêmement ambitieux (pour ne pas dire impossibles à tenir !), mais il faut comprendre que politiquement il était très difficile de s’en tenir à une référence au 2°C seulement, ce qui aurait voulu dire que l’on acceptait implicitement la disparition des États insulaires ! Retenons donc que cet article 2 fixe l’objectif de long terme qui va guider l’articulation des politiques nationales dans les décennies à venir. Il s’agit en résumé, d’atteindre un objectif collectif à partir de décisions autonomes, NDC signifiant précisément que chaque pays fixe ses engagements sur une base purement nationale.

 

Un processus d’engagement collectif inédit

Une des originalités de l’Accord de Paris est d’avoir proposé une méthode d’engagements des Parties qui respecte d’une part la souveraineté, notamment énergétique des pays, tout en construisant progressivement et collectivement un renforcement de l’ambition des engagements. Les pays sont tenus de respecter ce processus de manière contraignante même s’il n’y pas de sanctions à proprement parler. Ainsi les articles 3 et 15 permettent de régir ce mécanisme d’engagement. Les Parties engagées par l’Accord sont tenues de participer au processus de révision successive des cibles (NDC) et de continuer à engager des politiques publiques liées à la réduction des émissions (article 3). Un processus de synthèse globale a lieu tous les cinq ans et débutera en 2023 avec une exigence de renforcement progressif de l’ambition en ligne avec l’objectif global (article 15)

 

Un régime climatique favorable à l’investissement

Plusieurs articles doivent être évoqués à ce titre :

l’article 4 décrit le processus des engagements domestiques des pays qui peu à peu donneront de la visibilité aux investisseurs sur les stratégies nationales liées à la lutte contre le changement climatique,

l’article 9 sur les financements prévoit que les pays développés doivent fournir des ressources financières aux pays en développement à la fois pour l’adaptation et l’atténuation. La mobilisation des financements doit se poursuivre jusqu’en 2025 et l’objectif collectif devrait augmenter à partir d’un plancher de 100 milliards $US par an,

l’article 10 décrit les décisions liées aux transferts de technologie, avec un souhait de favoriser les approches coopératives sur les nouvelles technologies, et enfin,

l’article 11 propose un mécanisme destiné à aider les pays en développement à renforcer leurs capacités.

 

Cadre de transparence

L’article 13 traite du contexte de transparence que l’on se donne pour mettre en œuvre cet accord collectivement (et aussi points 85 à 99 de la décision). Il s’agira de faire converger à terme les systèmes de « reporting » existants entre pays développés et en développement, ceux qui existent au titre de la Convention, afin qu’un régime commun puisse être atteint à terme tout en respectant la notion de différenciation qui est encore prégnante dans les discussions.

 

Le prix du carbone et les instruments économiques

Ce sujet a fait l’objet de nombreux rebondissements tout au long de la COP 21, mais force est de constater que les Parties sont arrivées à un résultat très positif et inattendu : l’article 6 (ancien article 3 dans le projet d’accord discuté en amont) traite de la mise en œuvre – notamment par des approches coopératives (marchés sous un autre nom). Après des négociations tendues au cours des dernières 48 heures, tout ce qui pouvait être souhaité est présent : dispositions comptables, des approches coopératives et les résultats d’atténuation transférables à l’échelle internationale (par exemple à travers des marchés du carbone) et d’un mécanisme de créations de crédits (pour soutenir l’atténuation des émissions de GES et le développement durable). Le paragraphe 5 de cet article traite explicitement de l’absence de double comptage – point clé pour assurer la confiance et la crédibilité du mécanisme. Ces règles devront être adoptées à la première réunion des Parties à l’Accord, soit après l’entrée en vigueur de celui-ci. Mentionnons aussi le point 136 de la décision qui reconnaît l’importance du prix du carbone :

136. Reconnaît aussi combien il importe de fournir des incitations aux activités de réduction des émissions, s’agissant notamment d’outils tels que les politiques nationales et la tarification du carbone

 

Adaptation, résilience et pertes et dommages

L’accord fait une place importante à l’adaptation, la résilience et la question des pertes et dommages dans les articles 7 et 8. Sur les pertes et dommages, c’est-à-dire les dommages physiques provoqués par le changement climatique, il y a eu clairement un compromis. En échange d’avoir accepté (dans la décision) qu’il n’y a pas de responsabilité ou de compensation automatique, les pays les moins avancés ont acquis une reconnaissance du concept de « pertes et dommages » dans l’article 8 de l’accord. Toutefois, les exigences pour les pays à prendre des mesures ou de fournir des soutiens aux pays particulièrement vulnérables au climat est plus faible que ce qu’ils auraient peut-être espéré.

 

5. Que s’est-il passé depuis la COP 21 ?

Depuis l’adoption de l’Accord de Paris qui fonde réellement une nouvelle approche coopérative de la résolution à terme de la problématique du changement climatique (cf. tableau 1 résumant les instances en présence dans le débat), plusieurs années se sont déroulées. Elles ont permis d’établir le livre des règles de mise en œuvre des articles de l’Accord de Paris (COP22 à Marrakech, 23 à Bonn, 24 à Katowice et 25 à Madrid fin 2019). Il restait au moins un dossier qui n’avait pas encore trouvé de résolution, c’est celui lié aux règles relatives à l’Article 6, celui qui traite des mécanismes économiques, rappelant les mécanismes de marché du Protocole de Kyoto. De début 2020 à la fin de 2021, le processus de négociation a été mis en suspens à cause de la crise sanitaire et il n’y a pas eu de réunions physiques des Parties. Le secrétariat de la CCNUCC a cependant organisé des réunions intermédiaires des organismes subsidiaires de la CCNUCC, mais les Parties n’ont pas voulu que ces réunions soient considérées en tant que négociation. Elles ont permis néanmoins de faire perdurer un canal d’échange entre les Parties ce qui a permis notamment de poser correctement l’agenda de la Conférence de Glasgow.

 

Tableau 1 : Articulation des différents organes de la convention climat et instances importantes du débat politique international associé

 

6. La Conférence de Glasgow (COP 26) : vers le début de la mise en œuvre de l’Accord de Paris ?

La 26e Conférence des Parties de la CCNUCC s’est tenue à Glasgow, en Écosse, du dimanche 31 octobre au samedi 13 novembre 2021, après une interruption de deux ans due à la pandémie de coronavirus. Les deux semaines de discussions ont abouti au Pacte de Glasgow sur le climat, à plusieurs engagements sectoriels de haut niveau et à un ensemble de décisions qui complètent le Règlement de Paris en opérationnalisant l’article 6 de l’Accord de Paris et en établissant des exigences de transparence pour les Parties lorsqu’elles déclarent à la fois leurs émissions et leurs actions climatiques.

conference nations unies changements climatiques

Figure 5. La COP26 à Glasgow en 2021. [Source :Vov 5 World – https://vovworld.vn/fr-CH/actualites/climat-ouverture-de-la-cop-26-a-glasgow-1042095.vov]

Détaillons quelques-unes des décisions prises à Glasgow.

Le Pacte de Glasgow pour le climat – La COP, et les deux organes liés au Protocole de Kyoto et à l’accord de Paris (le CMP et la CMA[5]) ont approuvé leurs décisions respectives, intitulées « Pacte de Glasgow pour le Climat » (cf [9]).

Ces décisions demandent aux Parties de présenter des NDC renforcées en 2022, les objectifs de 2030 étant alignés sur les objectifs de température de l’Accord de Paris. Le Pacte appelle également les gouvernements à « accélérer le développement, le déploiement et la diffusion des technologies, et l’adoption de politiques, pour passer à un système énergétique à faibles émissions », notamment en « accélérant les efforts vers la réduction progressive de l’énergie au charbon sans relâche et l’élimination progressive des subventions inefficaces aux combustibles fossiles », la première fois qu’un tel langage se trouve dans une décision de la COP.

Le texte du Pacte de Glasgow (CMA) souligne que les émissions de gaz à effet de serre doivent diminuer de 45 % par rapport aux niveaux de 2010 d’ici 2030 si l’on veut que le monde reste sur la bonne voie pour atteindre la neutralité carbone vers le milieu du siècle (paragraphe 22).

Article 6 – Les Parties ont approuvé des décisions sur les trois éléments de l’article 6 : article 6.2 (« approches coopératives qui impliquent l’utilisation de résultats d’atténuation transférés à l’échelle internationale pour des contributions déterminées au niveau national ») ; article 6.4 (« un mécanisme visant à contribuer à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et à soutenir le développement durable »); et l’article 6.8 (« approches non liées à des mécanismes de marché »). La COP de Glasgow a donc consacré la fin de longues années de discussion pour établir les modalités pratiques de mise en œuvre de l’Article 6 imaginé lors de la COP 21 à Paris.

 

Délais communs

Les pays ont convenu d’un libellé qui « encourage » les Parties à mettre à jour leurs NDC tous les cinq ans et qui stipule que chaque ensemble de NDC mises à jour devrait couvrir une période de 10 ans.

 

Cadre de transparence renforcé

Les Parties ont adopté des règles définissant la manière dont elles devraient communiquer leurs bilans nationaux d’émissions.

 

Orientations pour le MDP du Protocole de Kyoto

Il a été officiellement décidé que le Conseil exécutif du Mécanisme pour un Développement Propre (MDP) n’enregistrera plus aucune nouvelle demande d’enregistrement, de renouvellement de périodes de crédit ou de délivrance de réductions certifiées des émissions pour les réductions d’émissions survenant après le 31 décembre 2020. Toute nouvelle demande doit maintenant être faite en vertu du mécanisme de l’article 6.4 de l’Accord de Paris.

 

Contributions déterminées au niveau national

Les Parties devraient « revoir et renforcer les objectifs de 2030 dans leurs contributions déterminées au niveau national si nécessaire pour s’aligner sur l’objectif de température de l’Accord de Paris d’ici la fin de 2022, en tenant compte des différentes circonstances nationales ».

 

Nouvel objectif quantifié collectif sur le financement climatique

La COP a reconnu que les contributions financières n’avaient pas atteint l’objectif de 100 milliards de dollars par an pour 2020 et a discuté des moyens d’augmenter les contributions collectives pour la prochaine période jusqu’en 2030. Ces discussions n’ont pas été concluantes à Glasgow et se poursuivront en 2022.

 

Pertes et dommages

Des décisions établissant le rôle du Réseau de Santiago dans le cadre du Mécanisme international de Varsovie sur les pertes et dommages ont été prises. Le réseau de Santiago « catalysera » l’assistance technique pour prévenir, minimiser et traiter les pertes et les dommages dans les pays en développement vulnérables au climat. A ce stade les décisions ne se sont pas concrétisées par des engagements financiers.

 

7. Conclusion

La négociation internationale qui a recherché un accord pour gérer la réduction des émissions anthropiques de GES a débuté il y a trente ans déjà ! Depuis l’année 1990 qui a vu s’installer le Comité de Négociation qui tint 11 sessions avant Rio, l’histoire de la négociation a connu depuis trois « climax » (Rio, Kyoto, Copenhague) et une conclusion matérialisée par l’Accord de Paris. Il s’est écoulé 25 années entre Rio et Paris ! Nous avons tenté de résumer ci-dessus les grands points d’appui de cette longue marche, comment la sphère scientifique l’a influencée et comment ce point d’équilibre, constitué par l’Accord de Paris, s’est peu à peu imposé. Remarquons, pour le lecteur français, que la diplomatie française a joué un rôle important depuis le début : rappelons simplement que la préfiguration de l’accord de Rio fut présidée par un diplomate français (Jean Ripert) qui joua un rôle déterminant avec quelques négociateurs clés dans l’établissement de la Convention Climat et que l’Accord de Paris fut préparé et proposé sous présidence française de la COP (Laurent Fabius et Laurence Tubiana). Même si les Parties disposent maintenant de l’ensemble des règles de mises en œuvre de l’Accord de Paris, il faudra encore quelques années pour préciser certains détails, et pour constater le renforcement de l’ambition collective afin de se rapprocher au plus vite de l’objectif. Les rapports des groupes de travail du GIEC parus récemment (le dernier du Groupe III sur l’économie du changement climatique étant paru en avril 2022) sont sans équivoque : il faut engager sans délais l’action collective si l’on veut être en mesure de respecter les engagements pris à Paris fin 2015.

Certes les Parties n’ont pas encore résolu toutes les questions économiques et financières relatives à la mise en place de l’Accord de Paris. Beaucoup d’économistes prônent souvent qu’il faudrait instaurer un prix du carbone dans l’économie mondiale pour signifier dans quelles directions il faut investir[6]. C’est sûrement une solution mathématique intéressante et exacte sur le plan théorique qui ne s’applique pas aussi facilement dans un monde aussi diversifié au niveau des inégalités que celui que nous connaissons (cf. [7] et [8]). Ce n’est qu’avec l’implémentation de politiques et mesures adaptées permettant de solidifier tous les cadres institutionnels les rendant attractifs à l’investissement que l’on pourra envisager des coopérations de grande envergure qui pourront peut-être aider à l’établissement de signaux prix plus inclusifs, par exemple à travers l’utilisation de l’Article 6 de l’Accord de Paris.

On peut cependant faire le constat que de nombreuses décisions ont été prises jusqu’à ce jour et que ce texte de loi international est de plus en plus utilisé par de nombreuses parties prenantes pour justifier telle ou telle décision décentralisée allant dans la bonne direction (milieu industriel, milieu de la finance, société civile, etc.). C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’une telle situation va se produire, à savoir : gérer un « bien commun » ici le climat à travers un accord international sans empiéter sur les prérogatives de souveraineté nationale. Eu égard la rapidité avec laquelle la science a confirmé l’origine du problème, on pourra s’étonner qu’il ait fallu tout ce temps pour parvenir à un accord. Après tout, vingt ans, cela est peu par rapport au temps nécessaire pour instruire les négociations du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) vers la création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) : près de 40 ans ! Et le problème du changement climatique est bien plus conflictuel que la question du commerce international ! En effet, la problématique des émissions de GES est profondément liée à notre développement économique, nos modes de vie et la manière dont nous produisons et utilisons l’énergie. Aucune activité n’est épargnée. On comprend mieux alors pourquoi des politiques publiques contraignantes et collectives aient du mal à se décider. Enfin dans le cours de l’histoire de cette négociation, plusieurs événements se sont passés qui auraient pu la mettre à mal voire la stopper ! Force est de constater que ce processus a été jusqu’à maintenant résilient aux chocs et difficultés[7].

Du côté des acteurs, et notamment du monde de l’énergie, il existe maintenant une réelle prise de conscience et une capacité de la mettre au service d’actions positives, ce qui n’était pas partagé par tous les industriels il y a une vingtaine d’années. Profitons de cet alignement des planètes pour aller de l’avant ! On ne peut qu’espérer une prompte mise en œuvre de cette gouvernance que l’on a mis tant de temps à bâtir. Grâce à cet accord, le monde ne peut que progresser vers des relations internationales constructives et la sauvegarde d’un bien commun.

 

Glossaire :

AGBM: Ad hoc Group for the Berlin Mandate

AWGLCA : Ad Hoc Working Group on Long-term Cooperative Action
CCNUCC : Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques

CMP: COP serving for the Meeting of Parties

CMA: COP serving as the meeting of Parties to the Paris Agreement

COP : conférence des parties

ETS : Emissions Trading Scheme

GATT : General Agreement on Tariffs and Trade

GES : gaz à effet de serre

GIEC : Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC)

MDP : Mécanisme de Développement Propre

NDC : National Determined Contribution

OMC : organisation mondiale du commerce

OMM : organisation mondiale météorologique

ONU : Organisation des Nations Unies

SBI : Subsidiary Body for Implementation

SBSTA : Subsidiary Body for Science and Technological Advice »

SEQE : Système d’échanges de quotas d’émissions

 


Notes & références

Image de couverture. [Source : https://www.fisicaquantistica.it/spiritualita/i-galattici-cosa-volete-veramente-cosa-cercate]

[1] Les pays, dits de l’Annexe 1 avait des obligations plus contraignantes que celles des pays en développement, notamment en matière de « reporting » des émissions de GES. Ils s’étaient notamment engagés de manière volontaire à réduire leurs émissions de GES en 2000 aux niveaux de 1990.

Convention sur les Changements Climatiques (CCNUCC) – 1992 –https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/CCNUCC_20100727.pdf

[2] On notera qu’en 2021, Dr. Klaus Hasselmann, un physicien allemand, a obtenu le Prix Nobel pour ses travaux (il était directeur du Max Planck Institute de Hambourg en 1995)

Le Protocole de Kyoto (CCNUCC) – 1997 – https://unfccc.int/resource/docs/convkp/kpfrench.pdf

[3] La COP décida à Montréal de lancer le « Dialogue pour une action concertée de long terme destinée à permettre de faire face aux changements climatiques par un renforcement de l’application de la Convention »,

  1. le lien https://unfccc.int/resource/docs/2005/cop11/fre/05a01f.pdf

L’Accord de Copenhague (CCNUCC) – 2009 https://unfccc.int/resource/docs/2009/cop15/fre/11a01f.pdf (pages 5 à 8)

[4] S’accorder sur un seuil de dangerosité du changement climatique tel que le mentionnait l’article 2 de la Convention Climat, n’a pas été chose aisée. Dans les premières années de synthèse du GIEC, on exprimait des seuils en concentration atmosphérique de GES. Après de longs débats, l’objectif de ne pas dépasser les 2°C d’ici la fin du siècle fit l’objet d’un consensus parmi les experts du GIEC. Ainsi, ce qui avait été au départ un objectif politique (proposé dans un texte européen avant la réunion de Kyoto !) non traduit à l’époque dans les textes internationaux, le devint peu à peu suite aux différentes analyses des scientifiques qui considérèrent que cet objectif pouvait être considéré comme un seuil au-delà duquel les perturbations des écosystèmes sensibles pourraient s’accélérer. Cette limite de 2°C a été reprise par la CCNUCC, et retenue comme le cadre pour orienter les actions de réduction des risques du changement climatique et la définition des politiques climat. Dans ce cadre, l’objectif de 2°C a été retenu dans l’accord de Copenhague, adopté à la COP 15 (2009), puis confirmé par les accords de Cancún, adoptés à la COP 16. On retrouvera ce seuil naturellement dans le texte de l’Accord de Paris.

L’Accord de Paris et la décision de la COP – 2015 https://unfccc.int/files/essential_background/convention/application/pdf/french_paris_agreement.pdf et https://unfccc.int/sites/default/files/resource/docs/2015/cop21/fre/10a01f.pdf

[5] CMP: “COP serving for the Meeting of Parties” liée au Protocole de Kyoto

Les rapports du GIEC (5 rapports de synthèse WGI, WGII, WGIII) – https://www.ipcc.ch/

CMA: “COP serving as the meeting of Parties to the Paris Agreement” liée à l’Accord de Paris

[6] L’AIE (Agence Internationale de l’Energie), indiquait il y a une dizaine d’années dans un de ses rapports, que 70% des réductions qu’il fallait faire, pourraient être effectuées avec des technologies existantes ! A-t-on donc réellement posé la question des conditions de rentabilité de ces dites technologies partout dans le monde, sans même parler de toutes les technologies qui alimentent plus les débats théoriques que de réelles expérimentations de nature industrielle (capture et séquestration du carbone, réutilisation du carbone, émissions négatives, etc..) ?

[6] Caneill J.Y., 2020 – Le changement Climatique à l’épreuve de la négociation ! Une gouvernance mondiale inédite en construction, La Revue de l’Energie, n°651 / juillet-août 2020

https://www.larevuedelenergie.com/wp-content/uploads/2020/09/651-Changement-climatique-negociation.pdf

[7] En 2001, les États-Unis s’étaient retirés du processus lié à l’accord de Kyoto ; ils avaient de nouveau intégré le dialogue international fin 2007 à Bali. Plus récemment, les États-Unis se sont retirés de l’accord de Paris en 2017, pour le réintégrer en 2021 !

Finon D., 2019. Carbon policy in developing countries: Giving priority to non-price
Instruments. Energy Policy 132 (2019) p. 38–43. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301421519302927

 

Finon D., Les politiques climat-énergie dans les pays en développement : priorité aux instruments hors prix du carbone, L’Encyclopédie de l’Energie, Mars 2021

https://www.encyclopedie-energie.org/politiques-climat-energie-pays-developpement-carbone/

Le Pacte de Glasgow – Décisions des trois organes CMA, CMP et COP (en anglais) :

https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cma3_auv_2_cover%20decision.pdf

https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cmp16_auv_2c_cover%20decision.pdf

https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cop26_auv_2f_cover_decision.pdf

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