Solaire thermique : les technologies et leurs trajectoires

Encore limitée si on la compare aux autres sources d’énergie, l’énergie solaire est en train de devenir l’une des sources renouvelables majeures, au côté de la biomasse, de l’énergie hydraulique et de l’énergie éolienne. Comment ? Pourquoi ?

Pour le comprendre, il est indispensable de connaître la ressource et les principes de conversion du rayonnement solaire en chaleur ou en électricité, (Lire : Énergie solaire : les bases théoriques pour la comprendre) mais il faut aussi découvrir son origine et la trajectoire des principales technologies qui assurent la conversion du rayonnement solaire.


L’idée de convertir l’énergie solaire en chaleur à des fins domestiques (chauffer de l’eau ou des locaux) et industrielles (générer de l’électricité) est ancienne mais il faudra attendre la crise pétrolière, à la fin du 20ème siècle, pour que l’intérêt de la conversion thermique ou thermodynamique revienne avec force. Il se traduira par l’essor massif des chauffe-eau solaires tant en Allemagne qu’en Grèce, Chypre ou Israël et la construction de centrales thermodynamiques à concentration pour la production d’électricité en France et surtout en Espagne (Lire : Solaire thermique et photovoltaïque : une brève histoire).

 

1. Solaire thermique et production de chaleur

Fig. 1 et 2 : Schéma des capteurs plans et des capteurs sous vide

Les caractéristiques des capteurs à la base de la conversion du rayonnement solaire en chaleur dépendent de la température et du type d’installation visés: bâtiment, industrie ou centrale thermoélectrique. Elles dépendent aussi de la localisation et en particulier du taux de rayonnement direct.

Il s’agit dans chaque cas d’optimiser le coût du kWh final dans un contexte d’application donné. Ce coût est une fonction complexe du rendement énergétique, du coût de remboursement du capital et du coût de maintenance, sachant que la ressource est gratuite.

Fig. 3 : Schéma de fonctionnement d’un capteur plan utilisant l’effet de serre explicitant les divers flux énergétiques

Différents type de capteurs solaires thermiques ont donc été développés au fur et à mesure des développements des différents marchés. Par ordre croissant de complexité et de température visée, on peut distinguer plusieurs types de capteurs (collecteurs).

  • Les capteurs simples constitués d’un matériau absorbant qui enferment une circulation d’eau et qui ne font appel ni à l’effet de serre, ni à un isolant. Ils utilisent souvent un polymère souple et noir dans lequel circule de l’eau. Ils sont bon marché et sont utilisés pour des applications simples en basse température comme le chauffage des piscines.
  • Les capteurs plan utilisent l’effet de serre et sont constitués successivement d’un vitrage, d’un espace d’air et d’un métal de bonne conductivité thermique recouvert d’un absorbeur sélectif. Le métal est en contact avec des tuyaux de cuivre dans lesquels circule le fluide caloporteur. Un isolant en face arrière permet de limiter les pertes thermiques. Ce type de capteur, le plus fréquent, est utilisé pour les applications courantes comme le chauffage de l’eau chaude sanitaire (Figure 1).
  • Les capteurs sous vide sont constitués de tube en verre sous vide. Le fluide circule au centre du tube dans un tuyau recouvert de matériau absorbant. Le vide permet de fortement limiter les pertes. (Figure 2)
  • Les capteurs à concentration sont souvent cylindro-paraboliques. Ils sont constitués de miroirs cylindro-paraboliques qui concentrent le rayonnement sur un tube placé au foyer, qui est recouvert d’un matériau absorbant et dans lequel circule le fluide caloporteur. Ils sont utilisés le plus souvent dans les pays à fort taux d’ensoleillement et pour des applications de grande taille et nécessitant une forte température (Figure 3).

Fig. 4 : Rendement de conversion de différents types de capteur thermique en fonction de la différence entre la température dans le capteur et la température ambiante

Le rendement de conversion de ces capteurs diffère et dépend de l’écart de température entre le capteur et l’ambiance (Figure 4). Selon l’application et la température recherchée, on optera donc pour le capteur approprié en recherchant le meilleur compromis entre le coût d’investissement et la productivité énergétique.

À titre d’exemple, pour la chauffage d’une piscine à 30°C, soit 10°C au dessus de la température ambiante, (Figure 5), on peut tout à fait se satisfaire de capteur polymère sans verre (unglazed) tout aussi efficace dans ces conditions que les autres et beaucoup moins onéreux au mètre carré.

À l’inverse pour une application du type eau chaude sanitaire avec des températures visées supérieures à 60°C, on devra recourir à des capteurs plan vitrés ou à des capteurs à tube sous vide.

 Fig. 5 : Schémas de principe des systèmes solaire thermique à thermosiphon et à circulation

Pour les applications dans les bâtiments, le fluide caloporteur est l’eau à laquelle on ajoute éventuellement des additifs comme des antigels. Ces capteurs sont couplés avec des systèmes de stockage de la chaleur. On distingue pour les usages les plus courants dans le bâtiment deux sortes de systèmes (Figure 5).

  • Les systèmes à thermosiphon ont un réservoir de stockage placé au sommet et une circulation assurée par la différence de densité entre l’eau chaude et l’eau froide. On évite ainsi l’utilisation de pompes, ce qui permet d’abaisser considérablement le coût. En revanche, ces systèmes ne sont adaptés qu’aux climats chauds sans risque de gel l’hiver. La présence du ballon d’eau chaude sur le toit est jugée souvent disgracieuse.
  • Les systèmes à circulation forcée comportent des pompes assurant la circulation du fluide : on peut ainsi installer le stockage à l’endroit choisi à l’abri du gel et de trop grosses pertes thermiques. Un circuit fermé relie le capteur et un échangeur dans le ballon de stockage. Pour ces systèmes, on trouve le plus souvent un moyen de chauffage complémentaire destiné à couvrir les besoins dans les périodes faiblement ensoleillées.

 

2. Solaire thermodynamique à concentration et production d’électricité

L’idée de convertir la chaleur solaire en travail (énergie mécanique) en utilisant un cycle thermodynamique est ancienne (Lire : Solaire thermique et photovoltaïque : une brève histoire). Ce travail peut naturellement être ensuite converti en électricité, sur la base  du même principe que pour toute centrale thermique utilisant d’autres sources de chaleur (combustibles fossiles ou biomasse, réaction nucléaire).

Pour que le rendement soit suffisant, il faut, comme pour tout système utilisant un cycle thermodynamique, une température élevée de la source chaude (Lire : La thermodynamique : énergie et entropie). Pour obtenir une telle température, dans un système où la chaleur vient du rayonnement solaire, ce dernier doit être concentré. Pour ce faire, on ne pourra utiliser que le rayonnement direct et pas le rayonnement diffus (Lire : Énergie solaire : les bases théoriques pour la comprendre). Ce type de centrale ne pourra donc être exploitée que dans les pays à fort taux d’ensoleillement direct, pays situés dans ce qu’on a coutume d’appeler la ceinture solaire (Sun Belt).

La spécificité des centrales solaires thermiques à concentration si on les compare aux centrales photovoltaïques tient à la possibilité de stocker l’énergie sous forme de chaleur à un coût beaucoup plus faible que celui du stockage sous forme électrique. On pourra ainsi optimiser le profil de production et produire de l’énergie en dehors des périodes de rayonnement (passages nuageux ou période nocturne).

Fig. 6 : Les différents modes de concentration pour les centrales thermodynamiques à concentration

Quatre systèmes de concentration ont été développés et ont été utilisés à plus ou moins large échelle (Figure 6).

  • Les systèmes à concentrateurs cylindro-paraboliques et à collecteur linéaire qui sont les plus courants. Ils sont constitués de miroirs courbés en forme de paraboloïde cylindrique et d’un collecteur linéaire placé au foyer de ce système. Un fluide caloporteur, le plus souvent une huile haute température circule dans ce collecteur. Un système de suivi avec un seul axe permet de suivre la course du soleil et de s’assurer que le rayonnement parvienne bien dans son intégralité sur le collecteur.
  • Les systèmes à miroir de Fresnel et à collecteur linéaire. On utilise ici une série de miroirs légèrement incurvés dans une direction et montés sur des suiveurs avec un algorithme de déplacement spécifique à chaque miroir tel que le rayonnement soit constamment dirigé sur le collecteur. Ce système permet une plus grande surface de miroir par rapport au précédent, moins de prise au vent et un collecteur totalement fixe qui ne tourne pas en même temps que le miroir. On a donc une mécanique et une fluidique simplifiée.
  • Les systèmes à tour. Ici on utilise un champ d’heliostats comportant chacun son propre moteur et son propre système de suivi à deux axes et qui tous pointent vers un seul point focal positionné au sommet d’une tour à l’endroit du quel on place un collecteur. Le gros avantage de ce système est de minimiser la circulation de fluide et d’obtenir un facteur de concentration potentiellement très élevé. La difficulté est d’obtenir une densité homogène et reproductible sur le collecteur.
  • Les paraboles unitaires ou disques paraboliques (Parabolic Dish). Un miroir en forme de paraboloïde de révolution est monté sur un pilier et orienté vers le soleil par un système de suivi à deux axes. Un système compact complet comportant un collecteur couplé à un moteur (convertisseur thermodynamique) de type Stirling et un générateur électrique sont placés au foyer et se déplace en même temps que le miroir. On évite ainsi tout autre système annexe. Le gros avantage ici est qu’on dispose d’un système totalement autonome permettant soit de faire de petites centrales adaptées au besoins locaux, soit de faire des centrales de plus grande taille mais totalement modulaires.

Les deux premiers systèmes sont à concentration linéaire (concentration des rayons selon une ligne) et les deux derniers à concentration ponctuelle (concentration en un point focal)

Fig. 7 : Le principe général d’une centrale avec découplage du circuit primaire de captation du flux solaire et du circuit secondaire pour le cycle thermodynamique

Dans ces systèmes, différents types de fluides caloporteurs et différents cycles thermodynamique peuvent être utilisés.

  • Les huiles minérales haute température sont utilisées principalement dans les centrales cylindro-paraboliques (température d’environ 300 à 400 °C). La chaleur y est récupérée au cours d’un cycle de Rankine dans un circuit secondaire.
  • Les sels fondus (pour des températures supérieures à 500°C). Ce sont des mélanges de nitrate (ou nitrite) de sodium et de potassium, mieux adaptés pour le stockage thermique. Ils sont souvent utilisés dans les centrales à tour.
  • Les fluides organiques (butane, propane, fluorinol, ou autres) avec une température d’évaporation relativement basse sont utilisés comme fluide thermodynamique à basse température dans les cycles de Rankine organique.
  • La vapeur d’eau est utilisable en double fonction à la fois comme fluide thermodynamique et comme fluide caloporteur.
  • Les gaz neutres (hydrogène, hélium) ou l’air sont utilisés comme fluides thermodynamiques dans les systèmes de type disque parabolique et pour entraîner un moteur thermique de type Stirling placé au foyer du disque

Fig. 8 : Les différentes options de fluides et de technologies pour les deux circuits (captation et conversion) selon les températures

Dans le cas des fluides caloporteurs non vaporisables, comme les huiles ou les sels fondus, on recourt à un circuit secondaire avec un fluide vaporisable (vapeur d’eau, fluide organique) pour la conversion thermodynamique et un échangeur (Figure 7).

Au total, on aboutit à une large palette d’options en fonction des fluides, des gammes de température et des cycles thermodynamiques (Figure 8).

Fig. 9 : Vue aérienne de la centrale solaire de Gemasolar (Espagne) – Source : Beyond Zero Emissions, via Flickr, https://www.flickr.com/photos/beyondcoalandgas/9296666273

Historiquement et au cours des années de 1990 à 2010, ce sont essentiellement des centrales de type cylindro-paraboliques qui ont été installées majoritairement en Espagne et aux États-Unis, souvent avec l’utilisation d’huiles ou de sels fondus.

Depuis quelques années, les technologies se diversifient avec le développement des centrales à tour et des centrales à miroirs de Fresnel, ce dans différents pays du monde : Chine, Inde, Afrique du Sud, Moyen Orient, Maroc et autres. Sur la vue de la centrale à tour de Gemasolar (Figure 9), on distingue le champ d’heliostats, la tour et les cuves de stockage des sels fondus.

 

3. Utilisation de la chaleur thermique pour les autres applications : froid, désalinisation

On peut aussi utiliser la chaleur issue des capteurs solaires haute température, avec ou sans concentration, pour d’autres applications comme la production de froid ou la désalinisation.

Dans le premier cas, on parle de froid solaire , issu de cycles thermodynamiques par adsorption ou par absorption.

À ce jour, malheureusement le nombre d’installation pour les deux applications reste très limité.

 


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