Radiateur électrique communicant : quelles perspectives ?

La pointe de consommation électrique en hiver est un moment crucial pour le gestionnaire du réseau. Dans les pays froids, tous les où appareils électriques sont allumés  en même temps. Lancey Energy Storage, start-up de la région grenobloise, propose un radiateur innovant qui permet de réduire la pointe de consommation électrique tout en permettant à l’utilisateur de faire des économies grâce à une batterie et un système de communication.


La Combe de Lancey, près de Grenoble, en France, est le lieu où Aristide Bergès inventa et développa la conduite forcée en 1869[1]. Cette technologie est à l’origine de la « houille blanche », l’hydroélectricité (Lire : Conduites forcées : les innovations de l’entreprise Bouchayer-Viallet à Grenoble). Le fait de produire de l’électricité grâce à une différence de potentiel a été une véritable révolution dans le domaine de la production électrique industrielle.

Avec un nom mythique dans le domaine de l’énergie, Lancey Energy Storage se lance en 2016 dans le défi d’une nouvelle révolution électrique, celle du stockage. Cette entreprise développe, à Grenoble, un radiateur qui propose de réduire la pointe de consommation électrique grâce à son fonctionnement sur batterie lorsque l’électricité est la plus demandée. Grâce à un usage efficace de l’électricité, le radiateur permet aussi au consommateur de réduire sa facture énergétique.

 

1. Les défis du réseau électrique français

L’électricité est un vecteur énergétique qui rend possible le transport d’énergie depuis les sites de production, généralement centralisés (mais qui tendent à se décentraliser grâce au développement des énergies renouvelables), vers les lieux de consommation. La puissance électrique appelée est aussi nommée « charge du réseau ». D’un point de vue technique, il s’agit de la somme des puissances appelées par l’ensemble des appareils qui doivent être fournis en électricité à un moment donné. Cette charge varie très sensiblement d’un moment à l’autre d’une journée et d’une journée à l’autre en fonction des saisons. Or l’adaptation de la  production électrique française, principalement nucléaire, à ces variations, mises en évidence sur des courbes de charge, pose un certain nombre de problèmes.

1.1. Une consommation électrique fluctuante

Fig. 1 : Prévision de la puissance électrique appelée à chaque instant à J (violet) et J-1 (bleu) pour la journée du 18 août 2016 – Source : RTE http://www.rte-france.com/fr/eco2mix/eco2mix-consommation

Les courbes de charge d’une journée d’été et d’hiver sont fournies par le Réseau de transport de l’électricité (RTE), gestionnaire du réseau électrique français RTE (Figures 1 et 2). Globalement, la charge est plus petite en août qu’en janvier car, d’une part nombre d’entreprises sont fermées, d’autre part, les consommations estivales de climatisation restent inférieures aux consommations hivernales de chauffage électrique.

La France est un pays qualifié de thermosensible : sa consommation électrique est directement liée aux températures extérieures. En hiver, une diminution de 1°C de la température extérieure entraine une augmentation de 2,3 GW de la puissance appelée par les consommateurs[2] du fait du développement important du chauffage électrique, en partie lié à la politique énergétique mise en œuvre dans les années 70-80. En 2013, le chauffage électrique représentait un tiers du marché et 54% des modes de chauffage des logements neufs[3].

Fig. 2 : Puissance électrique appelée à chaque instant le 18 janvier 2017 – Source : RTE http://www.rte-france.com/fr/eco2mix/eco2mix-consommation

Le minimum de consommation est atteint de façon générale tout au long de l’année aux alentours de 4h du matin, au moment où la plupart des français dorment. En été, le pic de consommation est atteint vers 13h lors du déjeuner (Figure 1), tandis qu’en hiver il est atteint à 19h lorsque les consommateurs rentrent dans leurs foyers (Figure 2).

La courbe journalière de consommation électrique du 18 janvier 2017, une journée particulièrement froide, a globalement l’allure typique de la consommation électrique en France durant une journée de semaine en période hivernale. De 4h à 8h du matin, on observe une montée en charge au fur et à mesure que les français se réveillent et commencent à travailler. Un premier pic de consommation est généralement atteint en hiver vers 8h lorsque les ménages chauffent leurs logements, les bureaux ouvrent et que les industries démarrent leurs activités. Un second pic de consommation, généralement le plus important, est observé vers 19h lorsque les français rentrent du travail et démarrent leurs appareils électriques comme le chauffage, l’éclairage, les ordinateurs ou encore la télévision.

Ainsi, au cours de la journée du 18 janvier 2017, la puissance électrique totale appelée sur le réseau a varié de 30 GW soit près de 30 tranches nucléaires. La pointe hivernale à 94 190 MWh a été atteinte le 20 janvier 2017 à 9 heures du matin. En 2016, la puissance appelée minimale a été de 30 584 MW, le 7 août, tandis que la puissance appelée maximale, ce qu’on appelle la pointe de consommation, a été de 88 571 MW, le 18 janvier. (On est toutefois loin du record historique de 102,1 GW du 8 février 2012)[4] .

1.2. Une production électrique peu flexible

Fig. 3 : Evolution de la structure de la production d’électricité en France (1970-2015) – Source : SOeS (2016). Bilan énergétique de la France pour 2015. Datalab n° 5, statistique publique, novembre. http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/donnees-densemble/1925/2019/ensemble-bilans-lenergie-france.html

Dans les années 1970, face à l’augmentation des prix du pétrole, la France a fait le choix de développer la production d’électricité par les centrales nucléaires. En 2015, 77% de la production électrique a été assurée par de l’électricité d’origine nucléaire (Figure 3).

Ce choix du nucléaire a permis de limiter considérablement la consommation de pétrole et de charbon pour la production d’électricité en France. Mais, outre les questions de sécurité et de déchets, cette production n’est pas sans défaut. L’allumage ou l’arrêt d’une tranche de centrale nucléaire est délicat et long (Lire : Les réacteurs nucléaires). La production d’électricité nucléaire est donc peu flexible ; et les variations de puissance appelée sont principalement absorbées par la production hydraulique issue des barrages et celle des centrales thermiques classiques à combustibles fossiles (Figure 4).

Fig. 4 : Détail par filière de la production d’électricité française le 18 janvier 2017 – Source : RTE http://www.rte-france.com/fr/eco2mix/eco2mix-mix-energetique [Consulté le 21/02/2017]

La Loi de transition énergétique pour la croissance verte, publiée au Journal officiel le 18 août 2015, prévoit une réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% d’ici 2025[5]. Mais une réduction de la part du nucléaire dans la production électrique ne signifie pas la résolution du problème du manque de flexibilité. En effet, les énergies renouvelables en développement, éolien et solaire, ont le défaut d’être intermittentes. Ce manque de contrôle dans la production d’électricité renouvelable est un frein à l’amélioration de la flexibilité de la production électrique.

1.3. Le problème de la gestion de la pointe de consommation électrique

La puissance électrique installée en France s’élevait au 1er janvier 2014 à environ 130 GW, soit 30 % de plus que la puissance appelée maximum historique (dont près de la moitié de nucléaire, 20 % de centrales thermiques classiques, 20 % d’hydraulique et 11 % d’autres renouvelables)[6], mais tous les équipements ne sont pas mobilisables en permanence et en temps réel, du fait du manque de flexibilité déjà évoqué et des nécessités d’entretien.

Historiquement, des tarifs de vente de l’électricité ont été mis en place dans le but de lisser la demande pour compenser le manque de flexibilité des outils de production et éviter des investissements qui ne serviraient que rarement, lors des pointes de consommation[7].

Avant l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence depuis le début des années 2000, la France avait fait le choix, après la Seconde Guerre mondiale, d’une organisation en monopole de service public  pour la production, le transport et la distribution de l’électricité. Le but de cette organisation était d’avoir une gestion optimale des investissements tout en respectant des obligations de service public comme l’obligation de raccordement. EDF a détenu ce monopole de 1946 à 2004. La tarification de l’électricité cherchait à s’approcher du principe d’une tarification au coût marginal (Lire : La vente au coût marginal), dont l’objectif est d’orienter les choix des consommateurs dans un sens favorable à la collectivité en leur faisant prendre conscience de la réalité des coûts subis par l’opérateur pour satisfaire leur demande [8] : en pratique, le consommateur souscrit un abonnement avec une part fixe fonction de la puissance maximale à laquelle il aura droit et une part variable proportionnelle à la quantité de kWh consommés.

Mais l’absence de possibilité de stockage de l’électricité – autrement la nécessité d’équilibrer en permanence l’offre et la demande – a aussi conduit à déterminer, à partir de l’examen des courbes de charge,  un coût marginal associé à chaque période de l’année et de la journée : il correspond au coût de production de l’équipement le plus onéreux mobilisé. Au-delà du tarif de base, ces coûts marginaux ont été traduits en tarifs différenciés[9] :

  • entre le jour et la nuit (tarif Heures pleines / Heures creuses : 16 heures / 8 heures, depuis 1965, toujours en vigueur) ;
  • entre l’été et l’hiver (tarif effacement jours de pointe (EJP) : 22 jours par an à un prix très élevé, pour inciter à réduire sa consommation, contre un prix attractif le reste de l’année). Cette option, qui datait de 1982, a été retirée du marché en 1998 pour les particuliers et ne concerne en 2017 que les anciens souscripteurs ; elle a été complètement supprimée pour les professionnels en tarifs Jaunes en 2015 ; [10]
  • ou une combinaison sophistiquée des deux (tarif Tempo : 6 tarifs différents, Heures pleines/ Heures creuses pour trois types de jours – 300 jours bleus, 43 blancs, 22 rouges – la couleur d’un jour étant connue des clients la veille). Ce tarif existant depuis 1999 nécessite une vigilance quotidienne des consommateurs et n’est plus mis en avant.

L’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence (Lire : La complexité des marchés électriques : la limite de la libéralisation des industries électriques) pour tous les utilisateurs français au 1er juillet 2007[11], dans le cadre de l’unification du marché intérieur européen, a changé la donne avec la création de marchés de gros électriques à pas horaires (où le prix horaire de l’électricité reflète les coûts variables de la dernière unité de production mobilisée, soit le coût marginal de court terme, hors investissement), la possibilité pour le consommateur final de choisir son fournisseur et l’apparition de nouveaux opérateurs qui interviennent notamment dans la gestion de la pointe.

L’entrée en vigueur officielle du marché de capacité au 1er janvier 2017 est un exemple des nouveaux mécanismes ayant fait leur apparition. Les fournisseurs d’électricité ont l’obligation de fournir à RTE un montant de garanties de capacité proportionnel à la consommation effective de leurs clients[12]. Les garanties de capacité peuvent être de production ou d’effacement, c’est-à-dire que des opérateurs de production sont prêts à mettre à disposition leurs productions ou bien des consommateurs sont prêts à se déconnecter tout ou partie lorsque cela leur est demandé. Cette diminution de la puissance appelée grâce à l’effacement sécurise la gestion de la pointe de consommation ; elle est amenée à se développer grâce aux possibilités nouvelles offertes par le numérique de collecte et de transfert des données en temps réel, et aux progrès dans les techniques de stockage de l’électricité.

 

2. Un radiateur couplé à une batterie pour réduire la pointe de consommation électrique

C’est dans ce contexte que Lancey Energy Storage a développé l’idée d’ajouter une batterie à un radiateur électrique performant. Ce couplage permet au radiateur de fonctionner grâce à l’énergie stockée lorsque l’électricité est la plus demandée et de se recharger lorsqu’elle est abondante.

2.1. Un fonctionnement sur batterie lors de la pointe de consommation

La part thermosensible de la consommation d’électricité en France atteint 40% en moyenne lors de la pointe de consommation[13]. L’idée de Lancey Energy Storage est de coupler une batterie à un radiateur électrique. Cette batterie se recharge durant les heures creuses, lorsque l’électricité est abondante grâce aux centrales nucléaires et se décharge durant la pointe de consommation, au moment où la demande est la plus forte. Par ce système, le radiateur fonctionne sur batterie lors de la pointe de consommation électrique et n’est donc plus une charge sur le réseau. Ce mécanisme d’effacement permet de ne pas appeler de puissance lorsque l’électricité est la plus demandée tout en permettant à l’utilisateur de conserver le même confort.

La volonté de réduire le pic de consommation électrique est un point clé étant donné que toute la production électrique est dimensionnée pour cet instant T. Ce radiateur intelligent est au service du réseau grâce au mécanisme d’effacement.

L’idée se rapproche des V2GRID, les véhicules électriques pour le réseau[14]. Ce type de véhicules électriques se rechargent la nuit, lorsque l’électricité est la moins chère et sont connectés au réseau lorsque les usagers rentrent dans leurs foyers le soir pour restituer le reste de l’énergie stockée au réseau lorsque celle-ci est la plus demandée. À la différence des V2GRID, le radiateur Lancey Energy Storage ne renvoie pas d’électricité sur le réseau, le flux est à sens unique.

Si le spectre d’une courbe de consommation lisse est encore loin, le radiateur Lancey Energy Storage peut prendre une part active dans la diminution du pic de consommation.

2.2. Une réduction de la puissance souscrite et la consommation en heures pleines

Lors de la souscription d’un abonnement auprès d’un fournisseur d’électricité comme ENEDIS (nouvelle dénomination d’Électricité Réseau Distribution France – ERDF) ou Gaz Électricité de Grenoble- GEG, il est nécessaire de souscrire une puissance qui plafonne l’abonnement. Cette puissance est exprimée en KVA et est une part fixe du tarif du distributeur. Elle est estimée par le distributeur d’électricité en fonction de plusieurs facteurs comme le nombre d’habitants du logement, la surface à chauffer, les appareils électriques présents dans le logement etc. Par exemple, en 2017, Enedis propose neuf tranches de puissance allant de 3 kVA à 36 kVA[15]. Plus cette puissance souscrite est haute, plus la part fixe de la facture électrique est élevée.

Le radiateur de Lancey Energy Storage est capable de réduire de deux à quatre tranches la puissance souscrite lors de son abonnement (une tranche correspond généralement à 3 kVA) et donc de diminuer la part fixe de la facture énergétique[16]. Cela est rendu possible par le fait que le radiateur est doté d’une fonctionnalité qui lui permet de communiquer avec le compteur électrique Linky de Enedis ou bien tous compteurs classiques équipés d’une antenne de communication. Lorsque l’utilisateur s’approche de la puissance maximale souscrite, le radiateur bascule son fonctionnement sur batterie. Ce fonctionnement permet de diminuer la puissance plafonnée de fonctionnement et par conséquent de réduire la part fixe de son abonnement électrique.

Le radiateur Lancey utilise aussi efficacement une tarification Heures pleines/ Heures creuses comme l’offre à prix de marché « électricité renouvelable » d’EDF [17] : les heures de la journée où l’électricité est la plus demandée sont en heures pleines (16 heures par jour) au prix de 0.159 € TTC le kWh et, lorsque l’électricité est abondante (environ 8 heures par jour), elle est facturée à 0.130 € TTC le kWh. Le radiateur Lancey stocke l’électricité durant les heures creuses et la restitue en heures pleines. Grace à ce mécanisme couplé à la réduction de la puissance souscrite, le radiateur Lancey permet à l’utilisateur de réaliser jusqu’à 50% d’économies sur sa facture comparé à un même logement équipé de radiateurs de 1ère génération[18].

 

3. La mobilisation de technologies existantes

L’efficacité énergétique de ce radiateur est due d’une part à un usage intelligent de l’électricité mais aussi à l’utilisation de technologies existantes performantes.

3.1. Le chauffage par rayonnements infrarouges lointains

La plupart des radiateurs aujourd’hui installés sont convectifs. L’appareil chauffe la pièce grâce à une résistance chauffante qui reçoit l’air froid en entrée, par la partie inférieure du radiateur (l’air froid est plus lourd que l’air chaud) le fait monter en température et en ressort chaud par la partie supérieure du radiateur (l’air chaud est plus léger que l’air froid)[19]. La convection naturelle ou forcée se charge ensuite de faire circuler l’air chaud dans la pièce.

Le panneau rayonnant dont est équipé le radiateur Lancey Energy Storage n’utilise pas la convection mais le rayonnement. Le principe réside dans l’émission d’un rayonnement infrarouge par le panneau qui se propage dans l’air et chauffe les parois des objets et murs que les ondes rencontrent. Dans le chauffage par convection, le but est de chauffer l’air tandis que pour le chauffage par infrarouges lointains, le fait de chauffer l’air est considéré comme une perte énergétique. On souhaite chauffer directement les objets de la pièce. Les corps présents dans la pièce sont chauffés à la manière dont le soleil chauffe notre Terre. L’effet ressenti par l’utilisateur est proche de l’exposition de la peau au Soleil.

3.2. La batterie Lithium-Fer-Phosphate (LFP) : un système de stockage adapté au chauffage

Fig. 5 : Transfert des électrons dans une pile à travers l’électrolyte – Source : Germain Vallverdu, Université de Pau et de l’Adour http://gvallver.perso.univ-pau.fr/doc/BatterieLiion.pdf [Consulté le 25/03/2017]

Avant d’expliquer le principe de la batterie LFP, on s’attarde sur la famille de batteries lithium-ion dont fait partie la batterie LFP. Les batteries lithium-ion sont constituées de deux électrodes séparées par une membrane perméable aux ions, et qui baignent dans une solution, contenant des ions mobiles, appelée électrolyte, où l’échange d’ions entre les deux électrodes se fait.

Lors de la charge, les ions lithium se déplacent de la cathode vers l’anode, créant ainsi une différence de potentiel entre les deux électrodes, autrement dit, une tension. En situation de décharge, la batterie est connectée à un circuit extérieur, dans lequel un courant électrique – transfert des électrons de l’anode vers la cathode via le circuit extérieur – apparaît du fait de la différence de potentiel, tandis que les ions lithium retournent à la cathode via l’électrolyte. Ce courant électrique induit par la différence de potentiel disparaît avec celle-ci, et un nouveau cycle de chargement de la batterie est alors nécessaire[20].

À la différence des traditionnelles batteries au plomb, les batteries lithium-ion sont très utilisées dans les nouvelles technologies car elles ne nécessitent pas de respecter les cycles de charge et décharge complètes et sont donc plus pratiques pour l’utilisateur. Le lithium est un élément chimique très utilisé dans le monde des batteries puisqu’il est très léger et possède une densité d’énergie importante[21].

La température joue un grand rôle dans les batteries lithium-ion. En effet, lorsque les batteries sont soumises à des températures qui dépassent celles préconisées par le constructeur, un phénomène d’emballement thermique se produit. Il s’agit du fait que la température dans la batterie ne cesse d’augmenter et peut engendrer des conséquences désastreuses comme la création de produits non désirés ou même l’explosion de la batterie[22]. La température pour laquelle débute un emballement thermique est appelée OTR (onset of thermal runaway temperature). Elle varie en fonction de la technologie lithium-ion utilisée. Aujourd’hui, pour les batteries lithium-ion classiques, la valeur de 70°C est souvent évoquée comme température d’initiation d’emballement thermique de l’électrolyte[23] .

Le problème est que l’objet considéré est un radiateur. La température peut atteindre jusqu’à 60°C (limite à ne pas dépasser pour que les utilisateurs ne se brûlent pas). Lancey s’est donc tourné vers un type particulier de batterie Lithium-ion, la batterie Lithium-Fer-Phosphate (LFP), qui possède une température d’initiation d‘emballement thermique proche de 195°C[24].

En plus de l’avantage thermique de la batterie LFP, elle est l’une des meilleures batteries lithium-ion car après plus de 1500 cycles, sa capacité résiduelle est toujours supérieure à 80% ; elle possède l’une des longévités les plus longues[25].

 

4. Un ensemble au service du consommateur

Le radiateur muni de sa batterie et de son système de communication permet d’abord de réduire la pointe de consommation. Ce report d’utilisation en lui-même ne permet pas de réduire la consommation d’énergie a priori mais le radiateur possède d’autres avantages qui y contribuent.

4.1. Le radiateur s’adapte au rythme de vie de l’utilisateur

Cette technologie est dotée d’une série d’algorithmes qui lui permet d’adapter son comportement à celui de son utilisateur. Le radiateur est capable de stopper son fonctionnement lorsque l’occupant quitte la pièce et de se mettre en marche une trentaine de minutes avant qu’il ne revienne à son domicile. Lorsque le radiateur est installé, il effectue des hypothèses sur le mode de vie de son utilisateur. Après quelques jours de fonctionnement, l’usage combiné du capteur de présence intégré au radiateur et la communication avec le GPS du Smartphone de l’utilisateur, permet au radiateur d’affiner son modèle de fonctionnement. Lorsque l’utilisateur quitte son lieu de travail, le radiateur en est informé grâce au GPS du Smartphone et le mode chauffage est alors démarré. Pour ce type de technologies, on mentionne souvent le terme d’auto-apprentissage pour signifier que le radiateur apprend de son utilisateur. Grâce à cette anticipation, le radiateur chauffe lorsque cela est nécessaire.

4.2. Un capteur de présence

Les algorithmes évoqués dans la partie précédente permettent au radiateur d’avoir un fonctionnement qui est le même pour tous les utilisateurs avec le fonctionnement sur batteries en heures pleines et le rechargement en heures creuses.  Mais cela n’est pas suffisant. Le radiateur doit pouvoir fonctionner lorsque quelqu’un se trouve dans une pièce même si cela n’est pas habituel. On peut prendre l’exemple d’une personne qui rentre chez elle car elle est malade et a besoin de se reposer. Grâce à un capteur de présence, le radiateur va se mettre en fonctionnement pour atteindre une température confortable. Dans la suite de cette partie, on explique le fonctionnement d’un capteur de présence.

Un corps noir est un corps capable d’absorber toutes les radiations électromagnétiques incidentes sur sa surface. De plus, les radiations émises par celui-ci dépendent exclusivement de sa température[26]. À chaque température, le corps noir émet une longueur d’onde dominante qui dépend de la loi de Planck. Pour chaque longueur d’onde, l’intensité émise I est donnée par la relation :

$$I(lambda ) = frac{frac{2hc^{2}}{lambda ^{5}}}{frac{hc}{elambda kT}-1}$$

Fig. 6 : Intensité de la radiation lumineuse de chaque longueur d’onde en fonction de la température du corps noir – Source : Loann Brahimi via Physique & Réussite http://physiquereussite.fr/probleme-du-jour-1-mais-dou-vient-le-rayonnement-du-corps-noir/

Où h, k et c sont des constantes universelles, respectivement la constante de Planck (h = 6,62 x 10-34 J.s), la constante de Boltzmann (k = 1,38 x10-23 J.K-1) et la vitesse de la lumière dans le vide c = 3.0*108m/s,  λ est la longueur d’onde.

Grâce à la loi de Planck, on obtient le spectre du corps noir comme le montre la figure suivante.

Même si le modèle scientifique du corps noir ne se trouve pas dans la nature, le corps humain a un comportement similaire à celui du corps noir, on peut donc adopter ce modèle pour décrire les radiations du corps humain. On observe sur la Figure 5 que plus la température du corps diminue, plus la longueur d’onde dominante de radiation se situe dans les infrarouges. À 37°C soit 310K, le spectre d’émission du corps humain se situe entièrement dans les infrarouges.

Le détecteur de présence est un élément passif qui n’émet pas de radiation mais qui est capable de reconnaitre les variations de rayonnement infrarouge qu’il reçoit[27]. Lorsqu’une ou plusieurs personnes entrent ou sortent de la pièce où le radiateur est présent, le rayonnement infrarouge reçu par le détecteur varie. Cette variation permet au radiateur de savoir que quelqu’un se trouve dans la pièce et qu’il est nécessaire de se mettre en fonctionnement. Cependant, il ne donne aucune information sur le nombre d’occupants.

4.3. Un détecteur de fenêtres ouvertes

Il est conseillé d’ouvrir les fenêtres d’une habitation quelques dizaines de minutes par jour, même en hiver, pour renouveler l’air des pièces et les recharger en dioxygène. Il est absurde de laisser le chauffage fonctionner durant cette période. Pour cela, le radiateur Lancey Energy Storage stoppe son fonctionnement.

Grâce à son capteur de température, le radiateur va reconnaitre qu’il y a une diminution anormale de la température. L’analyse de la pente caractéristique de cette diminution de température est reconnue par le radiateur. Par conséquent, cette information entraine l’arrêt du système de chauffage.

4.4. La communication au centre de la performance

Fig. 7 : Le système de communication du radiateur Lancey – Source : Lancey Energy StorageAncre

Un boitier relié au radiateur est le centre de l’intelligence du système. Développé par Lancey Energy Storage sous le nom de Diago, il reçoit des informations du compteur électrique et est connecté au serveur Lancey Energy Storage dans le but de traiter les données collectées par les différents capteurs. Suite à ce traitement, ces informations sont envoyées à l’utilisateur ou au gestionnaire du bâtiment sur son Smartphone (Figure 6).

Grâce à ce système de communication clé entre l’utilisateur, le boitier du radiateur et Lancey Energy Storage, l’entreprise annonce des économies d’énergies de l’ordre de 50% sur la facture énergétique par rapport à un logement équipé avec des radiateurs convectifs classiques (20% sur la partie diminution de la puissance souscrite et rechargement lors des heures creuses, 30% sur la partie intelligence du système)[28].

 

5. Un projet local offrant de belles perspectives

Lancey a installé ses premiers radiateurs à l’hiver 2016. Cette expérimentation a été soutenue par les acteurs importants de la région grenobloise : la Métro, l’OPAC 38, ainsi que Grenoble Habitat. Il n’est pas étonnant que les bailleurs sociaux s’intéressent de près à ce radiateur puisque le coût du remplacement de radiateurs convectifs par des radiateurs Lancey Energy Storage est 75% moins cher qu’un remplacement par une chaudière à gaz[29]. De plus, l’utilisateur fera 50% d’économies sur sa facture d’électricité comparé à un radiateur électrique de première génération. À plus long terme, on peut imaginer une valorisation monétaire de l’effacement par des copropriétés.

Au-delà de la batterie qui permet le stockage de l’électricité, l’élément clé du radiateur Lancey Energy Storage est la communication. Les échanges entre le serveur Lancey Energy Storage, le boitier de collectes de données du radiateur, le Smartphone de l’utilisateur et le compteur électrique permettent d’adapter le fonctionnement du radiateur au service de l’efficacité énergétique. Pour cette raison, il s’agit d’une technologie qui peut apporter sa contribution à la transition énergétique.

 


Notes et références

[1] PAGORA http://cerig.pagora.grenoble-inp.fr/histoire-metiers/berges-houille-blanche/page03.htm [Consulté le 21/02/2017]

[2] RTE, Direction Economique Prospective et Transparence. (2012). La vague de froid de février. 20p. Disponible sur : http://www.rte-france.com/sites/default/files/rex_vague_froid-2012.pdf [Consulté le 21/02/2017]

[3] ADEME (2016). Climat, Air et Energie – Edition 2015. 216p. Disponible sur : http://www.ademe.fr/climat-air-energie-edition-2015 [Consulté le 23/03/2017]

[4] RTE. (2017). Bilan électrique français 2016. 11p. Disponible sur : http://www.rte-france.com/sites/default/files/2016_bilan_electrique_synthese.pdf  [Consulté le 23/03/2017]

[5] Site du Ministère de l’environnement, de l’Energie et de la Mer http://www.developpement-durable.gouv.fr/loi-transition-energetique-croissance-verte [Consulté le 23/03/2017]

[6] Union française de l’électricité (2014) Le parc de production électrique français. Disponible sur : http://ufe-electricite.fr/IMG/pdf/13.pdf [Consulté le 31/03/2017]

[7] Monnier Lionel ; préface de Marcel Boiteux (1983). La tarification de l’électricité en France : origines, bilan, perspectives. Paris : Economica, 260p. Extraits disponibles sur: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3333106w/f5.image [Consulté le 31/03/2017]

[8] Sur les aspects théoriques, voir : Boiteux Marcel (1949). La tarification des demandes en pointe : application de la théorie de la vente au coût marginal. Paris : Place Henri-Bergson, 22p. Disponible à Paris, Bibliothèque Sainte Geneviève http://www.sudoc.fr/065235169

[9] EDF Tarif règlementé de vente de l’électricité https://particulier.edf.fr/fr/accueil/offres/electricite/tarif-bleu.html

[10] Selectra (2017) Les options tarifaires de l’électricité. Disponible sur : https://prix-elec.com/options-tarifaires#heures-pleines-heures-creuses [Consulté le 31/03/2017]

[11]Commission de Régulation de l’Énergie. Marché de l’électricité, marché de détail. Disponible sur : http://www.cre.fr/marches/marche-de-detail/presentation [Consulté le 31/03/2017]

[12] EDF (2017). Mieux comprendre le mécanisme de capacité en 3 questions https://www.edf.fr/entreprises/le-mag/mieux-comprendre-le-mecanisme-de-capacite-en-3-questions-cles [Consulté le 24/03/2017]

[13] RTE, Direction Economique Prospective et Transparence. (2012). La vague de froid de février. 20p. Disponible sur : http://www.rte-france.com/sites/default/files/rex_vague_froid-2012.pdf [Consulté le 21/02/2017]

[14] Commission de Régulation de l’Energie. La technologie V2G ou le véhicule électrique comme levier pour optimiser les réseaux. Disponible sur : http://www.smartgrids-cre.fr/index.php?p=vehicules-electriques-v2g [Consulté le 25/03/2017]

[15] Bien choisir la puissance de son compteur https://prix-elec.com/guide/bien-choisir-la-puissance-de-son-compteur [Consulté le 25/03/2017]

[16] Raphaël Meyer, CEO de Lancey Energy Storage, Good Morning Business, le 18/01/2017 http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/audio/bfm-1801-gmb-raphael-meyer-364558.html [Consulté le 21/02/2017]

[17] EDF (2017) L’offre renouvelable. Disponible sur : https://particulier.edf.fr/fr/accueil/offres/electricite-bis/offres-marche.html [Consulté le 25/03/2017]

[18] Lancey Energy Storage http://lancey.fr/produits/ [Consulté le 25/03/2017]

[19] Connaissance des Energies http://www.connaissancedesenergies.org/chauffage-quelle-difference-entre-convection-et-rayonnement-141120 [Consulté le 14/02/2017]

[20] France Sciences, Mission pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France aux Etats-Unis, Avancées récentes pour les batteries Lithium-ion : à la recherche d’une batterie durable à forte capacité et à charge rapide, https://www.france-science.org/Avancees-recentes-pour-les.html [Consulté le 14/02/2017]

[21]  Energie futur, Batteries Lithium-ion : Avantages et Inconvénients,  http://energie-futur.com/batteries-lithium-ion-avantages-et-inconvenients/ [Consulté le 15/02/2017]

[22] Charles-Victor Hémery (2014) Etudes des phénomènes thermiques dans batteries Li-ion. Archives Ouvertes 282 p. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00968666/ [Consulté le 15/02/2017]

[23] Renaud Bouchet (2009) Copolymers as electrolytes for lithium batteries. Agence Nationale de la Recherche 1p.

[24] Golubkov Andrey W. et al.(2013) Thermal-runaway experiments on consumer Li-ion batteries with metal-oxide and olivin-type cathodes. Royal Society of Chemistry Advances. Disponible sur http://pubs.rsc.org/en/content/articlehtml/2013/ra/c3ra45748f [Consulté le 16/03/2017]

[25]  Energie futur, Batteries Lithium-ion Avantages et Inconvénients http://energie-futur.com/batteries-lithium-ion-avantages-et-inconvenients/ [Consulté le 15/02/2017]

[26] Corps noir, Wikipedia. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Corps_noir [Consulté le 31/03/2017]

[27] Architecture et Climat, Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale, d’urbanisme (LOCI), Les détecteurs de mouvement et de présence/absence. Université catholique de Louvain (Belgique) : Énergie+,  réalisé avec le soutien de la Wallonie – DGO4. Disponible sur : https://www.energieplus-lesite.be/index.php?id=10702#c6521+c20941273 [Consulté le 15/02/2017]

[28] Plaquette de présentation du radiateur Lancey, Lancey Energy Storage

[29] Plaquette de présentation du radiateur Lancey, Lancey Energy Storage

 


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