L’hydrogène

L’hydrogène : un gaz dangereux pour qui garde en mémoire l’explosion de l’Hindenburg ou combustible et carburant d’une société en voie de développement durable ? En rappelant son histoire, puis en passant en revue ses techniques de production, transport, stockage et utilisation, Thierry Alleau aide à sortir de ce dilemme.


L’hydrogène[1] est utilisé dans l’industrie depuis plus de deux siècles pour ses propriétés chimiques, sans poser de problèmes particuliers, notamment en termes de sécurité. Mais une situation mondiale nouvelle apparait, provoquée par l’épuisement des ressources fossiles et par la nécessité de combattre les changements climatiques. Elle fait progressivement prendre conscience aux gouvernements de tous les pays, ainsi qu’au public, que la mise en place d’un nouveau paradigme énergétique s’impose (Lire : La transition énergétique, un enjeu major pour la planète et Prospective énergétique France 2050 : le scénario de l’ANCRE).

Parmi les briques de ce nouvel édifice, l’hydrogène apparait … mais effraie certains ! La diffusion d’une meilleure connaissance de ce gaz apparait donc nécessaire. Elle permettra d’en mesurer les qualités et d’apprendre à maitriser les risques qui y sont associés. Elle aboutira ainsi à une acceptabilité sociale appropriée.

 

1. Histoire

Fig. 1 : Antoine Lavoisier (1743-1794 ) - Source : Jacques-Louis David [Public domain], via Wikimedia Commons

L’histoire de l’hydrogène remonte au début du 16ème siècle quand l’alchimiste suisse Paracelse étudia l’action du vitriol, en fait de l’acide sulfurique, sur des copeaux de fer. Il nota seulement qu’il fut intrigué par ce gaz inodore qui s’en dégageait. Il faut ensuite attendre le milieu du 18ème siècle pour que le chimiste britannique Henry Cavendish reprenne les travaux de Paracelse, et que le chimiste suisse Théodore Turquet de Mayerne, en 1703, mette en évidence l’inflammabilité de ce gaz baptisé « air inflammable ». Ces travaux furent ensuite poursuivis par de nombreux chimistes, dont le français Lavoisier. Il en résulta une communication à l’Académie des Sciences en 1783 ; c’est alors qu’il fut appelé gaz hydrogène, ce qui signifie ; gaz qui produit de l’eau (Figure 1).

L’une de ses premières applications fut son emploi, à partir de 1782, par les frères Montgolfier comme gaz de remplissage de ballons, puis par Jacques Charles qui fit de ce type de ballon -la montgolfière- un observatoire militaire décisif pendant la bataille de Fleurus contre l’armée autrichienne, en 1794.

Dès le début du 19ème siècle, l’hydrogène pénétra de nombreux secteurs industriels, comme la chimie, la pétrochimie et la fabrication des engrais … et même un peu plus tard, en 1874, dans la littérature avec Jules Verne qui fut très séduit par ses propriétés (L’Île mystérieuse). Dans le même temps, l’hydrogène commença à être utilisé dans le domaine énergétique pour l’éclairage public et les applications domestiques (le gaz de ville étant un mélange d’hydrogène et de monoxyde de carbone dans des proportions voisines de 50-50%) dans de nombreux pays, dont la France jusqu’en 1971, avant d’être progressivement remplacé par le gaz naturel (Lire : Gaz Électricité de Grenoble, un acteur local porteur d’innovation énergétique).

Depuis, l’hydrogène est de plus en plus utilisé dans divers secteurs industriels, tant pour ses propriétés chimiques que pour ses performances énergétiques.

 

2. Caractéristiques

Les caractéristiques principales de l’hydrogène sont résumées dans le tableau ci-après.

PROPRIÉTÉ
VALEUR NUMÉRIQUE
PCI (Pouvoir calorifique inférieur)
10 800 kJ/Nm3 – 119 930 kJ/kg
3.00 kWh/Nm3 – 33.33 kWh/kg
PCS (Pouvoir calorifique supérieur qui inclut l’énergie de la vapeur d’eau)
12 770 kJ/Nm3 – 141 860 kJ/kg
3.55 kWh/Nm3 – 39.41 kWh/kg
Densité gazeuse à 20,3K
1.34 kg/m3
Densité gazeuse à 273K
0.08988 kg/Nm3
Densité liquide à 20.3K
70.79 kg/m3
Energie théorique de liquéfaction
14 112 J/g (3.92kWh/kg)
Température d’auto inflammation dans l’air
858K
Température de flamme dans l’air à 300K
2 318K
Limites d’inflammabilité dans l’air (vol %)
4-75
Limites de détonation dans l’air (vol %)
13-65
Vitesse de détonation dans l’air
2.0 km/s
Mélange stœchiométrique dans l’air (vol)
29.53%

Ces caractéristiques sont une expression des qualités et des défauts de l’hydrogène.

Qualités :

  • le plus énergétique des combustibles par unité de masse (2,2 fois celle du gaz naturel)
  • ni toxique, ni polluant,
  • le plus léger des gaz, ce qui est un facteur déterminant pour la sûreté et la sécurité d’une installation (vitesse de diffusion quatre fois celle du gaz naturel),
  • ses limites de détonation dans l’air couvrent un domaine étroit ce qui est un élément positif de sécurité dans un volume ouvert, puisque couplé à une grande vitesse de diffusion, les conditions de concentration pour une détonation sont très difficiles, voire quasi-impossibles, à obtenir.

Fig. 2 : L'accident de l'Hindenburg - Source : Sam Shere (1905–1982) [Public domain], via Wikimedia Commons

Défauts :

  • il est très abondant sur terre sous forme atomique (associé à l’oxygène et au carbone le plus souvent) mais très rare sous forme moléculaire H2, il faut donc le fabriquer,
  • sa densité énergétique volumique est faible (sept fois plus faible que celle du gaz naturel), ce qui pose des problèmes pour son stockage,
  • il est inodore et incolore, ce qui ne facilite pas sa détection naturelle,
  • il brûle avec une flamme invisible, ce qui est un facteur de risque supplémentaire,
  • enfin il a une mauvaise image, injustifiée, dans le public depuis notamment l’accident de l’Hindenburg en 1937 et la bombe H (Figure 2).

 

3. Production

Puisque la molécule H2 n’est pas disponible à l’état naturel, il faut donc la produire en extrayant l’atome H de composés qui en contiennent, c’est à dire essentiellement l’eau, les combustibles fossiles et les espèces biologiques.

3.1. Production à partir d’eau

La récupération d’hydrogène à partir de la molécule (H2O) peut se faire de diverses manières (chaleur, thermochimie, bio photosynthèse ou autres) mais la plus courante et la plus séduisante actuellement est l’électrolyse. Cette opération s’effectue au sein d’une cellule à deux électrodes reliées à une source électrique et séparées par un électrolyte conducteur ionique. Plusieurs technologies ont été développées. Elles conduisent toutes au même résultat, c’est à dire la production d’hydrogène H2 et d’oxygène O2. Selon leur type, la nature de l’électrolyte diffère.

  • Électrolyte liquide alcalin, conducteur d’ion OH, qui fonctionne vers 70-80°C. Son rendement, pour les grosses unités, atteint 75%. C’est la technologie la plus ancienne et la plus répandue. Ses avantages sont la maturité de la technologie, et donc la fiabilité, et son coût. Son inconvénient est de ne pas bien supporter les variations importantes de l’alimentation électrique ce qui ne favorise pas son couplage à une source dite renouvelable, type éolien ou photovoltaïque, donc très variable dans le temps. À titre d’exemple, c’est la technologie utilisée dans les sous-marins nucléaires français pour fabriquer l’oxygène nécessaire à la vie à bord.
  • Électrolyte solide acide perfluoré, conducteur d’ion H+, qui fonctionne vers 70°C et qui est dite « électrolyse PEM », Proton Exchange Membrane. Cette technologie est plus récente et elle est directement dérivée du développement des piles à combustible de type PEM, dont elle profite. Son avantage est d’être tout solide, d’avoir de meilleurs rendements (on arrive à 85%) et de bien supporter les variations importantes d’alimentation électrique, ce qui la rend bien adaptée au couplage avec les énergies renouvelables. Son inconvénient est de nécessiter des catalyseurs précieux aux électrodes, ce qui renchérit son coût (Lire : Les piles à combustible).
  • Électrolyte solide acide céramique, conducteur d’ion O2-, qui fonctionne vers 800°C  et qui est dite EHT « Électrolyse Haute Température ». Cette technologie est la plus récente et elle profite des développements des piles à combustible de type SOFC. Elle est en cours de développement et ses performances attendues sont séduisantes pour les applications en régime continu, par exemple pour des sources de chaleur nucléaires, de génération IV, ou solaires à concentration, avec des espoirs de coût assez bas du fait de l’absence de catalyseur précieux aux électrodes. Les rendements attendus sont de l’ordre de 80%.

3.2. Production à partir de combustibles carbonés, fossiles ou biologiques

Le combustible le plus utilisé pour cette fonction est le gaz naturel CH4 que l’on fait réagir à haute température (850 à 950°C), sous pression (25 bars) et en présence d’un catalyseur, avec de l’eau dans deux réactions successives, appelées reformage à la vapeur d’eau, procédé le plus répandu[2] :

CH4 + H2O → CO + 3 H2

CO + H2O → CO2 + H2

Le rendement (calculé sur le PCI) varie de 65 à 80% selon la taille du reformer. D’autres technologies sont en voie de maturation (Lire : La production d’hydrogène « vert » et Stockage d’énergies renouvelables sous forme d’hydrogène pour sites isolés).

En 2017, la consommation mondiale d’hydrogène a été de l’ordre de 660 milliards de Nm3/an, ou 60 Mt/an, dont 15% en Europe.

 

4. Transport, stockage et distribution

Il s’agit de trois maillons essentiels de la filière entre production et utilisations.

4.1. Transport

Une fois fabriqué, l’hydrogène doit être transporté jusqu’au au site de stockage et/ou d’utilisation. Les modes de transport possibles dépendent de la distance, de la géographie du trajet, de la nature du destinataire, occasionnel ou permanent, et des quantités à délivrer. Ils sont les suivants:

  • le transport maritime pour lequel on utilise la forme cryogénique, essentiellement pour des raisons d’encombrement : l’Australie, par exemple, a décidé, début 2014, d’exporter ainsi une partie de sa production ;
  • le transport routier, aussi bien pour la forme cryogénique que pour la forme gaz comprimé ; ce transport, le plus utilisé, se fait actuellement en bouteilles acier sous 200 bars mais la technologie en bouteilles composites, beaucoup plus légère, est en train d’être mise en place pour un transport sous 400 bars, ce qui augmente la capacité par camion et donc diminue sensiblement le prix de ce transport ;
  • le transport par gazoducs ; ce mode est ancien puisqu’il a été mis en œuvre, pour la première fois, en 1938 par les allemands dans la Ruhr pour alimenter des sites industriels. Aujourd’hui, le réseau de l’Europe de l’Ouest mesure 1 600 km ; il est exploité essentiellement par Air Liquide. D’autres réseaux du même type existent sur d’autres continents.

4.2. Stockage

Fig. 3 : De l'hydrogène stocké en galettes par McPhy Energy - Source : McPhy Energy

La technologie retenue pour le stockage dépend essentiellement de la masse de gaz considérée.

  • pour les masses importantes, typiquement plusieurs centaines de milliers de m3, la solution la plus réaliste, sur les plans technologique et économique, consiste à utiliser des cavités souterraines naturelles (dômes de sel) ; c’est la conclusion à laquelle est parvenu le projet européen HyUnder, en septembre 2014 ; des expérimentations ont déjà été effectuées, qui confirment la validité technique (étanchéité, corrosion) et économique de cette solution ;
  • pour les masses moyennes (50 à 500 kg), mises en œuvre dans une station-service ou chez un industriel, on utilise les containers en acier sous 100 à 200 bars; ce mode est très utilisé et est couvert par toutes les normes et réglementations voulues ; une autre solution est en cours de développement, essentiellement par la PME française McPhy Energy, qui met en œuvre l’absorption d’hydrogène par des hydrures métalliques ; un de ses avantages réside dans la faible pression de stockage, de l’ordre de 20 bars, facteur d’économie et de sécurité (Figure 3) ;
  • pour les petites masses, typiquement autour de 5 kg pour les véhicules à pile à combustible, la solution actuellement adoptée par tous les constructeurs automobiles est le réservoir composite[3] sous 700 bars ;
  • pour les toutes petites masses (typiquement pour des alimentations d’appareils nomades à pile à combustible), les technologies actuellement retenues sont la capsule contenant un sel, par exemple le borohydrure de sodium, qui produit de l’hydrogène en présence d’une source d’eau, ou une bouteille aérosol légère ; cette solution a été adoptée par la PME française PaxiTech.

4.3. Distribution

La distribution se résume essentiellement à la station-service pour véhicules à pile à combustible, c’est-à-dire à la fourniture d’hydrogène gazeux sous 350 ou 700 bars. La technologie est aujourd’hui bien maitrisée : fin 2013, plus de 180 stations (dont environ 80 publiques) sont opérationnelles dans le monde, fonctionnent en toute sécurité et permettent un plein d’hydrogène, 5 kg généralement, en moins de 5 minutes. L’hydrogène y est soit fabriqué sur place via une énergie renouvelable par électrolyse, ou via un reformer alimenté en gaz, naturel ou issu de la biomasse, soit amené par camion, sous forme pressurisée ou liquide. Début 2018, 20 stations, dont la moitié publiques, ont été ouvertes en France. Ce nombre devrait doubler d’ici 2020. Les deux réalisateurs français de stations sont Total et Air Liquide, qui en ont installées quelques dizaines dans le monde.

 

5. Coûts

Fig. 4 : Les voitures à hydrogène se diffusent - Source : Bexim [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], via Wikimedia Commons

Il existe un coût accessible et connu pour l’hydrogène marchand fourni par les industriels qui le commercialisent (Air Liquide, Air Products, Linde ou autres). Il est le plus souvent fabriqué par reformage de gaz naturel, donc très dépendant du prix de marché du gaz, dont l’éventail varie d’un facteur 5 selon les pays ! En prenant une valeur moyenne de 10$/GJ, on arrive à un coût approximatif de 15$/GJ sortie unité de reformage, soit encore 1,5€/kg.

Si on s’intéresse à la mobilité propre, c’est-à-dire à un véhicule à pile à combustible alimentée avec un hydrogène-énergie produit par une source renouvelable, via une électrolyse, le coût à la source atteint et/ou dépasse le double (>30$/GJ) si on part d’une électricité nucléaire et le triple ou plus si l’électricité est fournie par une source renouvelable, c’est à dire près de 5€/kg. Si on y ajoute les frais de transport et distribution, ce prix peut encore doubler. À titre d’exemple, les stations-service publiques allemandes fournissent l’hydrogène à 10€/kg. Ce prix peut être comparé à celui de l’essence, frappée en France par la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP) à 1,5€/litre. Pour la même distance parcourue, par exemple 600 km, il faudra 5 kg d’hydrogène, soit 50€, et 60 litres d’essence, soit 90€ …. aussi longtemps que l’hydrogène ne sera pas soumis à la TIPP ! (Figure 4)

 

6. Utilisations

L’hydrogène est un gaz polyvalent utilisé soit comme produit chimique (c’était, il y a encore quelques années quasiment la seule utilisation), soit comme vecteur d’énergie. Les domaines couverts sont sommairement détaillés ci-après :

  • l’industrie chimique : l’application la plus importante est la fabrication de l’ammoniac (NH3), base de la fabrication des engrais ; viennent ensuite les fabrications des amines, du méthanol, de l’eau oxygénée et autres produits ;
  • l’industrie pétrochimique : elle en consomme beaucoup ; la plupart des raffineries sont équipées de systèmes de production d’hydrogène quand la production in-situ ne suffit pas ; cet hydrogène est nécessaire dans les opérations d’hydrocracking, hydrotraitement, désulfuration ou allègement d’hydrocarbures lourds ;
  • les secteurs de l’énergie : ce sont les nouveaux domaines en cours de développement qui sont soutenus par les contraintes de changement climatique (diminution des émissions de gaz à effet de serre) et de raréfaction inéluctable des ressources fossiles, donc de développement des ressources renouvelables. Il s’agit principalement de :
    • l’alimentation de piles à combustible pour les transports propres du futur aussi bien dans les secteurs terrestres que marins et aériens (Lire : Des véhicules hybrides à hydrogène et Les sources d’énergie pour l’automobile du futur : les développements en cours),
    • l’alimentation de nomades et de générateurs stationnaires via une pile à combustible,
    • le stockage des énergies renouvelables sous forme d’hydrogène, après une électrolyse, ensuite réinjecté dans le réseau de gaz naturel : des expérimentations ont démarré dans plusieurs pays, dont la France dans le cadre du projet national GRHYD[4], et l’Allemagne, en particulier,
    • l’alimentation de fusées (Ariane et autres projets similaires).

 

7. Risques, normes et réglementation

L’acceptabilité sociale des risques liés à la filière hydrogène, tout au long de son cycle, est une condition fondamentale pour l’ouverture de ce que certains nomment déjà l’économie hydrogène. L’hydrogène a une mauvaise réputation, en particulier en France. Elle trouve son origine dans la formation scolaire : chacun se souvient du professeur qui déclenche une explosion au moyen de deux éprouvettes remplies d’oxygène et d’hydrogène, en cours de chimie ! Mais aussi dans l’histoire des transports : le dirigeable Hindenburg qui brûle en 1937 ce qui coûte la vie de 37 personnes sur la centaine transportée.

Les mêmes oublient cependant que le gaz de ville, en France, était constitué de 50% d’hydrogène jusqu’en 1970 sans provoquer  plus d’accidents, voire moins, que  le gaz naturel aujourd’hui ! Depuis le début des années 1990, les nombreuses démonstrations dans le monde qui mettent en œuvre l’hydrogène n’ont jamais connu d’accident grave. Mais il est normal que le public, généralement peu ou pas informé, n’accorde pas une confiance aveugle à une technologie nouvelle pour lui. Il est donc nécessaire de le rassurer en lui montrant l’existence de normes et règlements, établis par des organismes officiels et reconnus par tous les pays industrialisés. C’est ainsi que des normes et réglementations sont établies depuis plusieurs années par des comités de l’International Standard Organization (ISO) et l’International Electrotechnical Commission (IEC). Elles couvrent déjà la grande majorité des structures de la chaine hydrogène et ses applications, en contrôlant toutes les conditions de mise en œuvre et d’utilisation.

 

8. Les politiques internationales

Tous les pays industrialisés, sans exception, ont inscrit, à ce jour, l’hydrogène dans leurs schémas de développement durable. Certains y consacrent plus de moyens que d’autres, tant pour des raisons politiques, qu’économiques ou sociales. En tête des pays les plus actifs on trouve le Japon, la Corée du Sud, la Chine, les États-Unis, et certains pays d’Europe, comme l’Allemagne en particulier.

Pour ce qui concerne la France, la recherche et développement (R&D) a commencé assez tôt, au début des années 1960, dans des organismes publics ou parapublics comme le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Institut français du pétrole (IFP) et chez des industriels tels que Gaz de France, Alsthom, Thomson, Compagnie générale d’électricité (CGE) sur leurs financements propres et via les aides de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (DGRST). Elles ont ensuite subi une baisse d’intérêt, pour redémarrer à partir de 1990 :

  • avec le programme national Véhicule propre et économe (VPE), décidé en 1990 par les pouvoirs publics et les constructeurs automobiles PSA et Renault puis mis en œuvre par le CEA, le CNRS et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME),
  • sur appels à projets de l’Agence nationale de la recherche (ANR),
  • avec les aides européennes dans le cadre du programme Fuel Cells and Hydrogen Joint Technology Initiative (FCH-JU),
  • ainsi que les investissements propres d’organismes de recherche comme le CEA ou d’industriels de l’énergie tels qu’Areva, Total et Air Liquide,
  • avec des projets cofinancés par les pouvoirs publics via l’Ademe et le ministère de l’Industrie dans le cadre des investissements d’avenir, suite au lancement d’appels à manifestations d’intérêt (AMI) depuis 2012.

En juin 2018, le ministre Nicolas Hulot a présenté un plan Hydrogène, assorti d’un crédit de 100 millions d’euros, destiné à impulser la construction d’électrolyseurs et à déployer une flotte de 5 000 véhicules légers, plus 200 lourds, à horizon 2023. À cet horizon, la part de l’hydrogène décarboné devra atteindre 10% avant de passer à 20-40% en 2028.

Au total, ce sont plus de 50 milliards d’euros qui ont déjà été dépensés, dans le monde, par l’ensemble des acteurs depuis le véritable démarrage de ces activités au début des années 1960.

 

9. Quelques programmes de recherche

Les applications de l’hydrogène sont multiples et trop nombreuses pour être détaillées ici. Néanmoins, il faut citer les deux programmes-phare qui ont déjà permis la fabrication et la commercialisation de dizaines de milliers de systèmes à hydrogène :

  • les cogénérateurs chaleur-électricité à pile à combustible à hydrogène déployés au Japon depuis 2010 dans le cadre du programme Ene-Farm : plus de 50 000 foyers en étaient déjà équipés début 2014 ;
  • les centaines de véhicules légers et bus à pile à combustible qui circulaient début 2014 dans plusieurs pays comme le Japon (avec Toyota et Nissan), la Corée du Sud (avec Hyundai), l’Allemagne (avec Daimler) et les États-Unis (avec Ford et General Motors) principalement.

 

10. Conclusions

Ce que l’américain  Jeremy Rifkin avait évoqué dès le début de ce siècle concernant la troisième révolution industrielle et ses cinq piliers, dont l’hydrogène, se réalise tous les jours davantage. Il n’était certes pas le premier à avoir vanté les mérites de ce vecteur d’énergie, mais de par son rôle de conseiller convaincant auprès des gouvernements de nombreux pays, initialement sceptiques, il a sans nul doute apporté une pierre décisive à cette nouvelle construction et largement contribué à l’essor que l’on constate cette dernière décennie. Si l’hydrogène provoquait encore au début de ce siècle un réflexe de peur, fruit de l’ignorance plutôt que d’expériences dramatiques, les nombreuses expériences, qui jalonnent maintenant son parcours, contribuent à une meilleure connaissance qui rassure progressivement le public. On peut prédire, sans trop se tromper, que l’hydrogène deviendra l’un des principaux vecteurs d’énergie avant la seconde moitié de ce siècle.


Notes et références

[1] Cet article n’est pas, en fait, associée à l’atome d’hydrogène H mais à sa molécule H2, appelée scientifiquement dihydrogène. Par déformation -mais par erreur- on réduit l’appellation à « Hydrogène », ce qui sera le cas dans ce texte.

[2] Il existe un autre procédé appelé « oxydation partielle » par lequel on fait réagir le combustible avec de l’oxygène à plus haute température (1200-1500°C) et plus haute pression (entre 20 et 90 bars)

[3] Un réservoir composite est constitué d’un liner en thermoplastique, renforcé extérieurement par un enroulement de fibres de carbone.  Il permet d’atteindre un ratio pression x volume/masse de 660 bars.litre/kg

[4]Gestion des Réseaux pour l’injection d’Hydrogène pour Décarboner les énergies. Voir: http://www.gdfsuez.com/innovation-transition-energetique/gestion-intelligente-energie/power-to-gas/projet-demonstration-grhyd/

 


Bibliographie complémentaire

Les publications qui traitent de l’hydrogène sont trop nombreuses pour être détaillées ici. Des dizaines d’ouvrages sont publiés chaque année dans le monde. Une liste, régulièrement mise à jour, de ceux écrits en langue française et en langue anglaise, est disponible sur le site de l’Association Française de l’Hydrogène et des Piles à Combustible (AFHYPAC), en libre accès (rubrique « Documentation/Ouvrages et rapports sur l’hydrogène » dans l’onglet horizontal) : www.afhypac.org

Ce site offre, de plus, au lecteur, une soixantaine de fiches techniques détaillées sur tous les sujets évoqués dans ce document. Elles sont accessibles à partir du même onglet Documentation dans la rubrique « Tout savoir sur l’hydrogène et les piles à combustible ».

 


L’Encyclopédie de l’Énergie est publiée par l’Association des Encyclopédies de l’Environnement et de l’Énergie (www.a3e.fr), contractuellement liée à l’université Grenoble Alpes et à Grenoble INP, et parrainée par l’Académie des sciences.

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