Le numérique, outil d’optimisation des factures d’électricité

Le numérique, outil d’optimisation des factures d’électricité

Le numérique intervient désormais à tous les niveaux du développement des systèmes énergétiques. Grâce à une solution intelligente basée sur l’utilisation de batteries et d’algorithmes prédictifs, BeeBryte, créée à Lyon en 2015,  propose  d’optimiser la consommation d’électricité dans un contexte de prix flexibles pour diminuer la facture énergétique. Comment fonctionne cette technologie ? Quels en sont les clients potentiels mais aussi les limites ?


Partout dans le monde, la nécessité d’ajuster instantanément l’offre à la demande d’électricité conduit une partie des consommateurs à réduire leur demande de pointe au moyen de tarifications adaptées ou de prix de marché. Dans ce contexte, l’entreprise BeeBryte, née à Lyon en 2015, propose aux particuliers et aux entreprises de réduire leur facture d’électricité en augmentant la flexibilité de leur demande énergétique. À cette fin, elle leur offre une solution logicielle basée sur une utilisation intelligente d’algorithmes hébergés sur un cloud et sur des batteries.

Bien qu’en France les tarifs de l’électricité ne soient pas aussi complexes que dans certains pays étrangers comme Singapour, cette optimisation énergétique peut se révéler très intéressante pour les entreprises qui disposent ainsi d’un moyen d’adapter leur profil de consommation au mieux de la structure tarifaire de leur fourniture d’électricité.

 

1. Contexte énergétique en France et à l’étranger

Afin de mieux comprendre le champ d’action de BeeBryte et les opportunités existantes, il est nécessaire de les situer dans le contexte de la demande d’électricité française et mondiale, et de sa tarification, mais également par rapport aux perspectives d’essor du stockage de l’électricité.

1.1. Une consommation d’électricité qui stagne en France

Fig. 1 : Evolution de la consommation finale d'électricité en France de 1973 à 2014 corrigée des aléas météorologiques d’hiver et d’été - Source : EDF, Statistiques de l’énergie électrique 2014 RTE

Lorsqu’on s’intéresse à l’évolution de la consommation française d’électricité de 1973 à 2014 (Figure 1), on peut observer une forte hausse entre 1993 et 2008, année de la crise économique à partir de laquelle la consommation d’électricité a commencé à se stabiliser[1]. En 2016, la consommation a augmenté de 1,5% par rapport à 2015, qui s’explique par une baisse de température moyenne d’une année sur l’autre de -0 ,8°C[2].

Fig. 2 : Répartition de la consommation finale d'électricité par secteur en France en 2013, évolution par rapport à 2012 – Source : EDF et SOeS [3]

En examinant la répartition de la consommation finale d’électricité en fonction du secteur (Figure 2[3]), on observe que les secteurs de l’habitat et du tertiaire représentent à eux deux plus des deux tiers de la consommation, suivis du secteur industriel à 24,2%. Les transports urbains et ferroviaires, la sidérurgie et l’agriculture se placent loin derrière ces deux gros pôles de consommation avec respectivement 2,9%, 2,3% et 2%[4].

1.2. Des tarifs de l’électricité déréglementés

En France, jusqu’à récemment, le consommateur n’avait pas le choix de son fournisseur d’électricité ; Électricité de France (EDF) était le seul fournisseur, hormis les cas particuliers de concessions comme Gaz Électricité de Grenoble (GEG). Depuis l’ouverture à la concurrence, le 1er juillet 2007 pour les particuliers, il est possible de choisir EDF ou un fournisseur alternatif. La raison de cette ouverture est la volonté de construire un marché européen de l’énergie, de façon à promouvoir une concurrence libre et loyale et à permettre un accès non discriminatoire aux infrastructures de distribution de l’énergie structurellement en monopole[5].

Chez EDF, fournisseur principal d’électricité, l’usager du secteur résidentiel abonné à l’offre Tarif Bleu[6] qui est un tarif réglementé par l’État, peut choisir entre l’option de Base où le kWh est toujours au même tarif, quelle que soit l’heure et le jour de la semaine (fonction de la puissance souscrite), et l’option Heures Pleines / Heures Creuses où le tarif est plus avantageux huit heures par jour. Une option dite Tempo peut aussi être activée : le tarif du kWh varie alors selon le jour de la semaine et les heures de la journée. Le consommateur peut aussi choisir l’offre de marché [7] où le fournisseur fixe librement un tarif de l’électricité qui peut davantage lui convenir : il a alors le choix entre l’option Base et l’option Heures Pleines / Creuses. Dans cette dernière offre, l’État ne contrôle par les prix.

Pour les entreprises du secteur industriel ou tertiaire, le choix est plus ouvert. En effet, il existe une offre adaptée à la puissance électrique instantanée nécessaire, pour les abonnements dont la puissance souscrite est supérieure à 42 kVA.[8] Depuis le 1er janvier 2016, les tarifs réglementés de vente pour les consommateurs non résidentiels aux tarifs Jaune et Vert sont aussi supprimés.[9]

1.3. Une consommation mondiale d’électricité qui ne cesse d’augmenter

Fig. 3 : Evolution de la consommation mondiale d'électricité de 1973 à 2013 – Source : EDF, Observatoire de l’énergie, CEA, Air liquide, AIE [10]

Au niveau mondial, contrairement à la tendance française, la consommation ne cesse d’augmenter depuis 1973 (Figure 3[10]). Cette constante hausse s’explique par le fait que de nombreux pays sont encore très éloignés d’un parc de production d’électricité  et de réseaux électriques à la hauteur des besoins de leur population. En 2014, 1,06 milliard de personnes n’avaient pas accès à l’électricité, selon le rapport de la Banque mondiale récemment paru[11].

Fig. 4 : Part de l'électricité dans la consommation finale mondiale d'énergie en 2013 – Source : EDF et AIE [12]

L’électricité représentait 18% de la consommation d’énergie finale mondiale (Figure 4[12]) en 2013, loin derrière le pétrole, mais devant d’autres filières comme le gaz naturel, la biomasse ou le charbon. Le Conseil mondial de l’énergie, estime dans ses scénarios 2016 que la demande mondiale d’électricité va être amenée à doubler d’ici 2060 du fait du développement des modes de vie urbains, de la croissance des classes moyennes, de l’augmentation des revenus et l’expansion des équipements et appareils électriques[13]. À cet horizon, l’électricité représenterait entre 25 et 29 % de la consommation finale d’énergie.

1.4. Le stockage de l’électricité : une nécessité qui va s’amplifier

Fig. 5 : Schéma général d’une batterie – Source : ENS [16]

Depuis la création de la pile Volta [14] en 1801 et le premier accumulateur au plomb [15] en 1859 mis au point par Gaston Planté, d’énormes progrès ont été réalisés dans le domaine des batteries. Une batterie (Figure 5), aussi appelée accumulateur par abus de langage, est un système physico-chimique réversible pouvant convertir l’énergie chimique en énergie électrique grâce à des réactions d’oxydo-réduction.

Elle est définie par l’association de plusieurs accumulateurs. Une batterie est ainsi composée d’une cathode où la réduction des métaux a lieu et d’une anode où l’oxydation a lieu. Ses électrodes sont composées d’un électrolyte conducteur permettant la circulation des ions. On parle alors de couples ioniques définis par les ions en circulation.

Actuellement, ce marché est en pleine expansion, notamment avec la transition énergétique qui vise à accroître la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. La plupart de ces énergies sont cependant intermittentes et ont besoin d’être stockées par exemple pour les sites isolés utilisant l’autoconsommation.

En 2017, la technologie Lithium-Ion est dominante ; elle est en train de rendre possible le véritable décollage du stockage et domine actuellement le marché. Son avantage réside dans les propriétés de l’ion Lithium Li2+ : c’est un ion très petit, ce qui permet une très haute densité d’énergie dans un volume réduit. C’est ainsi que l’énergie massique et volumique est plus intéressantes que des couples comme le couple Ni-MH.[16]

La recherche de nouveaux matériaux avec une plus grande capacité spécifique reste un sujet majeur, pour préparer l’avenir. En effet, le lithium présente l’inconvénient principal d’être difficile d’accès, ses réserves naturelles étant limitées et donc son coût probablement orienté en hausse. D’autres possibilités sont étudiées comme le sodium, magnésium, potassium, calcium ou aluminium[17].

Les valeurs théoriques des capacités volumiques et massiques d’un certain nombre de couples électrochimiques (Tableau 1) ne sont pas les plus pertinentes puisqu’elles ne prennent en compte que les caractéristiques de l’ion considéré, sans tenir compte des masses des matériaux des électrodes. Pour juger des valeurs expérimentales, mieux vaut s’appuyer sur les valeurs théoriques et pratiques de divers types de batteries lithium-ion actuellement disponibles ou en développement comme les lithium-soufre et lithium-air (Tableau 2).

 

Tableau 1 – Caractéristiques des batteries lithium ion en fonction de la nature de leur électrode positive

 

Couple Capacité volumique en mAh/mL Capacité spécifique  en mAh/g
Li+/Li : Lithium 2026 3861
Na+/Na : Sodium 1128 1165
K+/K : Potassium 591 685
Mg2+/Mg : Magnesium 3833 2205
Ca2+/Ca : Calcium 2073 1337
Zn2+/Zn : Zinc 5851 820
Al3+/Al : Aluminium 8040 2980

 

Tableau 2 – Caractéristiques des batteries lithium en fonction de la nature de leur électrode positive

 

Matériaux de cathode Capacité spécifique (théorique/expérimentale) en mAh/g Fem en V Cyclabilité
LCO 274/148 3,6 500-1000
LNO 275/150 3,6 300-600
LMO 285/140 3,7 300-700
NMC 280/180 3,6-3,7 1000-3000
NCA 279/200 3,6 500
LFP 170/165 3,2-3,3 1000-2000
Li-S : Lithium-soufre 1000 2,2 100
Li-Air : Lithium-soufre 2000 3,0-3,2 50

 

Fig. 6 : Evolution du prix du kWh de batterie lithium ion – source : Les Echos - chiffres 2015 et 2020, estimation des fabricants [17]

Le prix des batteries n’a cessé de diminuer au cours des dernières années, avec un niveau en 2015 quatre fois moins élevé qu’en 2010 (Tableau 3). Cette tendance devrait se poursuivre en se tassant, une fois les effets de volume passés, et en attendant une prochaine rupture technologique.[18]

 

2. La technologie BeeBryte pour réduire la facture énergétique

La solution BeeBryte fait partie des technologies de gestion intelligente de l’énergie dans les bâtiments, qu’ils soient résidentiels, tertiaires ou industriels. Son objectif principal est de réduire la facture d’électricité, avec des économies allant jusqu’à 40%.

Pour cela, BeeBryte élabore et déploie depuis le Cloud une stratégie de contrôle optimisée :

  • soit des systèmes dédiés de stockage d’énergie comme les batteries,
  • soit des capacités de stockage préexistantes, stockage dans les usages en pilotant des équipements électriques déjà installés et en intervenant dans des processus ayant de l’inertie, thermique, par exemple.

2.1. La raison d’être de cette technologie

L’objectif de BeeBryte est d’optimiser l’achat d’électricité en réduisant la facture énergétique via trois leviers différents correspondant chacun à un service dédié, leviers qui peuvent être actionnés simultanément.

Le premier est l’achat de l’électricité lorsque son prix est le plus bas possible. Pour cela, la technologie BeeBryte analyse et choisit le meilleur moment pour acheter l’électricité, celle non consommée étant utilisée pour charger les batteries. Quand les prix de l’électricité sont les plus élevés, la technologie décide de décharger les batteries et ainsi d’acheter moins, voire pas du tout d’électricité. Ainsi, au total, la quantité d’électricité consommée reste la même mais la facture est bien moins importante.

Le deuxième levier consiste à abaisser le pic de consommation d’électricité en lissant cette dernière, le but étant de réduire la valeur maximale de puissance consommée lors du dimensionnement des installations électriques. En réduisant l’abonnement au service électrique, lié au pic de puissance appelée, l’utilisateur ou l’entreprise peut se permettre d’opter pour un abonnement moins élevé.

Le troisième levier concerne les services au réseau électrique. Par exemple, depuis le 1er janvier 2017, le marché de capacité est ouvert incitant les fournisseurs à participer à l’équilibrage du réseau [19]. Des brokers s’engagent à indiquer au régulateur des réserves de moyen de capacité quand la demande en électricité est forte, afin d’être en mesure de gérer les pics de consommation. D’autres services sont d’ores et déjà valorisables comme l’effacement ou le soutien en fréquence.

En pratique, en utilisant la technologie BeeBryte, une entreprise peut s’engager à réduire sa consommation et utiliser ses batteries quand la demande en électricité globale est forte ou à fournir l’énergie stockée dans ses batteries pour l’injecter au réseau, et être rémunérée pour le service rendu. Cela peut ainsi générer de nouveaux types de revenus.

2.2. Le fonctionnement de la technologie

La technologie BeeBryte utilise un boîtier-contrôleur à installer dans le bâtiment et servant essentiellement de collecteur de données (data-gateway) pour relayer la stratégie optimale élaborée par les modules intelligents hébergés dans le Cloud [20]: ces derniers assurent les fonctions de prédiction, optimisation et communication des données.

Le client dispose d’une application/tablette et d’un site internet qui lui fournissent des informations concernant sa consommation d’électricité. L’application mobile/tablette est disponible sur Android et iPhone.

Les déplacements de consommation peuvent se faire de deux manières différentes :

  • sur des équipements existants du type radiateur électrique : l’achat d’électricité s’effectue à des moments bien choisis tout en gardant la température du logement dans des limites confortables. Les hausses et baisses en température sont anticipées ;
  • avec encore plus de flexibilité, cet effacement peut se faire avec des batteries : le prix des batteries en baisse ces dernières années et vraisemblablement encore à l’avenir, ce levier d’action est doté d’un potentiel important.

Le principe général des déplacements de charges est le suivant : la batterie est d’abord chargée avec le surplus d’électricité acheté quand le prix est au plus bas ;  elle est ensuite déchargée quand le prix de l’électricité est au plus haut. On parle alors de désynchronisation entre achat et consommation de l’électricité. Le procédé fonctionne ainsi :

  • le système BeeBryte se connecte aux systèmes à contrôler ;
  • l’information, principalement relative à la consommation électrique de ces équipements est transmise au Cloud via le boîtier local ;
  • dans la plateforme Cloud, des calculs complexes sont effectués pour traiter les informations obtenues, prédire l’évolution des grandeurs clés, et optimiser le moment où sera désynchronisé l’achat de la consommation d’électricité ;
  • la stratégie élaborée est alors renvoyée pour piloter les équipements et la batterie, et donc la consommation électrique.

Concernant les batteries, l’action de BeeBryte se limite au dimensionnement optimal, en termes de performance économique, des batteries nécessaires à la gestion de l’énergie de manière intelligente. L’entreprise a développé pour cela un outil de simulation : grâce aux historiques de consommation d’électricité et des factures d’électricité de l’usager, BeeBryte peut proposer une taille optimale de stockage avec les batteries. La taille optimale sera déterminée en fonction de la performance économique attendue de l’investissement. Les deux paramètres qui vont permettre de décider de ce montage sont les économies réalisées et la rentabilité de l’investissement.

Les types de batteries utilisées sont, par exemple, les batteries d’ancienne technologie Plomb/Acide, les batteries Li-Ion, les batteries Redox Flow ou Soufre/Sodium. Le choix du type de batterie s’effectue selon le profil du client et son environnement tarifaire.

Un élément indispensable au fonctionnement de la technologie pour le système de gestion de la batterie est l’onduleur. C’est un appareil d’électronique de puissance permettant de convertir le courant continu en courant alternatif. En effet, le courant circulant dans les batteries est un courant continu alors que le courant circulant dans les appareils des consommateurs est de nature alternative. Le pilotage de l’onduleur assure les fonctions de charge et de décharge de la batterie. L’onduleur est très spécifique à chaque taille de batterie. Il assure que les batteries ne seront pas soumises à des régimes anormaux qui en diminueraient la capacité utile.[21]

2.3. Les clients potentiels

Pour mieux comprendre dans quels pays BeeBryte est efficace, il faut s’intéresser aux différents tarifs mis en place en France et à l’étranger.

En France, l’usager pense spontanément à acheter l’électricité pendant les heures creuses et à la consommer pendant les heures pleines. Le problème est que la différence de prix est trop faible pour qu’il soit rentable d’utiliser une batterie.

Les entreprises industrielles ont une grille tarifaire différente. Aussi, depuis 2016, ce marché est dérèglementé et offre des perspectives séduisantes. Le prix SPOT varie ainsi toutes les heures selon l’équilibre entre l’offre et la demande En réalité, même ici, le spread, c’est-à-dire l’amplitude de variation, est encore faible et peu exploitable.

Les perspectives du système BeeBryte sont plus prometteuses dans les pays dans lesquels l’amplitude des tarifs ou la volatilité sur le marché de gros de l’électricité est plus grande. C’est le cas, par exemple de  Singapour où BeeBryte a créée une filiale, des États-Unis, ou de l’Australie. Dans ces pays, ou du moins dans certains de leurs États, l’amplitude tarifaire est beaucoup plus grande et les prix de marché plus volatiles.

Globalement, les économies sur les factures d’électricité sont en proportion beaucoup plus importantes pour les clients industriels et commerciaux que pour les clients résidentiels.

Pour séduire ses clients, BeeBryte propose d’empiler les services rendus et donc les sources de revenus ou d’économies générées par la flexibilité.

  •  Premièrement, sur les achats d’énergie comme évoquées précédemment, ces économies se mesurent en Euros/Dollars par kWh.
  • Deuxièmement, sur le type d’abonnement tarifaire choisi, qui est indexé sur le pic de puissance électrique moyenne, mesurée en kVA. On parle alors de demand charge, ou abonnement. Par exemple, un démarrage de moteur va générer un pic de puissance appelée, alors que le processus nominal de l’entreprise n’a pas besoin d’autant de puissance le reste du temps. Avant le pic, il serait alors intéressant de stocker l’énergie puis de l’utiliser durant le pic pour soulager l’appel au réseau. Dans certaines juridictions, l’abonnement représente plus de la moitié de la facture électrique des gros consommateurs ! On comprend leur motivation à réduire leurs pics.
  • Troisièmement, le client pourrait fournir des services réseau rémunérés, par exemple par Réseau de transport d’électricité (RTE) soucieux d’assurer les équilibres et les régulations nécessaires à la santé de son réseau.

 

3. Une technologie performante mais sous certaines conditions

Les perspectives de la technologie sont prometteuses à condition que soient surmontés un certain nombre d’obstacles.

3.1. Les apports de cette technologie

Les apports de cette technologie sont nombreux.

Le premier consiste en économies financières réalisées par la technologie BeeBryte : l’entreprise annonce qu’un client peut, grâce à elle,  effectuer une économie de 40% sur sa facture d’électricité.

Même si dans un premier temps le but est de réduire sa facture d’électricité sans pour autant diminuer sa consommation, le fait de pouvoir visualiser et piloter sa consommation énergétique incite, par une prise de conscience de l’impact de ses comportements, à consommer moins. Il serait en effet possible de visualiser les points de gaspillage d’électricité, en cas d’appareils électriques défectueux comme les radiateurs. Le Smart Building pourrait inciter à consommer mieux et donc à consommer moins.

Un autre avantage est que BeeBryte peut prendre en compte des productions autonomes comme le photovoltaïque pour optimiser les flux en temps réel. Grâce à la combinaison de maîtrise de la charge, du stockage d’énergie et de la production d’énergie solaire, les gains financiers pourraient ainsi être décuplés.

Enfin, cette technologie aurait un intérêt pour les fournisseurs d’électricité qui pourraient agréger les capacités (en charge, comme en décharge) des batteries pour ensuite la revendre aux gestionnaires de réseau dont l’équilibre serait amélioré, tandis que les entreprises bénéficieraient de nouvelles sources de revenus.

En outre, la technologie BeeBryte a l’avantage d’être très simple à utiliser puisqu’elle ne requiert aucune expertise ni aucune action, tout étant géré depuis le Cloud par les algorithmes mis en place. D’ailleurs, pour l’équipe de recherche et développement de BeeBryte, il s’agit là du réel enjeu de la technologie, l’intelligence artificielle permettant de traiter les informations et de proposer une optimisation énergétique prenant en compte le contexte extérieur tel que la météo ou l’évolution des tarifs.

Toujours sur le plan de la simplicité et de la sécurité de la technologie, BeeBryte s’est tourné vers la technologie Blockchain [22] pour le stockage et la transmission de certaines informations fonctionnant de manière autonome ce qui permettrait de suivre à la trace des transactions d’achat de l’énergie. Le Blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle.

3.2. Les obstacles au déploiement de cette technologie

L’un des obstacles majeurs au déploiement de cette technologie est le manque de flexibilité des tarifs de l’électricité, notamment en France dans les usages résidentiels. En effet, pour ceux qui ont un tarif Heures pleines / Heures creuses, cette technologie ne serait pas efficace car la différence entre les deux tarifs est faible : environ deux centimes d’euros par kWh. L’offre BeeBryte est plutôt adaptée aux entreprises qui disposent de tarifs plus variables, et aux pays étrangers dans lesquels l’amplitude tarifaire est plus élevée[23].

Si le client l’accepte, BeeBryte est aussi capable de piloter certains de ses équipements électriques à distance pour réaliser encore d’autres économies. Malheureusement, dans le contexte d’un compteur communicant Linky[24] socialement mal accepté[25], notamment pour des raisons de confidentialité des données et d’électro-sensibilité, on peut imaginer les réticences à l’installation d’équipements encore plus élaborés. À la différence de Linky qui utilise des courants porteurs, BeeBryte travaille en Wifi ou en Ethernet. BeeBryte peut aussi se connecter à Linky et récupérer des relevés toutes les dix minutes. Les fonctionnalités de Linky permettent d’envisager la création de nouvelles structures tarifaires plus complexes, jusqu’à une dizaine d’index, et donc de nouvelles opportunités pour BeeBryte.

Un autre obstacle tient aussi au matériel (batteries et onduleurs), que BeeBryte spécifie mais ne fournit pas, ce qui peut déboucher sur des disparités importantes de qualités et de performances. Les batteries vieillissent, chaque cycle va rendre la charge et la décharge moins performantes. C’est un aspect sur lequel les constructeurs de batteries comme Panasonic ou Samsung travaillent et qu’ils améliorent sans cesse. Pour pallier cette variabilité dans le matériel, BeeBryte a développé et utilise des modèles auto-adaptatifs, qui s’ajustent aux performances réelles du système de stockage piloté et à son évolution dans le temps.

Restent de possibles problèmes de ressources et de pollution du lithium[26] qui pourraient freiner le développement du stockage électrique, ou encore le problème de recyclage souvent avancé par les détracteurs des batteries.

3.3. Pour aller plus loin vers la sobriété énergétique

BeeBryte ne vend pas une solution logicielle mais propose un modèle de revenu basé sur le partage des diminutions de dépenses générées par la technologie : elles sont partagées entre BeeBryte, le consommateur final et un troisième acteur qui a, par exemple, investi dans les batteries. BeeBryte aide aussi ses clients à gérer les coûts liés à leur consommation d’énergie, tant pour sécuriser la fourniture en énergie que pour contribuer à un réseau fiable et résilient.

À terme, l’objectif est de réduire la consommation d’énergie grâce à cette technologie, ce que favorise l’effet de la visualisation de la consommation électrique sur les habitudes. En outre, le contrôle des flux d’énergie dans un bâtiment permet de détecter des dérives dans les équipements,  climatiseurs ou pompes à chaleur défectueux, par exemple, et alerte en vue d’une maintenance, d’un réglage ou d’un remplacement.

Toute l’entreprise Beebryte a fait siennes ces valeurs éthiques et morales d’attachement à une transition énergétique respectant l’environnement et la société. À preuve, le manifeste que doit signer chaque nouvelle personne entrant dans l’entreprise. Le client, à son tour, même s’il recherche d’abord un avantage financier, sera influencé par la démarche de l’entreprise, donc incité à consommer moins. Le gestionnaire de réseau y trouvera son compte, mais les fournisseurs d’électricité ne verront peut-être pas tous cette évolution d’un bon œil.

 

4. Une start-up prête à prendre son envol

Basée à Lyon, dans le 2èms arrondissement, la start-up Beebryte a vu le jour en décembre 2015 après avoir débuté ses travaux en avril 2015.

Co-fondée par Frédéric Crampé, diplômé de l’ISAE-SUPAERO[27] et de l’INSEAD[28], et Patrick Leguillette, diplômé de l’École polytechnique[29] et de l’ISAE-SUPAERO, l’entreprise, début 2017, compte 15 personnes dont la majeure partie se trouve à Lyon. Elle regroupe des ingénieurs, des docteurs en sciences, des informaticiens spécialisés dans le calcul scientifique, le Cloud, l’intelligence artificielle et plus globalement dans l’informatique.

Également présente à Singapour où Frédéric Crampé a vécu et travaillé pendant plusieurs années, BeeBryte espère se développer en Asie. Le marché asiatique, très dérégulé, est très prometteur pour la société qui considère ce dernier comme une rampe de développement commercial.

L’année 2016 a été une année de développement en recherche et développement. Les premiers tests à échelle 1 ont eu lieu début 2017 et ont permis de clore une première phase de développement. Les deux premiers pilotes fonctionnent à Lyon, dans les bureaux de la société,  avec une batterie Powerwall de Tesla et à Singapour dans un petit bâtiment tertiaire avec une batterie particulière au Vanadium (Redox-Flow).

BeeBryte a également collaboré avec différents acteurs de la région, notamment sur Lyon et Grenoble :

  • Enerstone SAS, basé à Grenoble, sur le système de gestion des batteries de leurs testbeds ;
  • SimplX SARL, basé à Lyon, société de développement d’applications Web à forte valeur ajoutée, sur le développement de la plateforme Cloud ;
  • l’INSA Lyon et l’École Centrale de Lyon, pour l’accueil de plusieurs stagiaires ;
  • le CEA de Grenoble et l’Institut national de l’énergie solaire (INES) de Chambéry, avec lesquels des partenariats sont envisagés pour divers sujets de recherche.

Une levée de fonds est prévue courant 2017 pour accompagner le lancement de la solution et son développement commercial. BeeBryte ne vise pas seulement le marché français. Son positionnement à Singapour, véritable carrefour financier et commercial en Asie, est très stratégique.

La société prévoit de maintenir une veille technologique et de soutenir des efforts constants en recherche et développement (R&D) pour suivre l’évolution des technologies et des marchés de l’électricité. Elle est bien décidée de rester à la pointe de l’innovation dans le secteur de l’intelligence énergétique.

 


Notes et références

[1] Service de l’Observation et des statistiques (2017). Chiffres clef 2016. Disponible sur : http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/fileadmin/user_upload/Datalab-13-CC-de_l-energie-edition-2016-fevrier2017.pdf [Consulté le 05/05/2017]

[2] RTE (2017) Bilan électrique 2016. Disponible sur: http://bilan-electrique-2016.rte-france.com/ [Consulté le 06/04/2017)

[3] EDF. La consommation d’électricité en chiffres. Dispoonible sur: https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/le-developpement-durable/la-consommation-d-electricite-en-chiffres [Consulté le 15/03/2017]

[4] On peut tout de même noter une augmentation importante de la consommation des transports et de l’agriculture sur un an.

[5] ENEDIS. Ouverture des marchés de l’électricité. Dispoonible sur: http://www.enedis.fr/ouverture-du-marche-de-lelectricite [Consulté le 15/03/2017]

[6] EDF. Nos offres d’électricité, tarif bleu. Disponible sur: https://particulier.edf.fr/fr/accueil/offres/electricite/tarif-bleu.html [Consulté le 15/03/2017]

[7] EDF. Nos offres d’électricité, l’offre renouvelable. Disponible sur: https://particulier.edf.fr/fr/accueil/offres/electricite-bis/offres-marche.html [Consulté le 15/03/2017]

[8]EDF. Entreprises, nos offres d’électricité.  Disponible sur: https://www.edf.fr/entreprises/electricite-gaz/electricite/nos-offres-d-electricite [Consulté le 15/03/2017]

[9] EDF. Entreprises, fin des tariffs réglementés de vente.  Disponible sur: https://www.edf.fr/entreprises/fin-des-tarifs-reglementes-de-vente [Consulté le 15/03/2017]

[10] EDF. La consommation d’électricité en chiffres. Dispoonible sur: https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/le-developpement-durable/la-consommation-d-electricite-en-chiffres [Consulté le 15/03/2017]

[11] Banque Mondiale.(2017). Il faut redoubler d’efforts pour atteindre les objectifs énergétiques d’ici 2030. Disponible sur: http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/04/03/more-action-needed-to-meet-energy-goals-by-2030-new-report-finds  [Consulté le 05/04/2017]

[12] EDF. La consommation d’électricité en chiffres. Dispoonible sur: https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/le-developpement-durable/la-consommation-d-electricite-en-chiffres [Consulté le 15/03/2017]

[13] Conseil Mondial de l’Énergie (2016). Les scénarios mondiaux de l’énergie. Disponible sur: http://www.wec-france.org/etudes.php [Consulté le 04/04/2017]

[14] Voir: Huard Lucien (1893). Les piles électriques. Paris:L.Boulanger ed. Collection Le livre pour tous. 30p. Disponible sur: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k622367.r=pile volta?rk=150215;2 [Consulté le 04/04/2017] A noter la première phrase de l’ouvrage: “l’électricité est un des étonnements, la plus grande merveille de notre siècle”.

[15] Voir: Dolezalek F. (traducteur depuis l’Allemand Liagre Ch.) ( 1902). La théorie de l’aéccumulateur au plomb. Paris: Béranger C. éd. 179p. Disponible sur: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5530758n.r=accumulateur plomb?rk=21459;2 [Consulté le 04/04/2017]

[16] Wikipedia. Accumulateur lithium-ion. Disponible sur: https://fr.wikipedia.org/wiki/Accumulateur_lithium-ion [Consulté le 04/04/2017]

[17] COGNET Marine et CARBONI Michaël (2017). Stockage de l’énergie : évolution des batteries. Culture Sciences Chimie, ENS, Eduscol. (site de ressources en chimie pour les enseignants). Disponible sur :  http://culturesciences.chimie.ens.fr/stockage-de-lenergie-evolution-des-batteries-12[18] CCI Ile et Vilaine. La baisse rapide du prix des batteries Lithium Ion et la structuration de la filière. Themavision. Disponible sur:  http://www.themavision.fr/jcms/rw_438628/la-baisse-rapide-du-prix-des-batteries-lithium-ion-et-la-structuration-de-la-filiere [Consulté le 04/04/2017]

[19] Legifrance (2012). Décret n° 2012-1405 du 14 décembre 2012 relatif à la contribution des fournisseurs à la sécurité d’approvisionnement en électricité et portant création d’un mécanisme d’obligation de capacité dans le secteur de l’électricité. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000026786328 [Consulté le 04/04/2017]

[20] Sur l’utilisation du Cloud, voir paragraphe 1.3 du document : Roux Caroline, Destais Ghislaine (2017). Récupération de chaleur des datacenters. Grenoble : Encyclopédie de l’Énergie. Disponible sur : https://www.encyclopedie-energie.org/recuperation-de-chaleur-des-datacenters [Consulté le 21/03/2017]

[21] Wikipedia. Onduleur. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Onduleur [Consulté le 04/04/2017]

[22] BLOCKCHAIN-France. Introduction à la Blockchain. Disponible sur : www.blockchainfrance.net [Consulté le 04/04/2017]

[23] Pour rappel, les batteries sont utilisées comme « tampon » pour désynchroniser l’achat d’électricité de sa consommation dans les bâtiments. Ainsi, la consommation reste a priori la même, mais la facture d’électricité est minimisée.

[24] ENEDIS. Linky, le compteur communicant d’ENEDIS. Disponible sur : http://www.enedis.fr/linky-le-compteur-communicant-derdf [Consulté le 04/04/2017]

[25] 60 Millions de consommateurs (2016). Faut-il avoir peur de Linky ? Disponible sur : http://www.60millions-mag.com/2016/06/15/faut-il-avoir-peur-de-linky-10483 [Consulté le 04/04/2017]

[26] Boddenberg Sophia (2016). Le lithium, source dinégalité et de pollution. Future.ARTE. TV. Disponible sur : http://future.arte.tv/fr/le-lithium-source-dinegalite-et-de-pollution?language=fr [Consulté le 04/04/2017]

[27] ISAE-SUPAERO. L’ ISAE-SUPAERO, leader mondial de l’enseignement supérieur dans le domaine de l’ingienierie spatiale. Disponible sur :  https://www.isae-supaero.fr/fr/isae-supaero/l-isae-supaero-206/ [Consulté le 07/04/2017]

[28] INSAED. INSEAD, The business school for the world. Disponible sur : https://www.insead.edu/ [Consulté le 07/04/2017]

[29] L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE. Le cycle d’ingénieur polytechnicien. Disponible sur : https://www.polytechnique.edu/fr/cycle-ingenieur [Consulté le 07/04/2017]

 


Bibliographie complémentaire :

Beebryte. Energy intelligence. Save on utiliy bills. Disponible sur : http://beebryte.com/ [Consulté le 07/04/2017].

 


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