Pétrole : réformes et renégociations du régime de l’amont pétrolier (upstream) au Venezuela et au Moyen-Orient

L’évolution de l’économie pétrolière est indissociable de celle des contrats entre les compagnies pétrolières et les propriétaires des ressources du sous-sol. Leur évolution est retracée par Jesus Mora Contreras, professeur de l’Universidad de los Andes à Merida (Venezuela), en quatre articles tirés de son ouvrage « Contratos de exploracion y produccion de petroleo : origen y evolucion », 2012, Mérida, Universidad de Los Andes, 146 p.

Cet article publié en espagnol sous le numéro 014 , a été traduit par Benjamin CLAUDON, Formation: Master 1 Traduction Spécialisée Multilingue, Université Grenoble Alpes.


Quasiment depuis la Première Guerre mondiale, c’est en Iran qu’ont eu lieu la plupart des tentatives destinées à renégocier le régime de l’upstream (amont pétrolier) et à ajuster la répartition de la rente pétrolière. Toutefois, ce mouvement de renégociation (et plus tard de réforme et renégociation) s’est amplifié au milieu de la Seconde Guerre mondiale, avec la participation du Venezuela et du reste des pays pétroliers du Moyen-Orient. Ce vaste mouvement a été influencé au Venezuela par l’exemple des États-Unis d’Amérique et au Moyen-Orient par un changement radical de circonstances, notamment le changement de régime politique dans presque tous les pays.

 

1. Réforme pétrolière au Venezuela

Fig. 1: Président Isaias Medina Angarita (1897-1953) - Source : Wikimedia Commons

En 1943, le gouvernement du général Isaías Medina Angarita (1941-1945) et les compagnies pétrolières parviennent à un accord selon lequel le gouvernement ne pourrait plus remettre en question les bases légales des contrats de concession pétrolière et promulguerait une réforme pétrolière à laquelle les compagnies pétrolières devraient se conformer (Figure 1). Une fois de plus, en suivant l’exemple des États-Unis en matière de terres fédérales et de système fiscal, la réforme de la loi sur les hydrocarbures de 1943 se résumait, d’un point de vue fiscal, à deux mesures. Elle établissait la redevance à un sixième (16.66 %) du pétrole brut extrait de toutes les concessions et soumettait les concessionnaires au paiement de l’impôt sur les bénéfices en vigueur depuis janvier 1943. Cette loi disposait que les revenus nets perçus par les contributeurs devaient être taxés pour un certain montant : à hauteur de 12 % maximum. La réforme pétrolière de 1943 a également eu un autre impact déterminant : elle fit de l’État central l’unique acteur économique du pays ayant le droit de s’approprier directement les recettes de l’industrie pétrolière vénézuélienne. Les municipalités qui étaient devenues d’importants acteurs grâce à la loi sur les hydrocarbures de 1938 furent évincées de l’industrie pétrolière de même que les propriétaires privés.

Les compagnies ont alors transformé leurs quelque six millions d’hectares d’anciennes concessions en appliquant la nouvelle loi sur les hydrocarbures pour obtenir 6 561 769 hectares de nouvelles concessions entre 1944 et 1945, pour des périodes de 40 ans. À partir de là, les compagnies pétrolières vénézuéliennes ont dû se soumettre au régime fiscal national, qui comprend essentiellement la loi sur les hydrocarbures et la loi relative à l’impôt sur les bénéfices.

Fig. 2 : Junta Revolucionaria de Gobierno - Source : Wikimedia Commons

La loi sur les hydrocarbures de 1943 aspirait à devenir une réglementation technique définitive afin de favoriser un développement équitable entre les intérêts de l’État et ceux des compagnies pétrolières. C’est pourquoi dans l’exposé des motifs de la loi, on pouvait lire : « Comme le montrent les nombreux et minutieux calculs réalisés, le 16-2/3 % de l’exploitation, auquel viennent s’ajouter d’autres impôts, équivaut dans notre pays, à une moyenne d’environ 50 % des bénéfices liés à l’industrie d’extraction du pétrole. » Cependant, entre 1944 et 1948, la production de pétrole au Venezuela augmentait chaque année à un taux de 23 % en moyenne et la valeur nominale d’un baril faisait plus que doubler : passant de 1.03 dollar à 2.41 dollars. Par conséquent, les gouvernements qui avaient pris le pouvoir suite à un coup d’État en octobre 1945, la dite Junta Revolucionaria de Gobierno, ainsi que ceux élus démocratiquement en décembre 1947 ont dû prendre la décision de réformer à plusieurs reprises la loi de l’impôt sur les bénéfices pour atteindre cet objectif (Figure 2).

Premièrement, la Junte révolutionnaire du gouvernement a ordonné le 31 janvier 1945 un impôt extraordinaire et supplémentaire de 20 %, à effet rétroactif au premier janvier, mais seulement pour cette année-là. Puis, ce même gouvernement a proposé un autre décret pour réformer partiellement la loi relative à l’impôt sur les bénéfices, qui a été approuvé en décembre 1946 afin d’augmenter de 12 % à 28.5 % le taux applicable aux compagnies. Enfin, en novembre 1948, un paragraphe a été ajouté à l’article 31 de la loi relative à l’impôt sur les bénéfices en vue d’instituer un « impôt supplémentaire », lequel  a acquis en renommée dans le secteur pétrolier mondial sous l’appellation anglo-saxonne de fifty-fifty. Lorsqu’en additionnant les impôts que les compagnies pétrolières payaient au fisc (la redevance et l’impôt sur les bénéfices), on n’obtenait pas une répartition équitable, la différence était soumise à un impôt supplémentaire de 50 %. C’est ainsi que le partage 50/50 a été définitivement introduit dans la loi.

En littérature, la popularité du 50/50 est née de la convergence entre les intérêts politiques et économiques sur ce principe. À l’échelle nationale, le gouvernement présidé par le parti Action démocratique, qui avait inséré cet impôt dans la loi, déclarait que le pays avait atteint son objectif final : désormais, la participation de la nation sera toujours plus forte que celle des compagnies pétrolières. Au niveau international, ces compagnies confiaient à la presse commerciale que le 50/50 était le meilleur accord économique pour distribuer les revenus issus du pétrole.

Cependant, les taux d’imposition sur le revenu ne s’appliquaient finalement pas aux revenus des compagnies pétrolières au Venezuela (Standard, Shell et Gulf et autres) mais plutôt au fisc de leurs gouvernements respectifs : les États-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. Afin de réduire, voire de supprimer, la double imposition internationale sur le même revenu, le crédit pour impôt étranger (foreign tax credit aux États-Unis) ou des régimes similaires dans d’autres pays, il a été décrété que les impôts payés sur les revenus générés à l’étranger seraient crédités sur les impôts que les contribuables devraient régler dans leurs pays d’origine. Ainsi a éclaté le conflit entre l’État et les compagnies pétrolières lorsqu’une réforme a établi un taux d’imposition supérieur à ceux de leurs pays d’origine, car elle ne concernait pas les recettes fiscales, mais les bénéfices des compagnies.

Au Venezuela, les revenus nets liés au pétrole des ex-propriétaires d’anciennes concessions et des propriétaires privés ont été également touchés par cette réforme puisque cet impôt supplémentaire concernait « les contribuables qui perçoivent des redevances minières et pétrolières. »

Fig. 3 : Romulo Betancourt (1908-1981), président du Venezuela (1959-1964) - Source : Wikimedia Commons

En 1958, une nouvelle situation conflictuelle éclatait entre l’État et les compagnies à propos de la répartition des revenus. Le gouvernement provisoire vénézuélien qui avait pris le pouvoir après le renversement d’une nouvelle dictature militaire (1948-1958), a modifié la loi de l’impôt sur les bénéfices en augmentant le taux d’imposition à 47.5 % contre 28.5 % auparavant. De ce fait, les revenus pétroliers ont été répartis de la manière suivante : 64/36 pour le gouvernement. Cette décision a permis de résoudre une crise financière conjoncturelle et surtout de mettre un terme à l’accord illusoire de répartition 50/50 des bénéfices (Figure 3).

2. Renégociation au Moyen-Orient

Plus la production pétrolière augmentait au Moyen-Orient, plus le mécontentement des gouvernements grandissait, surtout en Perse, avant de s’étendre par la suite aux autres états.

2.1. Le cas de la Perse

Fig. 4 : Installations de l'APOC

Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement persan réclamait à l’Anglo-Persian Oil Company (APOC) que la base de calcul de la redevance égale à 16 % des bénéfices nets s’applique à toutes les nouvelles compagnies, à l’intérieur et hors du pays. (Figure 4). Mais l’APOC déclarait qu’elle s’appliquerait seulement aux filiales présentes en Perse. À défaut de contrat, les parties ont conclu en 1920 un accord dénommé Armitage-Smith. L’accord reconnaissait la légitimité de la requête du gouvernement, puisqu’à partir de 1919, la redevance était calculée comme le gouvernement l’avait exigé. L’APOC a également accepté de délivrer chaque année au gouvernement une estimation de la redevance. Un second accord a également été signé ce même jour selon lequel l’APOC acceptait de verser au gouvernement un million de livres sterling afin de solder ses dettes.

Toutefois, la crise économique de 1929 attisait de nouvelles sources de conflit, en effet, les bénéfices de l’APOC ont été réduits et le paiement de la redevance a baissé en 1932 à 24 % du montant payé en 1931 (un million 300 000 livres). Le gouvernement a refusé de payer et la concession a été annulée. L’APOC a rejeté cette mesure et a menacé le gouvernement, faisant valoir que le gouvernement britannique ferait le nécessaire pour protéger ses intérêts. Le gouvernement persan soutenait que l’APOC avait versé des subventions à ses filiales pour réduire le montant des redevances, puis qu’elle n’avait pas autorisé le contrôle des dépenses afin de calculer les bénéfices nets. Le gouvernement a en outre accusé l’APOC de ne pas vouloir payer l’impôt sur les bénéfices à hauteur de 4 % (comme convenu en 1930 par l’Assemblée nationale). Enfin, le gouvernement affirmait que s’il lui avait cédé gratuitement la concession, l’APOC aurait dû payer neuf millions de livres supplémentaire au titre des droits de douane en plus de la redevance versée entre 1901 et 1932. Finalement, le gouvernement et l’APOC ont conclu une nouvelle concession en 1933.

Dans ce contrat, rédigé en français, le gouvernement a réduit la zone de la concession initiale (à 258 999 km2), ce qui s’avérait être encore immense. Il a également été convenu que la redevance, à hauteur de 4 shillings-or, serait désormais calculée par tonne de pétrole produit, avec la garantie d’un paiement annuel à hauteur de 750 000 livres minimum ; que l’APOC paierait les droits de douane liés à l’importation et devrait progressivement licencier le personnel qualifié étranger pour recruter du personnel persan. Mais l’APOC a également obtenu des avantages, tels que le droit de choisir le domaine de la concession sur des terrains connus, l’exonération fiscale totale, à l’exception de la redevance et du paiement minimum annuel, ainsi que la prorogation de la période de concession sur 32 années, jusqu’en 1993. En outre, l’APOC avait la possibilité restituer la concession au gouvernement à tout moment, mais ce dernier ne pouvait en aucun cas modifier les termes ou les annuler unilatéralement. Tout différend qui ne pouvait être résolu entre eux serait soumis à un arbitrage. Ce contrat représentait le seul outil pour régir les relations entre l’APOC et le gouvernement.

Fig. 5 : L'AIOC succède à l'APOC en 1935

Après la Seconde Guerre mondiale et pour les mêmes raisons qu’auparavant, le gouvernement iranien et l’Anglo Iranian Oil Company (AIOC)[1] sont parvenus à un autre accord, qui a amélioré la situation économique du gouvernement, mais qui a été finalement rejeté par le parlement iranien en janvier 1951 (Figure 5). Ce refus s’expliquait par l’annonce d’un accord passé un mois auparavant entre l’Arabie Saoudite et l’Aramco relatif à la répartition des bénéfices de l’industrie pétrolière, sur une base 50/50. L’AIOC a alors fait part au gouvernement qu’elle accepterait un accord similaire à l’accord saoudien, et qu’elle lui verserait d’immenses sommes d’argent. Mais les annonces officielles ont tardé parce que le député Mohammed Mossadegh avait déjà proposé au parlement de nationaliser l’industrie pétrolière, ce qui a effectivement été approuvé dans la loi de mars 1951.

Fig. 6 : Mohamed Mossadegh (1882-1967), premier ministre en 1951, 1952 et 1953

Devenu premier ministre en avril 1951, Mossadegh s’est immédiatement opposé à l’AIOC, au gouvernement britannique et aux États-Unis, qui jugeaient unilatéral le fait de résilier un contrat soumis à un arbitrage (Figure 6). Le premier ministre a déclaré que la loi était une question de droit souverain du peuple iranien et que le sujet ne relevait pas des organisations internationales. Le gouvernement britannique et l’AIOC ont alors demandé à la Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye, d’obliger l’Iran à se soumettre à l’arbitrage sinon il serait coupable de violation du droit international. Le gouvernement britannique a aussi décidé de boycotter l’Iran économiquement, y compris dans l’achat de pétrole, afin de le forcer à accepter ses propositions. En réponse, le gouvernement iranien a expulsé les techniciens britanniques de la raffinerie d’Abadan que les troupes iraniennes se sont mises à occuper. La CIJ jugea qu’elle n’était pas en mesure de se prononcer sur cette affaire puisque le gouvernement britannique n’était pas lié au contrat.

En août 1953, Mossadegh fut destitué par un coup d’État organisé par les services de renseignements du Royaume-Uni et des États-Unis d’Amérique. Le gouvernement de Mohammed Reza Pahlevi a de fait pris le pouvoir et, conseillé par des fonctionnaires, il a été décidé de relancer l’industrie pétrolière iranienne et de l’ouvrir à nouveau au marché international encédant une nouvelle concession. Mais pas à l’AIOC, cette fois, elle serait octroyée plutôt à un consortium de compagnies opérant au Moyen-Orient, dont cette concession ferait partie.

 Fig. 7 : Logo de la NIOC

En septembre 1954, le gouvernement iranien et les représentants du consortium, appelé Iran Oil Participants composé de huit des plus grandes compagnies pétrolières du monde (AIOC, Royal Dutch Shell, Standard Oil of New Jersey, Socony-Vacuum Oil Co.., Standard Oil of California, Gulf Oil, Texaco et la Compagnie Française des Pétroles) ont signé un nouveau contrat. Il était établi que les concessions désormais appelées compagnies d’exploitation pétrolière, exerceraient les droits octroyés au nom de la National Iran Oil Company (NIOC), la compagnie pétrolière de l’état iranien, créée en 1951. L’Iranian Oil Exploration and Producing Company, une compagnie iranienne affiliée au consortium s’est vue octroyer les droits de prospection et de production de pétrole et de gaz naturel ainsi que les droits de stockage, de transport et de vente à bord des navires-citernes. Quant à l’Iranian Oil Refining Company, également affiliée au consortium iranien, elle disposait des droits d’extraction du pétrole brut et de traitement du gaz naturel. Ainsi, la NIOC versait à la compagnie opératrice un shilling par m3 de pétrole livré ou raffiné, en plus des autres frais et dépenses (Figure 7).

À son tour, chaque société qui vendait du pétrole brut (les filiales du consortium) payait à la NIOC le prix affiché du baril de pétrole dans le port d’embarquement iranien d’exportation (prix franco à bord). Le prix affiché comprenait la redevance de 12,5 % ainsi que l’impôt sur les bénéfices de 50 %, ce qui donnait lieu à un partage sur une base 50/50 des bénéfices entre les compagnies et le gouvernement, soit un contrat identique au contrat saoudien. La durée de la concession était de 25 ans, renouvelable pour trois périodes de 5 ans chacune, jusqu’en 1994. Un arbitrage international a été mis en place pour résoudre les conflits. La NIOC se chargeait de l’éducation et de la formation technique et industrielle du personnel, de l’approvisionnement en matériaux et équipements nécessaires des sociétés d’exploitation puis supervisait la distribution des dérivés du pétrole sur le marché national. Le contrat de concession, rédigé en anglais, était le seul instrument qui régulait les relations entre l’État et les compagnies. Ce contrat a mis fin au monopole britannique en Iran et a permis aux compagnies états-uniennes de bénéficier, pour la première fois, d’un des champs pétroliers les plus riches au monde.

En juillet 1957, le Parlement iranien a approuvé la loi sur le pétrole, la première au Moyen-Orient, qui permettait à la NIOC de prospecter et de produire sur le territoire national non cédé au consortium. La loi autorisait la NIOC à diviser le territoire en districts de 80 000 km2 chacun, à déclarer tout district ouvert à la prospection et à la production de pétrole et à s’associer à des compagnies étrangères pour créer des coentreprises (joint-ventures) qui prospectaient, exploitaient et vendaient le pétrole brut et ses dérivés. La première de celles-ci, créée en août 1957 était la Société Irano-Italienne Société des Pétroles (SIRIP), une compagnie partagée sur une base 50/50 entre la NIOC et  l’Azienda Generale Italiana Petroli (AGIP), filiale de l’Ente Nazionale Idrocarburi (ENI), compagnie pétrolière nationale italienne. Des droits ont été octroyés à la SIRIP pour une durée de 25 ans sur une superficie de 22 900 km2, située au large des côtes. Une clause établissait que 50 % des bénéfices nets de la SIRIP étaient destinés à l’Iran, et que l’autre moitié était partagée entre l’AGIP et la NIOC. L’ENI a fait part dans ce contrat de son engagement à assumer seule le coût de la prospection du pétrole et le risque de perte totale, en cas de découverte non exploitable et a accepté que 5 % du pétrole produit par le SIRIP soit vendu à prix coûtant à la NIOC afin de répondre à la demande intérieure. Ces clauses ainsi que d’autres provenant des contrats de compagnies conjointes iraniennes sont apparues plus tard, dans les contrats de partage de production créés en Indonésie quelques années après

2.2. Le cas de l’Arabie Saoudite

Fig. 8 : Siège social de l'Aramco à Dhahran - Source: Wikimedia Commons

A la fin des années 1940, le gouvernement saoudien a fait pression sur la compagnie Arabian American Oil Company (Aramco) pour qu’elle paye une redevance conséquente (Figure 8). Deux faits sont à l’origine de cette exigence : la nouvelle répartition des bénéfices à laquelle était parvenu le Venezuela et les très gros avantages économiques que représentait, pour le gouvernement saoudien, la concession cédée à l’American Pacific Western Oil Corporation (devenue par la suite la Getty Oil Company, et aujourd’hui la Getty Oil) sur le territoire de la zone neutre entre l’Arabie Saoudite et le Koweït. Par ce contrat, signé le 20 février 1949, la Getty acceptait de verser au gouvernement 9 millions et demi de dollars en espèces en guise de prime pour la signature de ce contrat, et un million de dollars de plus comme redevance, ce qui correspondait au paiement de la première année de la concession. Elle acceptait également  de payer cette même somme au titre de la redevance pour les trois premières années de la concession, même si celle-ci était annulée au bout de la deuxième année. De plus, dès le début de l’exploitation commerciale, elle s’était  engagée à verser une redevance de 0,55 $ par baril de pétrole brut produit, et d’offrir au gouvernement 25 % du capital de l’entreprise. La Getty a obtenu les droits exclusifs d’exploration et d’exploitation du pétrole pour 60 ans sur une zone de 125 miles² (soit environ 325 km²), située sur la moitié du territoire saoudien de la zone neutre que l’Arabie Saoudite partageait avec le Koweït.

Le 30 décembre 1950, l’Aramco et le gouvernement saoudien ont signé un accord (supplement agreement) qui venait compléter la concession de 1933, à effet rétroactif dès le 1er janvier 1950. L’Aramco acceptait de partager la moitié de ses revenus nets d’exploitation avec le gouvernement. La participation du gouvernement impliquait cependant que l’Aramco s’acquitte de l’impôt saoudien  sur les sociétés, approuvé en novembre 1950, ainsi que de la redevance fixe par tonne, calculée en fonction des revenus. Afin d’évaluer les revenus nets d’exploitation de l’Aramco sur le territoire saoudien, il fallait déduire de ses revenus bruts : les charges d’exploitation (operating costs), les coûts d’exploration et de développement, les amortissements et le montant de l’impôt sur les sociétés aux États-Unis, pays d’origine des quatre entreprises qui faisaient partie de l’Aramco. Cet impôt fut supprimé en 1952. De plus, les prix affichés (posted prices) du pétrole exporté Free on Board (FOB) ou franco à bord (FAB) depuis le port d’embarquement de Ras Tanura ont été introduits afin de calculer les revenus bruts. La participation du gouvernement faisait office de plafond qui couvrait tous les paiements. Cet accord a eu une renommée mondiale dans l’industrie du pétrole comme système de répartition 50/50 (fifty-fifty profit sharing) des bénéfices : 50 % pour le gouvernement et 50 % pour l’Aramco. Il a rapidement été appliqué dans les autres pays du Moyen Orient : au Koweït (en 1951), en Irak, à Bahreïn, au Qatar (en 1952) et en Iran (en 1954). « En termes de revenus pour les gouvernements, la répartition 50/50 des bénéfices nets revenait à multiplier par trois, voire par quatre, les revenus générés au préalable grâce au taux de redevance standard de quatre shillings or par tonne ». [2]

En décembre 1957, le gouvernement saoudien a accordé à la Japanese Petroleum Company (JPC) une concession afin d’exploiter une partie du territoire indivis saoudien, située au large dans la zone neutre entre l’Arabie Saoudite et le Koweït. La JPC s’est engagée à verser au gouvernement 56 % des bénéfices nets provenant de toutes ses activités, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Elle a également accepté de payer au gouvernement 20 % de redevances, comptabilisées comme frais supplémentaires, et non comme acompte, déductibles de l’impôt sur les bénéfices, comme stipulé dans le contrat saoudien fifty-fifty de 1950. La durée du contrat était alors de 40 ans.

 

3. La réaction des concessionnaires au Moyen-Orient et au Venezuela

Dès lors que le gouvernement saoudien a accordé la nouvelle concession de 1957, les règles du jeu ont changé. Cet évènement a alarmé les concessionnaires installés au Moyen-Orient, qui ont estimé que l’augmentation à 56 % de la répartition des bénéfices violait le principe du 50/50, ainsi que la base de calcul des bénéfices des entreprises [3].Un conseiller juridique de l’Aramco a cependant avancé l’argument selon lequel « ce taux d’imposition (de 56 %) doit être considéré comme une obligation de nature contractuelle et non comme une disposition fiscale à valeur légale » [4].

La sonnette d’alarme a ensuite été tirée au Venezuela où la situation est devenue critique, du fait de la nouvelle répartition des bénéfices à 60/40 prévue par la loi et qui s’appliquait à l’ensemble des profits nets de tous les concessionnaires. Les grandes compagnies pétrolières ont essayé, en vain, de persuader la Junte provisoire de gouvernement, qui avait pris cette mesure en 1958, de reconsidérer cette nouvelle répartition.

Face à la menace que représentait pour le Venezuela  la production croissante de pétrole à faible coût au Moyen-Orient, le gouvernement de Rómulo Betancourt (1959-1964) a envoyé, pour la deuxième fois dans l’histoire du pays, une délégation officielle dans cette région pétrolière [5]. Le but de cette mission était de participer, en tant qu’observateur aux côtés de l’Iran (les deux seuls pays non arabes, contribuant à hauteur de 30 % de l’exportation mondiale de pétrole brut et de ses dérivés), au premier Congrès Arabe du Pétrole organisé au Caire en avril 1959. Les délégués du Venezuela, de l’Iran, de l’Arabie Saoudite, du Koweït, de la République Arabe Unie et le chef du Comité pétrolier de la Ligue des États arabes (un iraquien), se sont réunis en secret et ont convenu d’un accord, ou plus précisément d’un pacte tacite baptisé « pacte de Maadi », qui impliquait les gouvernements des pays exportateurs détenant environ 63 % du pétrole mondial.[6]

Le pacte reposait essentiellement sur cinq points :

  1. « Faire en sorte que les gouvernements respectifs constituent, dès que possible, une « commission pétrolière consultative », au sein de laquelle des problèmes communs pourraient être débattus afin de parvenir à des conclusions collectives » ;
  2. « s’assurer que les gouvernements concernés se tournent vers la formule 60/40 au minimum, afin de s’aligner sur la position récente du Venezuela… » ;
  3. « essayer de maintenir la structure des prix » ;
  4. « faire en sorte que tout changement (de prix) soit au préalable débattu et approuvé par toutes les parties concernées » ;
  5. « et mettre en avant le besoin d’établir dans chaque pays des organismes chargés de coordonner à l’échelle nationale, la conservation, la production et l’exportation du pétrole »[7].

Le cinquième point était directement lié à la concurrence que le cartel international du pétrole (appelé les Sept Sœurs)[8] avait rencontrée sur le marché pétrolier international après la Seconde Guerre mondiale, en raison du prix du pétrole brut fixé par les compagnies pétrolières indépendantes. Pour avoir un aperçu de cette concurrence, il suffit de se pencher sur le cas du Venezuela, qui, à la fin des années 1950 comptait, outre ses trois grandes compagnies pétrolières traditionnelles, 14 autres compagnies pétrolières, indépendantes pour la plupart d’entre elles (Sun, Phillips, Sinclair, entre autres). Ces 17 compagnies avaient acquis 820 000 hectares en nouvelles concessions entre 1956 et 1957, sous la dictature du général Marcos Pérez Jiménez (1952-1958), malgré l’annonce de la politique « plus aucun octroi de concessions » du gouvernement démocratique de Rómulo Gallegos (15/02/1948-24/11/1948). Les concessions de 1956-1957 ont rapidement entamé leur processus de production puisqu’elles faisaient partie des réserves nationales (parcelles explorées et restituées à l’État vénézuélien) et qu’elles ont permis de mettre en vente du pétrole brut à des prix inférieurs à ceux du marché (étasunien principalement).

Le pacte de Maadi a abouti à la création par l’Arabie Saoudite, le Venezuela, l’Irak, l’Iran et le Koweït de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) le 14 septembre 1960 à Bagdad (Irak). L’élément clé fut la décision des grandes compagnies de baisser les prix affichés (posted price) du pétrole mis en vente aux ports d’embarquement. L’Aramco a notamment baissé le prix affiché du pétrole brut Arabian Light au port de Ras Tanura, en août 1960, le faisant passer de 1,94 $ à 1,80 $ le baril. Ces prix ont par ailleurs été utilisés dans les contrats pétroliers pour calculer la répartition à 50/50 des bénéfices dans les pays du Moyen-Orient.

 

4. L’OPEP et la rente pétrolière

Fig. 9 : Première conférence de l'OPEP à Bagdad 10-14 septembre 1960

Les membres de l’OPEP ont convenu, dès sa création, que les résolutions prises par la Conférence, la plus haute autorité de l’OPEP, seraient adoptées à l’unanimité et entreraient rapidement en vigueur (Figure 9). L’Organisation avait pour objectif premier de coordonner et d’harmoniser les politiques pétrolières de ses membres et de se doter des moyens nécessaires pour protéger leurs intérêts.

La 4ème conférence (1961) fut d’une importance capitale pour l’augmentation de la rente pétrolière puisqu’elle a recommandé de :

  1. contrôler les prix affichés du pétrole, puisqu’ils étaient utilisés par les compagnies pétrolières et par les gouvernements pour évaluer leurs obligations et revenus fiscaux issus de l’exploitation pétrolière (résolution IV/32) ;
  2. considérer les redevances comme un coût et non comme un impôt, qui serait comptabilisé comme un crédit d’impôt sur les bénéfices (résolution IV/33) ;
  3. et de supprimer toute aide financière permettant aux compagnies pétrolières de faciliter la commercialisation de leur pétrole, puisque les sociétés exploitantes qui produisaient du pétrole brut le vendaient sur le marché international à travers leurs affiliés, sans engager de frais d’intermédiation (résolution IV/34).

La dernière mesure a été la première à être appliquée, et ce, par le biais d’accords complémentaires relatifs aux concessions entre les gouvernements et les compagnies, afin d’éliminer progressivement les réductions de tarifs liés à la commercialisation. Cependant, la 11ème conférence (1965) a recommandé « la suppression totale des réductions accordées aux compagnies pétrolières » (résolution XI/71).

Des modifications furent ensuite appliquées aux redevances. Lors de la 7ème  conférence (1964), les représentants des gouvernements de l’Iran, du Koweït, de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de la Lybie ont annoncé qu’ils accepteraient « les dernières offres faites par les compagnies en date du 16 novembre 1964… », au sujet du calcul des redevances comme coût, puisqu’elles répondaient « … aux exigences minimum requises… » (résolution VII/49). C’est ainsi qu’ont été établis les accords complémentaires des concessions (Figure 10).

Finalement, le problème des prix a été résolu par la création de prix fiscaux (« prix rentiers »). Comme les prix (affichés) du pétrole ont continué à baisser sur les marchés internationaux, la 11ème conférence (1966) a recommandé :

  1. « Que les gouvernements des pays membres concernés appliquent les prix affichés ou les prix de référence afin de déterminer les obligations fiscales des compagnies pétrolières en activité sur leurs territoires ;
  2. et que les pays membres n’accordent aucun droit sur le pétrole et ne signent aucun contrat lié à l’exploration ou à l’exploitation de nouvelles zones, à moins que les paiements par redevance et les obligations au titre de l’impôtne soient calculés sur la base des prix affichés ou de référence… » (résolution XI/72).

Fig. 10 : Conférence de l'OPEP de 1964 à Jakarta

Pour mettre au point ces recommandations, la Conférence a jugé pertinent de se baser sur l’approche d’un rapport de la Commission économique de l’OPEP, créée en 1964, sur les conséquences que pourrait avoir l’adoption des prix affichés sur les impôts. Dans ce rapport, il est mentionné que l’usage de ces prix « réduirait la capacité de certaines compagnies pétrolières à accorder des réductions excessives sur le pétrole produit dans certains pays membres ». Lors de la 11ème conférence, il a été envisagé que l’utilisation de ces prix « aurait globalement comme effet souhaitable de consolider et de stabiliser les prix sur le marché international ». En d’autres termes, la résolution XI/72 a recommandé que soient adoptés les prix de référence fiscale, prix que l’État vénézuélien a intégrés dans la réforme de la loi sur l’impôt sur le revenu de 1966 lorsqu’il a introduit les valeurs fiscales d’exportation et augmenté le taux d’imposition à 52 %. En résumé, les prix décroissants du pétrole sur les marchés internationaux ne devraient plus avoir de répercussions sur les revenus fiscaux des membres de l’OPEP.

4.1. Déclaration générale sur la politique pétrolière pour les pays membres.

En juin 1968, la 16ème conférence de l’OPEP a approuvé la Déclaration générale sur la politique pétrolière pour les pays membres afin de les inciter à exploiter leurs hydrocarbures sans faire appel à des intermédiaires. La résolution XVI/90 a recommandé de développer directement l’exploitation des hydrocarbures, ou, à défaut, de conclure de nouveaux contrats de participation avec des compagnies étrangères, en améliorant toutefois les clauses. Pour les nouveaux contrats, la résolution a recommandé de payer raisonnablement l’entreprise étrangère en fonction du risque qu’elle encourt, d’acquérir des participations de l’entreprise et de contrôler toutes ses opérations. Elle a également suggéré de revoir les clauses « selon les changements qu’impose toute nouvelle situation » ; « de vérifier les accords de concessions déjà existants » et « d’acquérir une participation raisonnable » de la propriété des entreprises concessionnaires.

De plus, il a été préconisé dans cette résolution:

  1. « que malgré toute garantie de stabilité accordée à l’exploitant, celui-ci ne peut avoir le droit de dégager des bénéfices nets excessivement élevés après imposition » ;
  2. que les entreprises situées dans les pays concédants tiennent à jour une comptabilité claire et précise et des registres de leurs opérations afin de les mettre à disposition du gouvernement ;
  3. et que les désaccords soient résolus conformément à la juridiction nationale. En ce qui concerne les prix, la résolution XVI/90 a exigé que le prix affiché ou de référence soit « fixé par le gouvernement… », et que « ce prix, soumis aux variations de gravitation, de qualité et de localisation, soit cohérent avec les niveaux des prix affichés ou de référence qui prévalent généralement pour les hydrocarbures dans d’autres pays de l’OPEP et qui sont acceptés par ces derniers comme base pour le paiement des impôts ».

Deux ans plus tard, en 1970, le Congrès national du Venezuela a réformé la loi relative à l’impôt sur le revenu :

  1. afin d’adopter un taux d’imposition fixe de 60 % s’appliquant uniquement aux compagnies pétrolières. Le taux d’imposition du pétrole a continué de croître rapidement jusqu’à atteindre 72 % en 1975 ;
  2. et afin que le pouvoir exécutif vénézuélien fixe unilatéralement, sans accord avec les entreprises, les valeurs fiscales d’exportation.

Quelques jours avant cette réforme, la résolution XXI/20 de la conférence de l’OPEP, qui s’était tenue à Caracas, avait recommandé de « fixer un taux minimum d’imposition sur les bénéfices nets des compagnies pétrolières à 55 % … »

4.2. La « révolution de l’OPEP »

Fig. 11 : La nouvelle compagnie nationale vénézuélienne

L’augmentation des prix du pétrole entre 1970 et 1973 a conduit les membres de l’OPEP à reprendre le contrôle des droits de propriété qu’ils avaient perdus sur leurs ressources naturelles et à nationaliser les compagnies pétrolières en activité dans leur pays (Lire : La montée en puissance de la question pétrolière au Moyen-Orient au tournant des années 70). Cette mesure a été mise en œuvre par le biais d’un processus progressif de participation au capital des entreprises (comme ce fut le cas pour l’Arabie Saoudite, Abou Dhabi, le Koweït, le Qatar et le Nigéria) ou par le biais d’une nationalisation pure et simple (comme ce fut le cas pour l’Algérie, l’Irak, la Lybie et le Venezuela). Au Venezuela, la nationalisation de l’industrie a été mise en place sans encombre, bien que juridiquement il n’en ait pas été ainsi. Premièrement, en raison des concessions octroyées il y a 40 ans qui ont commencé à être restituées à l’État dès 1983. Deuxièmement, parce que les bénéfices de l’industrie étaient répartis, déjà en 1974, selon une proportion de 94/6 en faveur de l’État. Le 1er janvier 1976, l’État s’est porté garant de la totalité des actifs des compagnies pétrolières qui étaient en activité dans le pays, et s’est engagé à leur verser une compensation de plusieurs millions de dollars. A cette même date, la nouvelle compagnie pétrolière publique vénézuélienne Petróleos de Venezuela, Sociedad Anónima (PDVSA) a été mise en service. La révolution de l’OPEP a mis fin au système des concessions pétrolières et a permis de reprendre le contrôle de 71 % des réserves pétrolières mondiales (Figure 11).

 


Notes et références

[1] Après que le gouvernement perse a changé le nom de son pays pour celui de l’ Iran en 1934, l’AngloPersianOilCOmpanya également changé le sien et est devenue l’AngloIranianOilCompany.

[2] Cattan Henry (1967). The Evolution of Oil Concessions in the Middle East and North Africa. New York, Oceana Publications Inc., pp. 10.

[3] Shwadran Benjamin (1973). The Middle East, Oil, and the Great Powers. New York, John Wiley & Sons,648 pages.

[4] Cattan Henry (1967). Op. Cit. pp. 69.

[5] La première fut envoyée en 1949, essentiellement pour la même raison. Rivas Ramón (1999), Venezuela: Apertura petrolera y geopolítica. Mérida, Universidad de Los Andes, 412 p.

[6] OPEC (2010/2011). Annual Statistical Bulettin. CD Rom et version Web. Accessible sur le site: http://www.org/ Consulté le 30/10/2011

[7] Acosta Hermoso Eduardo (1969). Análisis histórico de la OPEP. Mérida, Universidad de Los Andes, pp. 117.

[8] Sampson Anthony (1975). The Seven Sisters. The Great Oil Companies and the World They Shaped. Bantam Book, 395 p.

 


Bibliographie complémentaire

Mora Contreras, Jesús (2012). Contratos de exploración y producción de petróleo: Origen y evolución. Mérida, Consejo de Publicaciones y Facultad de Ciencias Económicas y Sociales de la Universidad de Los Andes, avec l’appui de la banque centrale du Venezuela, 146 pages.

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