Stockage hydraulique et production d’électricité

L’équilibre du réseau électrique exige une capacité de stockage que, présentement, seule l’hydroélectricité peut fournir de façon adéquate. Par quelles techniques ? Avec quels avantages et inconvénients ? Selon quelle répartition spatiale en Europe ?


L’hydroélectricité est basée sur un concept simple : profiter de l’énergie gravitationnelle que produit la chute et le débit de masses d’eau en vue de la convertir en énergie mécanique puis électrique par le moyen d’un groupe turbine-alternateur.

La création d’un réservoir en amont permet de stocker l’eau, donc une énergie potentielle, puis de la turbiner et produire l’électricité à la demande (Lire : Les ouvrages hydrauliques). L’adjonction d’une fonction pompage permet en outre de transformer une production excédentaire, issue par exemple de parcs éoliens ou photovoltaïques, en énergie potentielle stockée dans le réservoir et utilisable en période de forte demande (Lire : Les stations de pompage (STEP)).

Cette capacité de transformation réversible d’énergie potentielle en énergie électrique, associée à la grande flexibilité des installations hydroélectriques, fait du stockage hydraulique non seulement le premier mode de stockage d’énergie dans le monde (entre 94 et 99 %, selon les sources, des capacités totales de stockage d’énergie) mais également un outil précieux pour la gestion des réseaux électriques (Lire : La percée du stockage électrique : Quelles techniques ? Quelles fonctions économiques ? Quel futur ?).

 

1. Contexte des problèmes de stockage hydraulique

Deux évolutions importantes du secteur de l’énergie sont à considérer dans l’intérêt que présente le stockage hydraulique : d’une part le contexte réglementaire et, d’autre part, le contexte de décarbonation de l’énergie.

1.1. Le contexte réglementaire

Le contexte réglementaire est crucial pour comprendre la valorisation du stockage. Au début des années 1990, tant l’Union européenne que les États-Unis ont amorcé une transformation profonde du marché de l’électricité à partir d’entreprises de services publics monopolistiques, en partie propriétés de l’État, et verticalement intégrées, vers un marché segmenté et concurrentiel (Lire : La complexité des marchés électriques).

Pour permettre cette transition, le cadre réglementaire a fixé des règles de dégroupage du secteur électrique associés à une réglementation différenciée des segments de sa chaîne de valeur : production, commerce de gros, transmission, distribution et vente au détail (Figure 1).

 

Fig. 1 : Business modèle pour le stockage en gros de l'électricité dans un système dérégulé - Source : Assessing Storage Value in Electricity Markets -CE FP7

 

Parmi ces segments, seule la transmission et la distribution restent des monopoles naturels réglementés. La production, le commerce et la vente au détail sont ouverts à la concurrence et soumis aux règles du marché.

L’équilibre du système (équilibre production-consommation) et la qualité de l’énergie fournie (fréquence, tension) sont de la responsabilité directe de l’opérateur TSO (Transmission System Operator). Ce dernier n’est généralement pas autorisé à posséder des actifs de production qui pourraient fournir les services permettant de garantir l’équilibre entre l’offre et demande. Il va donc requérir des services (marché de réserve, par exemple) ou imposer des obligations (obligations déclaratives de production aux producteurs, autre exemple) pour assurer cet équilibre.

C’est dans ce contexte que la fonction de stockage apparaît à différents niveaux, notamment en faisant émerger de nouveaux marchés concurrentiels.

La demande de stockage à grande échelle intéresse le secteur de gros et le commerce ainsi que la transmission.

L’arbitrage de marché de production consiste en des opérations de stockage en charge lorsque les prix de l’électricité sont bas et de décharge aux heures où les prix sont élevés. Les différences de prix résultent généralement de la charge du système et, de plus en plus, de la fourniture de production intermittente à partir du vent et du solaire photovoltaïque.

Le marché de réserve est un cas un peu particulier dans un système d’énergie déréglementé. Le dégroupage du secteur de l’énergie a en effet créé des occasions d’affaires pour les fournisseurs de services auxiliaires et des réserves, du type contrôle de fréquence, réserve secondaire et tertiaire ou divers autres services. Ce segment de marché est toutefois largement influencé par la façon dont il est rémunéré.

L’importance de la structure réglementaire et, partant, économique, de la chaîne de valeurs du marché de l’électricité dans la valorisation de la fonction de stockage est telle que toute modification de cette structure affectera de manière significative la nature et l’intérêt économique du stockage.

1.2. Le contexte de décarbonation de l’énergie

 

 

Fig. 2 : Émissions de gaz à effet de serre des différentes filières de production d'électricité, évaluées sur le cycle de vie des installation - Source : CIRAIG 2014

 

 

La politique énergétique de l’Union européenne (UE) est très orientée vers un objectif de décarbonation de l’économie. Différents scénarios envisagés visent une réduction de 80 à 95 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2050, par rapport à leur niveau de 1990[1]. Pour atteindre cet objectif, la contribution du secteur énergétique, responsable de 75 % des émissions de GES[2], est fondamentale, notamment sous la forme d’une augmentation de la contribution des sources renouvelables (renewable energy sources – RES), faibles émettrices de gaz à effet de serre (GES) (Figure 2). À leur tête, l’éolien et le solaire, mais aussi l’hydraulique bien qu’en croissance moindre.

Parmi les sources renouvelables mobilisées pour produire de l’électricité, l’hydroélectricité est la plus importante, mais de 2005 à 2016, sa part a regressée de 71 à 47 % de toute l’électricité dite renouvelable (Figure 3).

 

Fig. 3 : Production d’électricité dans l’UE28 en 2016. - Source : Eurostat (https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Electricity_production,_consumption_and_market_overview#Electricity_generation)

 

À l’avenir, sa production continuera d’augmenter, mais sa part dans le mix électrique diminuera encore du fait de la plus forte croissance des autres sources renouvelables, éolien et solaire. Selon le National Renewable Energy Action Plan (NRAP), adopté par l’UE en 2010, la capacité hydroélectrique installée passerait de 115 GW à 135 GW entre 2005 et 2020, avec une production supplémentaire par an de seulement 23,5 TWh, soit une production de 370,3 TWh (Figure 4).

 

Fig. 4 : L'hydroélectricité dans l'UE-27 en 2005 et 2020 (plan NREAP). L’électricité RES représentera 42,6% de l'ensemble des secteurs RES en 2020 (en chauffage et en refroidissement avec 45,4%, le reste pour les dans les transports).

 

On ne doit cependant pas oublier que l’intégration des sources dites fatales, électricité d’origine éolienne et photovoltaïques, ne pourra se réaliser que par l’utilisation, à différents niveaux, de moyens de régulation et de stockage d’énergie parmi lesquels l’hydraulique apportera une contribution majeure.

 

2. Le rôle et les différents niveaux de stockage d’énergie dans le système électrique

Les systèmes de stockage d’énergie interviennent à différents niveaux du système électrique : production, transmission, distribution, consommation, leurs caractéristiques spécifiques variant en fonction des usages.

2.1. Avantages du stockage

Si, fondamentalement, le rôle du stockage est de concilier la variabilité de la production à la variabilité de la consommation, on distinguera les applications selon qu’il s’agit plutôt de disposer de réserve de puissance ou de réserve d’énergie. Dans le premier cas, il s’agit de pouvoir injecter une forte puissance pendant une durée courte, comptée en minutes, voire en secondes ; dans le second cas, il s’agit de disposer d’une réserve d’énergie pouvant être mise à disposition sur une période longue, comptée en heures.

 

Fig. 5 : Services en termes de besoin de capacité installée et de temps de réactivité. - Source : IEA Technology Roadmap Energy Storage 2014

 

Les technologies de stockage sont diverses ( Lire : La percée du stockage électrique : Quelles techniques ? Quelles fonctions économiques ? Quel futur ?). Elles transforment l’électricité en une autre forme d’énergie stockable, puis convertissable de nouveau en électricité. Les systèmes concurrents à l’hydraulique stockent l’électricité sous la forme d’air comprimé, de gaz naturel, d’hydrogène, de piles à combustible, de chaleur ou d’inertie (volants d’inertie). Ces diverses formes de stockage peuvent être classées en fonction de leurs caractéristiques puissance/temps de décharge et de leur positionnement dans le système électrique (Figure 5).

Dans le détail, les besoins identifiés sont principalement :

  • le stockage saisonnier ;
  • les arbitrages de marché soit un stockage d’énergie produite en période de bas coût pour être revendu en période de coût élevé ;
  • les services auxiliaires (ou services système) : les paramètres clés qui doivent être contrôlés pour assurer un flux d’électricité stable sont la fréquence, la tension et la puissance réactive, ainsi que l’inertie ou réserve tournante du système, facteurs permettant le bon équilibre entre les variables et la production dispatchable ;
  • l’intégration des sources de production intermittentes ;
  • la constitution de réserve en vue de suppléer à la défaillance brutale de moyens de production centralisée afin d’éviter des opérations de délestage ;
  • besoins auxquels faut ajouter la capacité de démarrage dite black start, c’est-à-dire sans source d’énergie extérieure.

 

Fig. 6 : Exemple de mix électrique à dominante hydraulique, sans énergie nucléaire. Bleu clair : hydraulique au fil de l’eau, rouge : thermique classique, vert : stockage hydraulique journalier, bleu foncé : stockage hydraulique saisonnier, violet : pompage. - Source : Eurelectric 2011

 

Plusieurs avantages sont attendus du stockage.

  • Pour la production : le stockage offre des possibilités de capacité d’énergie pour l’ensemble du marché de la vente et d’arbitrage de l’énergie. Dans l’optique de la transition énergétique, cela revient à subventionner et à fixer les systèmes tarifaires fixes pour les énergies renouvelables (RES) en devenant ainsi un système de produits axés sur le marché. Le stockage est nécessaire pour compenser l’intermittence, améliorer la disponibilité de la production RES, sous l’angle en particulier de la non-gérabilité de la production stabilisée d’énergie renouvelable.
  • Pour le réseau de transmission et de distribution : les installations de stockage peuvent contribuer à une augmentation du taux d’utilisation du report de réseau et d’investissements ;
  • Pour la charge (consommation) : les installations de stockage peuvent aider à déplacer la demande d’électricité des heures de pointe, le nivellement de la charge d’actifs, l’amélioration de l’utilisation et de service au consommateur (Figure 6).

L’hydraulique permet ainsi d’assurer une régulation long terme avec une gamme variée de solutions (haute et faible chutes, potentiel marin ou en boucle), et de développer le stockage du gaz pour les cas adaptés.

Toutes les technologies de production d’électricité n’ont pas la même souplesse technique quand il devient nécessaire d’équilibrer les fluctuations de la demande ou de fournir une capacité de secours pour les RES.

2.2. Stockage à petite échelle ou décentralisé

Le stockage d’énergie décentralisé ou distribué se réfère à des systèmes connectés au réseau en basse ou moyenne tension. Ces derniers sont installés à proximité des centres de consommation, des sources de production d’énergie renouvelable, intégré sur les circuits de distribution. Dans ce cas, l’intégration du stockage décentralisé dans le réseau de distribution doit faire l’objet d’accords entre les acteurs, surtout au sujet de la connexion des moyens de stockage et des droits d’accès. Cette exigence est une source d’incertitude sur les garanties de services pour les fournisseurs. Dès lors, pour faciliter le développement et l’intégration du stockage, Eurelectric avance plusieurs recommandations :

  • le stockage décentralisé devrait être considérée comme une partie du développement d’un système d’électricité intelligent ;
  • le stockage décentralisé pourrait servir les intérêts du marché ainsi que les acteurs gestionnaires de réseaux de distribution (GRD), ce qui implique que les modèles de marché, les rôles et les responsabilités des acteurs impliqués soient clairement conçus ;
  • le stockage décentralisé n’est pas la solution miracle pour un réseau plus efficace et stable, mais il doit être évalué et comparé à d’autres options de flexibilités telles que la participation de la demande ou de la génération de back-up ;
  • le financement de la recherche européenne sur le stockage devrait se concentrer sur les technologies clés qui encouragent l’intégration des systèmes de stockage dans le réseau d’électricité ;
  • une approche holistique tenant compte de tous les coûts et avantages est nécessaire pour atteindre les objectifs énergétiques de l’UE et, en douceur, intégrer les technologies de production décentralisée dans le système de smart électricité ;
  • le système de tarifs devrait être réexaminé dans le cadre d’un réseau intelligent.

2.3. Stockage à grande échelle

L’exploitation de grands réservoirs d’eau et des centrales de pompage turbinage offre une position unique de leader du stockage massif. Ses atouts sont en effet la performance énergétique (rendement global de conversion élevé) ainsi que le coût d’investissement (longue durée de vie et technologie mature) et d’exploitation (coûts de fonctionnement et de maintenance -O&M, taux de pannes, prévisibilité de la ressource).

Le stockage hydraulique massif offre ainsi la possibilité de stocker l’énergie électrique en surplus et de répondre de façon réactive et sur de grandes capacités aux variabilités de l’offre et de la demande. Les technologies de stockage massif peuvent infléchir sur des durées importantes la nature fatale et intermittente des RES, avec une forte capacité d’adaptation aux besoins du marché en découplant la production et la consommation d’énergie.

 

3. L’estimation du besoin en stockage

Au cours des années 1980, en France notamment, le développement important du stockage hydraulique était lié au développement de l’énergie nucléaire, alors peu flexible. À la veille des années 2020, c’est l’augmentation de la part de la production d’électricité issue de sources intermittentes (éolien et photovoltaïque) qui justifie l’augmentation des capacités de stockage.

L’évaluation des besoins de stockage liés à ce développement est difficile dans la mesure où ces besoins dépendent de plusieurs facteurs : le foisonnement des sources intermittentes lié à leur répartition géographique et donc soumises à des climats différenciés ou non ; l’évolution des types de consommations qui dépend de la capacité des consommateurs à s’adapter aux conditions de la production, ce qui serait le cas, par exemple, de la recharge des véhicules électriques ; du niveau de maillage du réseau et du coût relatif du stockage par rapport à des moyens de production pilotables tels que les centrales à gaz.

 

Fig. 7 : Part de l'électricité d'origine renouvelable selon le scénario 2DS. - Source : IEA. Technology Roadmap Energy Storage 2014

 

Une évaluation de ces besoins a été effectuée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) à partir d’ un scénario dit 2DS qui vise à à limiter l’augmentation de la température moyenne de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, en portant la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité à près de 45 % dans le cas de l’UE (Figure 7).

Compte tenu du potentiel déjà exploité d’énergie hydraulique, cet objectif ne pourra être atteint que par le développement de sources intermittentes qui entraîne mécaniquement une augmentation des besoins de stockage d’énergie. Toujours pour l’UE, ce besoin était évalué à 70 GW à l’horizon 2015, mais Il pouvait être réduit à 50 GW en cas de développement important du parc de véhicule électrique (EV) et d’une gestion intelligente de leur recharge (Figure 8). En revanche, ce besoin aurait pu atteindre 90 GW dans un Breakthrough Scenario suposant une baisse drastique du coût du stockage journalier, rendu ainsi plus compétitif que les moyens actuellement utilisés pour assurer l’équilibre du réseau par des centrales gaz à cycle combiné.

 

Fig. 8 : Capacité de stockage en 2011 et en 2015 selon 3 scenario de stockage quotidien. - Source : IEA. Technology Roadmap Energy Storage 2014

 

D’autres évaluations des besoins de stockage, à plus long terme, sont fonction du pourcentage d’intégration de sources d’énergie intermittentes. L’Association européenne pour le stockage d’énergie (European Association for Storage of Energy – EASE) les a compilées (Figures 9 et 10).

 

Fig. 9 : Besoin en stockage d’énergie des pays membres de l’UE en fonction du pourcentage d’intégration de sources intermittentes. Plusieurs valeurs pour un même pays correspondent aux résultats de différentes études. - Source : EASE 2018

 

La dispersion des résultats de ces études révèle la difficulté d’anticiper l’évolution des modes de production et de consommation de l’énergie. Dans tous les cas, un accroissement des besoins de stockage reste inévitable dans le cadre d’une augmentation des sources décarbonées intermittentes.

 

Fig. 10 : Ratio entre besoin de stockage et consommation d’énergie selon différentes études, en fonction du pourcentage d’intégration de sources intermittentes. - Source : EASE 2018

 

4. Les différentes formes de stockage hydraulique

On peut distinguer trois types de centrales hydrauliques aptes à réaliser du stockage d’énergie : les centrales des aménagements hydroélectriques dits « de lac », les centrales des aménagements hydroélectriques « au fil de l’eau », les aménagements hydroélectriques de pompage-turbinage (Lire : Les ouvrages hydrauliques). Les stockages que permettent de réaliser les divers types d’aménagement sont très différents.

4.1. Les aménagements hydroélectriques dits « de lac »

Les centrales hydroélectriques dits « de lac » sont des aménagements pour lesquels on a construit un ouvrage (barrage) permettant de constituer une réserve d’eau (réservoir) suffisante pour permettre une régulation du débit du cours d’eau tout au long d’une saison ou de l’année. Les centrales hydroélectriques avec de grands réservoirs peuvent même fournir une régulation du débit sur une base pluriannuelle (Lire : Les grands aménagements hydroélectriques : Génissiat (I) et Les grands aménagements hydroélectriques : Génissiat (II)). En zone montagneuse, des plans d’eau naturels peuvent également être utilisés comme réservoir.

Ces réservoirs sont reliés aux centrales hydroélectriques par des tunnels, galeries, conduites forcées, permettant ainsi d’obtenir des hauteurs de chute importantes: plus de 1 800 m pour la centrale de Bieudron par exemple (Lire : Hydroélectricité : les conduites forcées de l’entreprise Bouchayer-Viallet à Grenoble).

Ces hauteurs de chute importantes permettent, même avec de faibles débits, d’obtenir des puissances élevées. La création d’un réservoir sur un cours d’eau de faible débit permet ainsi de produire une puissance élevée pendant une courte période. Ces installations sont réservées à une production de pointe.

Des centrales de type réservoir peuvent également être créées dans le cours supérieur d’une rivière équipée, en aval, d’une chaîne d’aménagements au fil de l’eau. Les éclusées réalisées par la centrale réservoir située en amont sont ensuite turbinées par les aménagements situés en aval.

Les centrales hydroélectriques avec un petit réservoir sont conçues pour moduler la production sur une base quotidienne ou hebdomadaire et peuvent fournir des services de flexibilité principalement par la puissance d’équilibrage.

Les centrales hydroélectriques avec de grands réservoirs offrent un très haut niveau de services, elles permettent un stockage d’énergie à grande échelle pendant les périodes de faible demande (remplissage naturel du réservoir) et peuvent rendre cette énergie immédiatement disponible par turbinage lorsque la demande augmente, par exemple pendant les périodes de consommation de pointe. Leur temps de réponse rapide, de moins de cinq  minutes, leur permet de répondre instantanément aux fluctuations soudaines de la demande.

Aucun autre système de production d’électricité ne peut offrir un niveau comparable de services. Ces centrales fournissent également la gamme complète des services auxiliaires, y compris le réglage de fréquence et de tension ainsi que la capacité de démarrage en black start (sans source d’énergie extérieure). Cette capacité de démarrage est un atout fondamental dans le cas d’un effondrement total de la production d’électricité. Un groupe de centrales hydroélectriques est ainsi prêt pour réaliser la tâche d’exciter une ligne de transmission majeure (fonction dite de renvoi de tension) et être en mesure relever un réseau.

Ce type d’aménagements ne peut pas stocker une énergie électrique déjà produite par d’autres moyens alors que la demande est faible, ils ne peuvent que stocker une énergie potentielle.

4.2. Les aménagements hydroélectriques « au fil de l’eau »

Par définition, une centrale dite « au fil de l’eau » ne possède pas de capacité de stockage. Construite dans le lit de la rivière, elle utilise son débit dit naturel bien qu’il puisse être influencé par des aménagements situés plus en amont. Dans la pratique, ce type de centrale ne dispose que d’une petite capacité de stockage, de l’ordre de deux heures, au débit moyen de la rivière, par exemple (Lire : Hydroélectricité au fil de l’eau : du projet à l’exploitation).

Les centrales au fil de l’eau ne proposent donc que des possibilités de stockage à court terme, permettant ainsi une certaine adaptation à la demande, en particulier pour les services auxiliaires tels que la fréquence et le contrôle de la tension ou un déplacement d’une partie de leur production des heures de faible consommation vers les heures de pointe.

Dans le cas d’une chaîne d’aménagements au fil de l’eau, une gestion optimisée, tenant compte des temps de transfert entre aménagements et de leur capacité de stockage, permet de réaliser des éclusées synchrones issues, par exemple, d’un aménagement de type réservoir situé en amont.

 

Fig. 11 : Illustration du concept de chaîne hydroélectrique sur la rivière Kitinen en Finlande

 

Inversement, une charge constante obtenue à partir d’une centrale hydroélectrique au fil de la rivière est possible si la rivière est déjà réglementée en amont par une centrale hydroélectrique d’une capacité de stockage grâce à son réservoir. Cette stratégie est couramment utilisée pour optimiser la production d’énergie des centrales hydroélectriques sur une rivière à condition de construire un grand réservoir de stockage dans le bassin versant supérieur qui peut égaliser les flux pour plusieurs centrales au fil de l’eau avec des petites usines lorsqu’on se rapproche du réservoir en aval (Figure 11).

Comme pour les aménagements de lac, les aménagements au fil de l’eau ne peuvent pas stocker une énergie électrique déjà produite par d’autres moyens alors que la demande est faible, ils ne peuvent que stocker une énergie potentielle.

4.3. Les aménagements hydroélectriques de pompage-turbinage

Les installations de pompage-turbinage, dites Station de transfert d’énergie par pompage (STEP) ou Pumped Storage Plant (PSP) fonctionnent entre une retenue supérieure et une retenue inférieure (Lire : Les stations de pompage (STEP)).

 

Fig. 12 : Illustration du principe de fonctionnement d'une centrale hydroélectrique à accumulation par pompage. - Source : EDF

 

En mode production, l’eau est libérée de la retenue supérieure vers la retenue inférieure à travers les turbines pour produire de l’électricité en période de forte demande. En mode pompage, l’eau est pompée de la retenue inférieure vers la retenue supérieure en utilisant l’énergie excédentaire ou de faible coût (éolien, photovoltaïque, nucléaire) en période de faible consommation. Contrairement aux aménagements de lac ou au fil de l’eau, les STEP sont donc à même de stocker une électricité déjà produite (Figures 12 et 13).

 

Figure 13 : L’aménagement de pompage-turbinage de Racoon Mountain (USA), d’une puissance installée de 4 x 413 MW. - Source : Voith

 

Selon que l’un des réservoirs est une partie du système naturel de la rivière, ou que les deux réservoirs sont des bassins de stockage, l’accumulation par pompage des centrales hydroélectriques peut tomber dans l’une ou l’autre des deux catégories :

  • système mixte de pompage-turbinage avec apports naturels ;
  • système de pompage-turbinage pur, sur réservoirs artificiels, sans apport extérieur.

Ces centrales sont caractérisées par :

  • la puissance installée (de quelques MW à plus de 1 000 MW);
  • la capacité de stockage des deux réservoirs,

caractéristiques qui permettent de déterminer le type de cycle de fonctionnement de la centrale.

Les centrales de pompage-turbinage sont généralement exploitées sur des cycles journaliers ou des cycles hebdomadaires (Figure 14).

 

Fig. 14: Exemple de cycle d'une PSP à cycle hebdomadaire. Puissance (en haut) et volume stocké (en bas) en fonction des jours de la semaine

 

Notes et références

[1] (https://ec.europa.eu/clima/sites/clima/files/docs/pages/com_2018_733_en.pdf

[2] (https://ec.europa.eu/clima/sites/clima/files/docs/pages/com_2018_733_en.pdf

 

Bibliographie complémentaire

[1] Argonne National Laboratory (2013). Modeling Ternary Pumped Storage Units. Accessible sur https://www.osti.gov

[2] Avellan F. (2012). Evolution des groupes de pompage-turbinage. Situation actuelle, technologies et nouveaux projets. Bulletin Electro-suisse 2/2012 p. 37-40.

[3] EASE/EERA (2017). European Energy Storage Technology Development Roadmap 2017 update. Accessible sur http://ease-storage.eu

[4] European Environment Agency (2018). Renewable energy in Europe – 2018 Recent growth and knock-on effects. Accessible sur https://www.eea.europa.eu/

[5] Eurelectric (2015). Hydropower supporting a power system in transition. Accessible sur https://www.eurelectric.org

[6] Eurelectric (2011). Hydro in Europe : Powering Renewables. Full report and annexes. Accessible sur https://www.eurelectric.org

[7] International Energy Agency (2014). Technology Roadmap. Energy Storage. Accessible sur https://www.iea.org

[8] European Commission. Joint Research Center (2012). Pumped-hydro energy storage: potential for transformation from single dams. Accessible sur https://ec.europa.eu/jrc/en

[9] European Commission. Joint Research Center (2013). Assessment of the European potential for pumped hydropower energy storage. Accessible sur https://ec.europa.eu/jrc/en

[10] European Commission. Joint Research Center (2013). Assessing Storage Value in Electricity Markets. Accessible sur https://ec.europa.eu/jrc/en

 


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