L’énergie en Russie avant 1917

Dans l’histoire mondiale de l’énergie, la Russie occupe une place particulière. Le charbon minéral et le pétrole y sont connus, et parfois exploités, aussi précocement en Europe occidentale ou aux États-Unis, mais ils ne se sont pas intégrés dans un système industriel capable d’assurer un développement énergétique moderne. Des traces de ce retard subsisteront longtemps après 1917.


Vu d’Europe occidentale ou d’autres continents, le développement énergétique de la Russie au 19ème siècle est souvent réduit à l’exploitation des pétroles du Caucase par les frères Nobel puis les Rothschild bientôt associés à Marcus Samuel, père de la future Royal Dutch Shell [1]. Pour importante qu’elle ait été, au regard notamment de l’histoire pétrolière mondiale, cette incursion des compagnies occidentales sur les bords de la mer Caspienne n’a été que l’une des composantes de l’histoire énergétique d’un pays qui, jusqu’aux dernières décennies du 19ème siècle, a plus fait appel à ses ressources forestières qu’à ses sources d’énergie fossiles, charbon et pétrole. Pourquoi un tel retard par rapport à l’Europe occidentale où la consommation de charbon minéral croissait au rythme annuel moyen de 4 % depuis le début du siècle ou aux États-Unis déjà en train de lui préférer le pétrole ? Quels rôles ont joué l’extrême abondance de la biomasse, l’industrialisation tardive et l’urbanisation limitée jusqu’aux années 1890 ?  Par quelles voies, la Russie a-t-elle amorcé la construction de ses industries charbonnière et pétrolière ?

 

1. Une croissance de la consommation d’énergie plus soutenue en fin de siècle

Fig. 1 : Intérieur d'isba – Source : Pixabay

En 1800, la Russie est un immense territoire de 19 millions de km2, peuplé d’environ 40 millions d’habitants quasiment tous installés dans la partie européenne du pays [2]. On ne dispose d’aucune série statistique relative à sa consommation d’énergie jusqu’à la publication, à partir de 1860, d’estimations annuelles de sa production et de ses échanges avec l’étranger de charbon minéral et de pétrole brut. Ces deux sources d’énergie ne représentent cependant qu’une fraction de la consommation totale d’énergie dite exosomatique parce qu’excluant la force musculaire des hommes (Lire : La consommation mondiale d’énergie avant l’ère industrielle).

 Fig. 2 : Poêle en céramique – Source : Wikimedia Commons

Cette consommation est principalement tirée de la force musculaire des animaux, de celle des vents et des cours d’eau (navigation et moulins), mais surtout de biomasse destinée à la production de chaleur (Figure 1). Bien que son évaluation soit des plus délicates, la consommation annuelle moyenne par habitant de ces sources d’énergie semble avoir été, vers 1800, de l’ordre de 0,650 tonne équivalent pétrole (tep), en grande partie sous la forme de bois de feu et de déchets agricoles destinés à l’artisanat, aux manufactures et surtout au chauffage domestique estimé de 1,83 m3 par an dans les villes et de 1,63 dans les campagnes [3].

Comment cette consommation par habitant a-t-elle évolué au cours du 19ème siècle ? D’un côté, l’urbanisation et l’industrialisation ont dû la pousser vers le haut jusqu’à ce que les combustibles fossiles commencent à pénétrer dans le bilan énergétique au cours de la deuxième moitié du siècle. D’un autre côté, elle a vraisemblablement été contenue par les progrès du principal convertisseur de la biomasse en chaleur qui était le poêle dont l’efficacité, déjà très élevée en 1850 (35 %), aurait continué à croître jusqu’à 38 % en 1917 (Figure 2). Ces évolutions aux conséquences opposées rendent plausible l’hypothèse d’une constance de la consommation moyenne de biomasse par habitant, donc d’une croissance de la consommation totale de cette source d’énergie proportionnelle à la croissance de la population qui est passée de 27,5 million d’habitants en 1783 à 170 millions en 1915. En ajoutant, à partir de 1860, les sources fossiles aux sources renouvelables, la consommation totale d’énergie de la Russie pourrait avoir été multipliée par un peu plus de cinq entre 1800 et 1915, soit une croissance annuelle moyenne sautant de 0,9 % entre 1800 et 1860 à plus de 2 % par la suite (Tableau 1).

Tableau 1 : Évolution estimée de la consommation d’énergie de la Russie 1800-1917
Population
Biomasse
Charbon
Pétrole
Total
1800
40.0
26.0
26.0
1810
44.0
28.6
28.6
1820
48.4
31.5
31.5
1830
53.2
34.6
34.6
1840
58.5
38.0
38.0
1850
64.3
41.8
41.8
1860
68.7
44.7
0.1
44.8
1865
78.0
50.7
0.2
50.9
1870
84.0
54.6
1.1
55.7
1875
90.5
58.8
2.0
0.1
60.9
1880
97.5
63.4
3.6
0.4
67.4
1885
105.5
68.6
4.3
2.0
74.9
1890
113.2
73.6
5.4
3.1
82.1
1895
121.9
79.2
7.9
5.8
92.9
1900
132.0
85.8
14.5
9.3
109.6
1905
143.6
93.3
16.0
7.4
116.7
1910
156.3
101.6
21.1
10.4
133.1
1915
170.0
110.5
22.4
9.4
142.3
Source. Évaluations propres (voir note 3). La population est en millions d’habitants. Les sources d’énergie en Mtep. L’évolution de la population a été interpolée entre les quelques estimations disponibles qui ne sont pas toujours cohérentes. Les consommations de charbon et de pétrole sont tirées des productions +/- les importations et exportations publiées par B.R. Mitchell. Les résultats sont très proches de ceux de Palmer Putnam.

Cette croissance n’a cependant pas fait de la Russie une grande consommatrice d’énergie. À la veille de la révolution de 1917, alors que le charbon minéral l’a emporté sur la biomasse dans tous les pays d’Europe occidentale et commence à reculer devant le pétrole aux États-Unis, ces deux sources fossiles ne contribuent que pour un peu plus de 20 % à la consommation énergétique de la Russie car elles sont entrées tardivement dans son bilan. Des combustibles fossiles solides (houille, lignite et tourbe) étaient certes consommés dans les steppes du sud, dépourvues de forêts, bien avant 1800, mais en si petites quantités que l’on ne pouvant les intégrer dans un bilan global avant 1860. Dix ans plus tard, la diffusion des produits pétroliers s’accélère. En fin de siècle, de petites quantités de charbon minéral commencent à être transformées en électricité, la production s’élève de 482 GWh en 1905 à 2 575 en 1916. Le gaz naturel utilisé pour la première fois en 1837 à des fins de distillation du pétrole n’apparait pas dans les statistiques avant 1920 (24 Mm3).

Ce retard du développement énergétique de la Russie par rapport à l’Europe de l’Ouest et aux États-Unis s’enracine dans l’histoire économique et sociale du pays tout au long du 19ème siècle, l’essor démographique, urbain et industriel des dernières décennies ne compensant pas l’atonie des premières [4].

 

2. Le bois de feu, source presque exclusive d’énergie jusqu’au milieu du 19ème siècle

Fig. 3 : Traction équestre – Source : Pixabay

L’installation, vers 1700 d’un chauffage central dans le Palais d’Été de Pierre-le-Grand n’est évidemment pas représentative du mode de consommation d’énergie des 97 % de Russes qui vivent à la campagne dans des conditions proches de l’autarcie et sans l’aide d’autres moteurs que quelques rares roues hydrauliques et moulins à vent. Même l’énergie mécanique exigée par le transport de marchandises est réduite car ce dernier, en l’absence d’un véritable réseau routier, n’utilise pratiquement que la voie d’eau (hors période de gel) et les traineaux tirés par des chevaux [5] (Figure 3). Il en va de même des besoins d’éclairage principalement satisfaits par des bougies à base de graisses animales, exception faite des quelques lampes à huile des églises, des monastères et des riches demeures qu’alimentent, sans doute depuis le 16ème siècle, des pétroles légers en provenance de la péninsule d’Apchéron. Les huiles lourdes sont aussi utilisées mais à des fins non énergétiques telles que le graissage des essieux de charrette et, après une distillation sommaire, le nettoyage des vêtements, le calfatage des navires ou l’imperméabilisation.

Plus de 99 % de l’énergie consommée en Russie l’est donc à des fins thermiques, pour la cuisson des aliments et surtout le chauffage des locaux à l’aide d’un poêle que Palmer Putnam décrit comme suit :

« The usual russian domestic stove is a ponderous structure extending from the floor to the ceiling and is one yard wide and a 0,5 yard deep ; the outer surface is corrugated and covered with glazed tiles for better transfer of heat. The stove is usually located in the center of the house, intersecting the partitions, with the stove corners projecting into the various rooms. Such an arrangement provides for a fairly high domestic-heating efficiency, certainly much higher than that of western-style fireplaces » [6].

Cette prééminence de la production de chaleur basse température dans la consommation d’énergie thermique résulte évidemment de la longueur de l’hiver russe, fréquemment d’octobre à mai, mais aussi de la faible demande de l’industrie qui, en Europe occidentale à la même époque, est en train de l’emporter sur celle des ménages.

Non pas que la Russie d’Alexandre Ier (1801-1825) soit un pays qui ignore totalement cette activité. Dès le 16ème siècle, des marchands Strogonov s’étaient installés dans l’Oural pour y exploiter des mines de fer et de cuivre [7]. Avec les exportations de fourrures, blé, lin, peaux, cire et miel, des embryons de manufacture avaient pris naissance à Moscou, Pskov, Kazan ou Vologda au cours du siècle suivant. Au même moment, le Tzar Alexis avait fait rechercher de nouveaux minerais, créé des verreries et des moulins à papier, mais la principale impulsion avait été donnée par le Tzar Pierre le Grand installant des usines domaniales dans l’Oural et en Sibérie occidentale, tout en développant un centre métallurgique près de Saint Pétersbourg. Parallèlement, l’industrie textile avait pris son essor. À la mort du Tsar, la Russie comptait un peu plus de 200 fabriques et produisait des quantités de fonte que certains estiment avoir été supérieures à celles de l’Angleterre à cette date. Plus libérale, l’impératrice Catherine II avait autorisé tout particulier à ouvrir des fabriques dont le nombre avait été multiplié par plus de 10 au cours de son règne [8].

En dépit de ces progrès, les 2 à 3 000 fabriques, recensées en 1800, ne constituent pas un socle industriel suffisant pour une croissance économique soutenue [9]. Les ressemblances entre manufactures russes et européennes ne sont qu’une illusion d’optique : le retard technique de la Russie est très important. Les partisans d’une industrialisation rapide vont tenter de le résorber en renforçant, sur un fonds d’industries « koustares » (paysannes) toujours prédominant, la grande industrie manufacturière. On doit à l’essor des investissements dans les sociétés par actions la naissance d’une industrie textile mécanisée, cotonnière notamment, ainsi que la navigation du premier bateau à vapeur en 1817 puis la construction des premiers chemin de fers (de Saint Pétersbourg à Tsarskoye Selo et à Moscou) entre 1836 et 1851. Dans l’industrie métallurgique, la production de fonte double mais sans grands effets d’entrainement sur l’industrie charbonnière faute d’une modernisation technique.

Fig. 4 : Bois de chauffage – Source : Pixabay

Tout au long de la première moitié du siècle, la Russie reste en effet fidèle à la combustion de bois car, contrairement à l’Europe méditerranéenne ou à la Grande Bretagne, elle n’a pas souffert d’une crise du bois de feu (Figure 4). Impossible d’imaginer cette éventualité dans un pays disposant d’une couverture forestière exceptionnelle de 700 à 900 millions d’hectares, dont, pour sa seule partie européenne, 185 en 1804, 162 en 1880 et encore 152 à la veille de la révolution d’Octobre. Aussi loin que l’on remonte dans le temps, le bois n’est donc pas un bien rare dans la plus grande partie du territoire comprise entre la toundra de l’extrême nord et les terres noires de la steppe au sud. Il faut s’en débarrasser pour cultiver le sol ou ouvrir de nouvelles voies de transport. Jusqu’à ce que soit introduit l’assolement triennal avec mise en jachères au 14ème siècle, les brulis l’emportent [10]. Ne sont épargnés que les espaces et les espèces qui servent à la construction des isbas et du mobilier, au chauffage des habitations et à la production de charbon de bois [11]. À la veille de la Première Guerre mondiale, seules 4 % des maisons sont construites en pierre et 1 % d’entre elles sont recouvertes d’une toiture métallique : tout le reste est en bois. Très aisée dans les campagnes, la fourniture de ce matériau de construction ou de ce combustible, l’est aussi dans les villes, y compris les plus grandes encore rares au début du 19ème siècle, car les septentrionales, comme Novgorod ou Moscou, sont entourées de forêts partiellement inexploitées tandis que les méridionales, comme Kiev, peuvent être approvisionnées par flottaison ou transport fluvial.

Ces forêts sont en outre exploitables à moindre coût dans le cadre du servage ou, plus tard, de contrats collectifs qui organisent le bucheronnage. Initialement pratiqué à la hache, ce dernier s’intensifie au 17ème siècle avec l’introduction de la scie par des exploitants hollandais. La multiplication des scieries qui s’en suit contraint même Pierre le Grand à interdire les coupes d’arbres à proximité des rivages de certains fleuves, interdiction levée lors de la libéralisation des activités forestières au 18ème siècle sous le règne de Catherine II. Ce n’est finalement qu’entre 1865 et 1890 que le prix du bois de feu quadruplera sous l’effet conjugué de la croissance de sa consommation et de l’abolition du servage privant les propriétaires forestiers d’une main d’œuvre très bon marché.

 

3. Démarrage de l’industrialisation et consommation de sources fossiles

La prééminence quasi-absolue du bois dans l’approvisionnement énergétique de la Russie ne commence à reculer qu’avec la croissance de l’exploitation du charbon minéral et du pétrole au cours de la deuxième moitié du 19èmesiècle. L’une et l’autre s’inscrivent dans une économie qui amorce son industrialisation en faisant appel aux techniques occidentales.

Généralement daté de la dernière décennie du 19ème siècle [12], ce changement débute en fait au cours des années 1860 après le dénouement de la lancinante question du servage. Comme si toutes les forces économiques latentes s’en trouvaient libérées, l’industrie russe entre dans une phase de croissance qui va s’accélérant au cours des décennies 1870 et surtout 1990 : d’abord l’industrie textile avec des taux annuels moyens de 7 à 14 %, puis les industries alimentaires, le minerai de fer, la fonte, l’acier et les industries mécaniques. En 1900, la Russie construit environ 1 000 locomotives [13]. En attirant capitaux et techniques étrangères, la politique industrialiste de l’énergique ministre des finances Sergueï Witte joue un grand rôle dans ces résultats, mais elle n’aurait pas eu autant de succès sans l’entraînement que la construction des chemins de fer avait déjà commencé à exercer sur le développement de la sidérurgie.

Fig. 5 : Construction de chemin de fer – Source : David Mark, Pixabay

Limité aux lignes Saint Pétersbourg-Moscou et Varsovie-frontière autrichienne au milieu du 19ème siècle, soit 500 km, le réseau ferroviaire russe s’étend au lendemain de la guerre de Crimée qui a convaincu le nouveau Tsar Alexandre II de l’intérêt stratégique de ce mode de transport. En l’absence d’entrepreneurs et de capitaux russes, l’appel est fait aux investisseurs étrangers, principalement français, qui vont prolonger la ligne Moscou-Saint Pétersbourg vers Varsovie, Riga, Kazan, Kiev, Rybinsk et l’Oural [14]. Par la suite, l’État russe prendra en charge une grande partie de ce développement ferroviaire, dont la construction du Transsibérien qui atteint Vladivostok en 1899, ce qui ouvre la colonisation à grande échelle de la Sibérie et l’expansion de la Russie vers l’Asie. Initialement, l’industrie russe ne peut suivre. Entre 1865 et 1875, la nécessaire importation de rails et de matériels roulants, qui absorbe les deux tiers du revenu des exportations de céréales, révèle l’arriération de la vieille métallurgie de l’Oural. Cette dernière ignore la machine à vapeur et continuera de produire jusqu’en 1890 une fonte presque exclusivement à base de charbon de bois.

Pourquoi un tel retard technique ? En Russie, comme ailleurs, y compris aux États-Unis, il faut attendre l’acier Bessemer pour que les produits issus des haut-fourneaux à coke soient de qualité équivalente à ceux des fours traditionnels au charbon de bois. Mais d’autres facteurs ont été encore plus déterminants en Russie. « Les maîtres de forge de l’Oural, nobles ou roturiers, sont en même temps propriétaires terriens et usiniers. En 1890 les 262 fonderies de fer de l’Empire possèdent 11,4 millions de déciatines (12,5 Mha) de terres (dont 8,7 millions de déciatines de forêts) : la presque totalité de cette propriété foncière est concentrée dans l’Oural. Le fait d’être propriétaires d’immenses forêts freine toute velléité des maîtres de forge de se reconvertir au charbon », reconversion d’autant moins intéressante que le maintien de relations sociales héritées du servage assure un travail forestier à faible coût [15].

 Fig. 6 : Usine métallurgique à Kouchva (vers 1910) – Source : Wikimedia Commons

Cette situation change avec les énormes besoins d’acier des chemins de fer et de la construction navale qui doivent être satisfaits par une sidérurgie nationale utilisant le haut fourneau à coke et le puddlage [16]. Son développement est foudroyant (Tableau 2) : en 1899, l’Ukraine compte 35 hauts-fourneaux, 21 cornues Bessemer, 53 fours Martin, 65 fours à puddlage, 80 trains de laminoir. Toutes ces installations ont été construites sur la base du minerai de fer de Krivoï-Rog et des gisements charbonniers du Donets réunis par une voie ferrée à partir de 1885. À l’origine de ce décollage, nombre d’entreprises étrangères comme l’anglaise Hughes qui installe en 1871 le premier haut fourneau fonctionnant au coke [17]. Les investisseurs sont bien des capitalistes, mais ils sont toujours accompagnés de fortes incitations des pouvoirs publics [18].

Tableau 2 : Croissance ferroviaire et sidérurgique
Longueur lignes ferroviaires (km)
Production acier (1 000 t)
1850
501
1860
1 626
1.6
1870
10 731
9.0
1880
22 868
307.0
1890
30 596
378.0
1900
53 234
2 216.0
1910
66 581
3 314.0
1915
4 120.0
Source. Mitchell B.R. Historical, op. cit, pp. 316-318 et 223-225.

Les locomotives des chemins de fer et les haut-fourneaux de la sidérurgie qui fournissent les rails ont de plus en plus besoin de charbon minéral dont les importations croissent de 650 000 tonnes en 1865 à 1 045 en 1875, 1 922 en 1880 et 4 500 en 1900, dans l’attente d’une offre suffisante de l’industrie nationale.

Parallèlement aux avancées de l’industrialisation, et non sans lien avec elle, l’urbanisation progresse aussi. En 1800, alors que l’Europe occidentale et centrale comptait 18 villes de plus de 100 000 habitants, réunissant 3,0 % de leur population, la Russie n’en avait que deux, Saint Pétersbourg et Moscou abritant un demi-million d’habitants. Un siècle plus tard, ces deux villes « figurent parmi les dix plus grandes villes d’Europe avec des populations de respectivement 2,1 et 1,75 millions d’habitants » [19]. D’autres, telles qu’Odessa, Vilno, Kiev, Kharkov, Kazan ou Rostow, ont aussi grossi. Cette urbanisation fait naitre de nouveaux besoins énergétiques.

D’abord pour l’éclairage urbain ; les habitants de Bakou et de ses environs ne sont plus les seuls à avoir remplacé le pétrole léger par du kérosène dans leurs lampes. L’éclairage public au kérosène gagne du terrain de Saint Pétersbourg (6 000 lampes en 1863) à Odessa en passant par Moscou où rues, théâtres, gares et ateliers sont équipés en 1865, ce qui ne facilitera pas la percée du gaz manufacturé. Peu après, du mazout rendu disponible par le développement du raffinage, commence à être brûlé dans les chaudières des locomotives et des bateaux à vapeur, tandis qu’en 1902 un premier réseau de chauffage urbain par tuyaux de fonte est installé à Moscou. Avec ceux de l’industrie, ces nouveaux usages élargissent les débouchés du charbon minéral et du pétrole brut.

 

4. La lente formation d’une industrie charbonnière

Comme sur les autres continents, des combustibles minéraux solides (houille, lignite et tourbe) ont certainement été extraits à faible profondeur par des paysans dépourvus de combustibles végétaux. La première estimation disponible de leur volume à l’échelle de l’Empire russe, Royaume de Pologne exclu, fait état d’une production annuelle de 2 400 tonnes entre 1796 et 1800 [20]. D’abord lente au cours des deux premières décennies du siècle qui sont aussi celles des guerres et de l’invasion napoléonienne, la croissance devient ensuite plus vigoureuse, comprise entre 7 et 10 % selon les sources d’information (Tableau 3).

Tableau 3 : Évolution de la production de charbon 1800-1916
Années
1 000t (Bakoulev)
Années
1000t (Bakoulev)
1 000 t (Mitchell)
1796-1801
2,4
1870
365
690
1810
2,5
1875
1 301
1 700
1820
4,2
1880
2 005
3 290
1830
9,8
1885
2 478
4 270
1835
10,4
1890
3 545
6 010
1840
14,3
1895
5 417
9 100
1845
27,6
1900
12 032
16 160
1850
59,6
1905
15 103
18 670
1855
82,8
1910
19 350
25 430
1860
121,0
1915
31 443
30.040
1865
207,0
1916
34 337
32 430
Source. G. Bakoulev, communiqué par Irène Diakova. À partir de 1870, la série de G. Bakoulev est si inférieure à celle de B.R. Mitchell que nous publions les deux sans être capable d’opter pour l’une ou l’autre.

Cette croissance s’appuie initialement sur le bassin du Donbass (Donets) dont l’exploitation ne commence véritablement qu’après les prospections commandées par Pierre le Grand en 1721, puis, en fin de siècle, avec le développement de la sidérurgie liée à la construction navale et à la fabrication de canons qui suivent l’annexion de la Crimée à la Russie. Les six mines exploitées par des entrepreneurs russes au cours du 19ème siècle seront vendues à la compagnie anglaise Azov Coal Company avant la Première Guerre mondiale. Entre temps, d’autres étrangers les ont rejoints : le gallois John Hughes, déjà pionnier dans la sidérurgie, obtient en 1871 une concession pour exploiter charbon et minerai de fer, après s’être lancé dans la construction navale [21] ; en 1880, Paulin Talabot, maître de forges et magnat des chemins de fer, fait explorer les ressources charbonnières du district de Krivoï-Rog dans le sud de l’Ukraine [22].

D’autres bassins sont aussi reconnus et ouverts à l’extraction : celui de Moscou, vers 1840, proche des industries de transformation installées autour de la capitale mais dont le charbon médiocre est impropre à la sidérurgie ; celui du Kouzbass, connu depuis 1721, mais réellement exploité qu’en 1896 « pour le ravitaillement du chemin de fer transsibérien et des petites forges de Gouriev, vieilles de trois quarts de siècle » [23] ; en Sibérie centrale, celui d’Ekibastouz ouvert en 1867 par la Voskresenskiy Mining Company qui sera revendue en 1913 à la Kirgizian Mining Company, propriété d’entrepreneurs anglais et étasunien ; et plus tardivement, les gisements proches du fleuve Amour découverts lors de l’achèvement du Transsibérien.

À de rares exceptions près, ce ne sont donc pas des Russes mais des étrangers qui font franchir le million de tonnes à la jeune industrie charbonnière. Résultat : près de 60% de la production charbonnière sont contrôlés par des firmes étrangères [24]. Ces développements n’ont pas suffi à faire de la Russie un grand producteur de charbon : avec une population de 170 millions d’habitants, en 1915, elle produit moins de charbon que la France ou la Pologne et à peine moitié plus que la Belgique. Par habitant, sa consommation ne dépasse pas 250 kg contre plus de 4 000 au Royaume-Uni (Lire : Naissance et premiers pas de l’industrie du charbon minéral au États-Unis).

 

5. L’essor de l’industrie pétrolière après 1870

Le coût très élevé du transport pousse à rechercher des ressources plus près des villes du nord, d’où une tentative d’exploitation du gisement d’Ukhta dans la République des Komis vers 1720. La reprise des forages dans la Petchora, un siècle et demi plus tard, se heurte, après une production dérisoire de 5 gallons/jour en 1872, à des interdits administratifs, un manque de capitaux et même un vol des matériels de forage envoyés de Moscou. Beaucoup plus au sud, d’autres débuts d’exploitation pétrolière suivent, dans le nord Caucase et sur les rives de la Volga à partir de 1753, toujours sans résultats probants. L’exploration de la péninsule de Taman sur la mer Noire, commencée en 1830, est plus heureuse : en dépit d’une activité interrompue par la guerre de Crimée en 1853, le Kouban fournit plus de 200 000 barils en 1870, soit 14 % de la production pétrolière russe. Cette même année, la Géorgie voisine entre à son tour sur la scène pétrolière avec le développement de ses gisements par Siemens & Halske dont les 80 puits et 7 forages produisent 7 015 barils qui, raffinés sur place, fournissent 1 550 barils d’huile d’éclairage (photogen), 124 d’essence, 217 de produits lourds et 4 035 d’huile résiduelle.

Cette exploitation sera cependant elle aussi abandonnée en 1883, car peu compétitive avec les produits pétroliers qu’une nouvelle ligne ferroviaire achemine de Bakou. La presqu’île d’Apchéron reste en effet la seule grande région pétrolière durant toute la première moitié du 19ème siècle avec une production croissant de 18 000 barils en 1813 à 28 800 en 1825 et 42 355 en 1834. Même après son déclin au cours de la décennie suivante (136 puits produisent 27 620 barils en 1842), elle continue de fournir 90 % de la production russe. Par la suite, elle conservera sa prééminence, y compris lorsque les compagnies étrangères s’intéresseront à la Russie après l’abolition du tax-farming system en 1872.

Ce dernier, qui faisait de l’entrepreneur un simple prestataire de services, mal rémunéré, de l’administration tsariste, a été jugé par nombre d’observateurs avertis comme le principal verrou à la formation et au développement d’une industrie pétrolière russe. Il lui a été notamment reproché d’avoir paralysé toute avancée technique dans un pays où les méthodes d’extraction étaient des plus frustes. Les paysans creusaient de larges puits, peu profonds, du fond desquels ils remontaient, en baquets de cuir ou en seaux de bois, l’huile suintant des parois. Au cours des premières décennies du 19ème siècle, quelques progrès étaient venus, ici et là, de la pose d’une armature permettant de réduire la circonférence des puits ; de dispositifs sommaires d’aération susceptibles d’allonger le temps de travail au fond des puits ; de la construction de canalisations alimentant de petits réservoirs. Mais, d’autres innovations plus radicales, telles que le pompage ou le transport maritime du pétrole sur la Caspienne, avaient été rejetées car jugées trop coûteuses par l’administration qui gardait la haute main sur l’exploitation pétrolière. Il faudra attendre la fin des années 1860 pour que le forage commence à remplacer le creusement manuel de puits.

Fig. 7 : L'exploitation du pétrole dans le Caucase – Source : Bakoufr.wordpress.com

Côté raffinage, les premiers essais semblent remonter à la transformation en 1724 d’un pétrole noir (rock oil), extrait du gisement d’Ukhta, en un produit jaune clair plus inflammable. La technique progresse ensuite mais à pas très lents. En 1823, dans le Caucase du nord, une distillation sommaire débouche sur une huile claire se rapprochant du kérosène. Peu après, en 1834, sur la péninsule d’Apchéron la distillation de pétrole léger (Surakhani) et lourd (Balakhani) donne un dérivé plus léger capable de brûler sans produire de suie [26]. Cependant, victime de corrosion, l’installation ne vivra que peu de temps, mais elle sera remplacée en 1859 par la très moderne raffinerie du Transcaspian Trading Partnership. En 1838, la première usine produisant de l’asphalte, peu à peu utilisé pour le goudronnage des chaussées, est construite en Crimée où sera aussi installée en 1869 la raffinerie de Phanagoria capable de produire plus de 60 000 barils de kérosène.

À cette date, l’industrie pétrolière en Russie prend un nouveau cours (Tableau 4). L’abolition du tax-farming system autorise tout entrepreneur, qu’elle que soit sa nationalité, à soumissionner dans le cadre de mises aux enchères de périmètres d’exploration ou production. Dès 1872, une dizaine obtiennent des lots d’une centaine d’acres chacun. De 17 en 1873, le nombre de forages saute à 50 en 1874. Dans la grande fièvre pétrolière qui suit la production russe de brut est multipliée par quatre entre 1873 et 1877 tandis que les 80 raffineries entourant Bakou en 1873 le sont par trois si bien qu’une « continuous rain of black soot impregnated the soil, all buildings and even darkened the southern sun » [27].

Tableau 4 : Évolution de la production et des exportations de pétrole 1860-1915
Années / 1 000t
Production
Exportation
1860
4
1865
9
1870
33
1875
153
1880
382
1885
1 966
177
1890
3 864
788
1895
6 935
1 059
1900
10 684
1 442
1905
8 310
945
1910
11 283
859
1915
9 442
78
 Source. B.R. Mitchell. Historical, op. cit, pp. 195-196 et 241-242.

 

Derrière le bond de production et le démarrage des exportations, l’arrivée des frères Nobel qui, venus à Bakou pour acheter du bois caucasien, acquièrent une petite raffinerie avant d’en construire une très grande, achètent des terrains se prêtant au forage, installent des tuyaux entre les champs de production et de raffinage, font naviguer les premiers navires-citernes entre Bakou et Astrakhan, tirent une ligne ferroviaire entre Caspienne et mer Noire. Résultat : en 1885, la production russe, dont 40 % est contrôlée par les Nobel, atteint les deux tiers de la production étasunienne [28]. Ces succès ne passent pas inaperçus aux yeux d’Alphonse de Rothschild qui fonde en 1886 la Compagnie Pétrolière de la Caspienne et de la mer Noire, plus tournée vers l’exportation que vers le marché russe. La production fait un nouveau bond, elle dépasse celle des États-Unis en 1887 et menace directement les marchés de la Standard Oil, en Europe et même en Extrême-Orient où arrivent, via le canal de Suez, les tankers construits par Marcus Samuel, allié des Rothschild [29]. Cette marche triomphale est interrompue par les graves troubles sociaux de 1905, le massacre des Arméniens, la mise à feu des réservoirs d’Apchéron et les sabotages qui ne cesseront plus jusqu’à la révolution de 1917.

 

6. Un développement énergétique retardé

Au tournant du siècle, forte d’une croissance démographique, économique et énergétique plus rapide que celle de l’Europe occidentale, la Russie est en train de résorber le retard pris au long du 19ème siècle. Une illustration de ce dernier est donnée par la situation de l’éclairage urbain de Moscou et de Saint Pétersbourg confié, au début des années 1860, à la Mineral Lighting Company qui le réalise en important du kérosène étasunien alors même que le pétrole de la mer Caspienne est exploité depuis plusieurs siècles et que les savants russes se sont intéressés de longue date aux ressources fossiles ! Parmi eux, le célèbre chimiste Mikhaïl Lomonossov qui avait, dès 1763, défendu la thèse, jamais totalement écartée depuis, selon laquelle le pétrole provenait d’une distillation du charbon sous l’effet de la chaleur souterraine. Mais aussi le non moins célèbre chimiste Dmitry Mendeleyev qui avait conseillé de remplacer le creusement de puits par des forages, ce que le Vice-Roi du Caucase avait interdit de faire en 1865, soit six ans après leur mise en pratique aux États-Unis.

Pourquoi ce peu de succès des Russes dans l’exploitation de leurs sources modernes d’énergie ? Le retard industriel de la grande industrie est certainement à l’origine des faiblesses de l’intégration verticale amont à partir des industries grosses consommatrices de charbon minéral comme la sidérurgie. Grand admirateur de l’industrialisation soviétique, Tibor Mende juge que l’Empire russe, à la fin du 19ème du siècle, se trouve dans une situation comparable à celle de l’Inde de 1950 : agriculture primitive ; transports déficients, ; importations de la plupart des biens de consommation en échange de céréales et de métaux précieux [30]. Ce retard n’est évidemment pas sans liens avec la structure sociale d’un pays qui a toléré le servage jusqu’en 1862. Les premiers développements industriels s’inscrivaient dans un système social resté largement féodal. « Ce sont des féodaux qui occupent le sommet de la pyramide sociale russe, position qu’ils partagent avec les militaires et les bureaucrates et dont les milieux capitalistes encore relativement faibles commencent seulement à leur contester la jouissance » [31].

Pendant que les immigrants européens construisent une nouvelle société outre-Atlantique, la Russie reste prisonnière de structures sociales figées, peu favorables à un véritable développement industriel. Parmi les causes de ce blocage, David Landes met en avant le difficile apprentissage des questions de propriété par voie d’accord plutôt que par la force dans un pays « où le seigneur jouissait d’une telle autorité sur la population qu’à tout propos et sans que rien ne le réfrénât, il infligeait de mauvais traitements aux habitants libres, sans parler des serfs qui ne l’étaient point ». En outre, la structure sociale, écartelée entre une petite aristocratie terrienne et une grande masse de paysans, était peu propice à la formation d’un marché intérieur supposant un grand nombre d’habitants en état de consommer [32].

 


Notes et références

[1] Un excellent exemple est donné par Goodrich Lauren and Lantheman Marc (2013). The Past, Present and Future of Russian Energy Strategy. Stratford Global Intelligence, February 12, Internet. Les auteurs réduisent l’histoire de l’énergie en Russie à l’appel fait par la monarchie aux compagnies étrangères en vue de mettre en valeur les gisements pétroliers de Bakou et de la Volga.

[2] Pipes Richard (1995). Histoire de la Russie des tsars. Paris : Perrin. 460 p. (publié aux États-Unis en 1974)

[3] Pour la Russie, la principale source d’information sur ce sujet est l’ouvrage en langue russe de Probst A.E. (1939). Problems on geographical distribution of the fuel economy of the USSR. Academy of Sciences. C’est sur elle que s’appuie Palmer Putnam pour estimer à 16 MBtu soit  0,4 tep la consommation moyenne de bois par habitant entre 1860 et 1915. Voir Putnam Palmer (1953). Energy in the future. Princeton : D. Van Nostrand Co. 556 p. (pp. 421-438)

Consulté en mars 1987, Paul Bairoch nous avait  indiqué qu’il retenait un volume beaucoup plus élevé de 0,65 tep englobant les consommations artisanales et industrielles. C’est cette estimation que nous avons retenue ainsi  que de nouvelles évaluations de la population sensiblement plus élevées que celles retenues par Palmer Putnam pour calculer les consommations de bois.

[4] L’affranchissement des serfs par Alexandre II en 1861 n’a pas transformé la société et l’économie russe du jour au lendemain, mais la plupart des historiens en font un clivage essentiel de l’histoire politique et économique russe. Waldron Peter (2011). La Russie des tsars.  Geo Prisma Press, 144 p. (p. 34 et 81)

[5] « Conçu plutôt pour les besoins de l’administration que pour la circulation des marchandises, le réseau routier comprenait beaucoup moins de chaussées construites en dur que de pistes transformées en fondrières une bonne partie de l’année ; utilisables à la belle saison, les voies navigables obligeaient à de longs détours et à de fréquents transbordements car on n’avait creusé de canaux qu’entre la capitale et le lac Ladoga. Mais le commerce s’en accommodait tant bien que mal : l’hiver, les traineaux glissaient sur les chemins les plus médiocres et, après la débâcle, les cargaisons descendaient ou, quand la chose était possible, remontaient le cours des rivières ». Van Regemorter J.L. (1971). Le déclin du servage. Histoire de la Russie sous la direction de R. Portal. Paris : Hatier. 217 p. (p. 31). Et Richard Pipes (Histoire de la Russie, op. cit, p. 33) d’ajouter : « Sans ces voies d’eau, la vie en Russie aurait certainement eu du mal à dépasser le stade de la survie jusqu’à l’arrivée du chemin de fer ».

[6] Putnam Palmer. Energy, op. cit, p. 433

[7] Roger Portal (1960) fait remonter à des périodes encore plus anciennes les racines de l’industrie russe. En dépit de l’arrêt brutal que provoqua au 13ème siècle la conquête mongole les régions comprises entre la Baltique et la Mer Noire avaient commencé leur long chemin vers le progrès au 9ème et 10ème siècle sous la forme d’un artisanat actif et de bourgs jalonnant les voies fluviales par lesquelles circulaient les marchandises, Kiev ayant connu à cette époque une civilisation brillante n’ayant rien à envier à celle des Capétiens. La Russie industrielle de 1880 à 1914. Paris : CDU.

[8] Pascal Pierre (1949). Histoire de la Russie. Paris : PUF, 128 p.

[9] Barel Yves (1968). Le développement économique de la Russie tsariste. Paris : Mouton. 272 p. Ce dernier (p. 253) retient 260 fabriques en 1770, 2 402 en 1804, et 14 328 en 1860, tout en prévenant que ce nombre varie d’un auteur à l’autre.

[10] Au 14ème siècle, « il est possible d’avoir de la terre, mais à condition de déforester. Comme l’agriculture russe est encore une agriculture semi-nomade sur brûlis et qu’il faut nettoyer beaucoup plus de sol qu’on n’en utilise, le défrichement représente une énorme dépense de ressources et de travail qui n’est guère possible que dans le cadre de la commune ». Barel Yves. Le développement, op. cit, pp. 87-88

[11] Devèze Michel. Contribution à l’histoire de la forêt russe. Cahiers du monde russe et soviétique, 1964, vol. 5, n°3 et 5, pp. 302-319 et 461-478

[12] Rostow W.W. (1963). Les étapes de la croissance économique. Paris : Le Seuil, 252 p, (p. 150) ou Bairoch Paul (1963). Révolution industrielle et sous-développement. Paris : SEDES, 360 p. (p. 43)

[13] Philippot Robert (1974). La modernisation inachevée 1855-1900. Histoire de la Russie sous la direction de R. Portal. Paris : Hatier. 224 p. (p.145)

[14] On trouve une histoire de cette construction dans Cameron Rondo (1971). La France et le développement économique de l’Europe 1800/1914. Paris : Le Seuil, 428 p, (pp. 227-233). On peut voir aussi  Gerschenkron Alexandre (1962). Economic backwarness in historical perspective. Cambridge : Harvard University Press.

[15] Barel Yves. Le développement, op. cit, p. 182

[16] Rowley Anthony (1982). Evolution économique de la Russie du milieu du 19ème siècle à 1914. Paris : Société d’Edition d’Enseignement Supérieur. 329 p. (p. 26)

[17] « La vieille industrie du fer de l’Oural était tristement connue pour son arriération », écrit David Landes, selon qui ce sont John Hughes, dans les années 1870, puis les injections massives de finance et de hardiesse, belge et française qui sont à l’origine de la métallurgie russe de la fin du 19ème siècle. L’Europe technicienne, op. cit, p. 736

[18] En évoquant, cette impulsion étatique, Martin Malia précise « ce modèle de la révolution imposée par le haut pour combler le retard russe face au défi occidental allait être conservé jusqu’à la fin du tsarisme en 1917 ». Malia Martin (1995). La tragédie soviétique. Histoire du socialisme en Russie 1917-1991. Paris : Editions du Seuil. 686 p. (p. 92). Sur le même sujet, Yves Barel (Le développement, op. cit, p. 198) précise « que le rôle du Gouvernement a été essentiel : l’accord sur ce point est unanime de Gerschenkron aux marxistes en passant par les populistes ».

[19] Waldron Peter. La Russie, op. cit, p. 89

[20] Ces données sont tirées d’un ouvrage de G. Baboulev, en langue russe. Elles nous ont été communiquées par Irène Diakonova, historienne des questions de l’énergie dans la Russie tsariste. Nous l’en remercions très vivement.

[21] Foreman-Peck James (1986). A history of the world economy. International economic relations since 1850. Brighton : Wheatsheaf. 394 p. (p. 51)

[22] Cameron Rondo. La France, op. cit, p. 105

[23] George Pierre (1947). URSS Haute Asie-Iran. Paris : PUF, 534 p. (p. 310)

[24] Soudoplatov A (1958). L’industrie houillère de l’URSS. Moscou : Editions en langues étrangères. 161 p.

L’auteur donne des volumes de production sensiblement inférieurs à ceux retenus ici (121 000 t en 1860 et 29 Mt, dont 25,3 dans le Donbass, en 1913). Il défend la thèse d’un rapide développement de l’industrie houillère « après la Grande Révolution socialiste d’Octobre » (p. 8)

[25] Les développements historiques qui suivent sont, pour l’essentiel, tirés de Alekperov Vagit (2011). Oil of Russia. Past, Present and Future. Minneapolis : East View Press. 271 p.

[26] On trouvera une description complète de cette installation et de ses résultats in Alekperov Vagit. Oil of Russia, op. cit, p. 27

[27] Alekperov Vagit. Oil, op. cit, p. 46

[28] Sur cette histoire bien connue, on peut se reporter à Sédillot René (1974). Histoire du pétrole. Paris : Fayard, 362 p, (pp. 94-95) ou à Dalemont Etienne et Carrié Jean (1993). Histoire du pétrole. Paris : PUF, 128 p, (pp. 18-19)

[29] « Mais vers 1890, le monopole mondial de la Standard avait commencé de s’effondrer. Le groupe Nobel russo-suédois mettaient en valeur les riches gisements caucasiens qui portèrent même la Russie à la tête de la production mondiale entre 1898 et 1901. Les Rothschild, tout en servant les finances tsaristes, se servaient eux-mêmes sur les pétroles de Bakou. Ils n’aimaient pas Rockefeller : c’est eux qui en 1898 permirent à la jeune Royal Dutch d’échapper à son étreinte ». O’Connor Harvey (1958). L’empire du pétrole. Paris : Seuil. 253 p. (p. 165)

[30] Mende Tibor (1954). Regards sur l’histoire de demain. Les nouveaux centres de gravité du monde. Paris : Seuil. 172 p. (p. 84)

[31] Sternberg Fritz (1951). Le conflit du siècle. Paris : Seuil. 670 p. (p. 138)

[32] Landes David (1975). L’Europe technicienne. Révolution technique et libre essor industriel en Europe occidentale de 1750 à nos jours. Paris : Gallimard. 779 p. (pp. 31 et 73)

 


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