L’éolien en haute altitude

L'éolien en haute altitude

L’exploitation de l’énergie éolienne progresse en altitude. Les avancées  de la connaissance des vents de hautes altitudes suscitent des innovations qui vont du cerf-volant générateur d’électricité à l’éolienne aéroportée, au deltaplane motorisé et au drone de Bladetips Energy dont la conception est décrite en détails.


Depuis des siècles, l’homme a cherché à exploiter l’énergie du vent. Il a d’abord permis aux agriculteurs de moudre leurs céréales ou d’actionner une pompe pour irriguer les champs avec les moulins à vents. Aujourd’hui, les éoliennes apparaissent comme une alternative aux moyens de production électrique traditionnels dans le cadre de la transition énergétique. Signataire du protocole de Kyoto et suite aux engagements de la COP 21 en 2015, la France tout comme les 28 États de l’Union européenne se doivent de réduire de 40 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990. Cet objectif nécessite un changement conséquent dans toute l’organisation économique de la gestion de la production énergétique. En France notamment, plus de 70 % de la production d’électricité est assurée en 2016 par la filière électronucléaire. Sujet à controverse, cette ressource qui ne rejette pourtant pas de carbone effraye tant l’ampleur d’éventuels accidents nucléaires peut être grande. D’autre part, les énergies fossiles qui entrent encore dans la production d’électricité de l’hexagone devraient être abandonnées. C’est pourquoi les énergies renouvelables (EnR) s’imposent comme indispensables pour relever les défis environnementaux et énergétiques du 21ème siècle.

 

1. Contexte économique, enjeux et développement de l’éolien

L’éolien connaît actuellement un formidable essor tant la ressource de l’énergie cinétique du vent est abondante partout dans le monde. D’ailleurs, de nombreuses études se proposent d’évaluer ce gisement éolien et d’en définir le potentiel d’exploitation (Lire : Production d’électricité éolienne : de la caractérisation du gisement éolien aux technologies d’aérogénérateurs).

1.1. Marché du renouvelable et rôle de l’éolien

Fig.1 : Evolution de la puissance éolienne installée en France - Source: FEE-2016

Historiquement, le marché de l’éolien s’est développé en France au début des années 2000 par une prise de conscience des enjeux environnementaux. Depuis, il n’a cessé d’évoluer jusqu’à atteindre en 2016 une capacité totale installée de plus de 12 000 MW. Cette croissance du parc français résulte à la fois d’une évolution progressive des mœurs qui tendent à accepter le renouveau de l’éolien mais également d’une évolution des technologies qui en font un investissement perenne. Cette filière connaît actuellement un essor considérable qui ne cessera de se poursuivra dans le futur (Figure 1). Notons, de même qu’en 2010 la progression de l’éolien s’est essoufflée principalement du fait des procédures administratives longues, fastidieuses donc trop souvent abandonnées. Par la suite, des simplifications ont été apportées par le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) afin de redynamiser la production.

Fig. 2 : Cartographie des différents acteurs animant la filière - Source: Bearing Point 2016 [1]

Pourtant, le potentiel français en terme de champs éoliens pourrait arriver à saturation. En effet, les zones d’implantations nécessitent des vents forts et constants qui sont rares sur le territoire, d’autant plus que de nombreux projets se heurtent à des contraintes sociétales et territoriales fortes. L’éolien offshore (au large des côtes) offre une réelle alternative dans ce domaine puisqu’il élude les considérations locales et permet un développement important dans des zones inoccupées. Ainsi, de plus en plus de projets de champs éoliens offshores se développent et les premières installations devraient être opérationnelles d’ici à 2018. Malheureusement l’intermittence et la variabilité du vent conduisent à des déséquilibres et une exploitation défectueuse des ressources. En effet, le facteur de charge établit le ratio théorique entre l’énergie électrique réellement produite et celle que l’éolienne produirait si elle fonctionnait sur une année entière à sa puissance nominale. Il avoisine en 2016 les 20 % pour une installation terrestre moderne . C’est un manque à gagner énorme pour la production électrique puisqu’à défaut de pouvoir stocker un surplus éventuel d’énergie, il est à l’heure actuelle impossible d’être indépendant énergétiquement grâce à l’éolien. Du coup, certains inventeurs entendent élever les éoliennes jusqu’à de plus hautes altitudes pour permettre d’atteindre des vents plus forts et réguliers. C’est un marché potentiel qui s’offre à ces technologies novatrices et de nombreux acteurs s’activent pour faire que cette transition énergétique soit effective (Figure 2[1]).

Dans cette perspective, il paraît indispensable de repenser le modèle de production, d’exploitation et de consommation  énergétique pour satisfaire au mieux les objectifs environnementaux fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et la programmation pluriannuelle pour l’énergie (PPE). À ce propos, plusieurs associations et chercheurs s’activent pour imaginer des substituts à ces modèles de développement à travers de nouveaux scénarios énergétiques pour les prochaines décennies en France (Lire : Le scénario négaWatt 2011 et Le scénario de l’ANCRE pour la loi de la transition énergétique).

1.2. Étude des vents de hautes altitudes

En portant un court regard étymologique sur le terme d’éolienne, on comprend de façon imagée combien ce mode de production d’électricité s’articule autour du dieu grec Éole qui règne en maître sur les vents du globe. L’éolien exploite donc l’énergie cinétique du vent dans le but de produire de l’électricité. C’est pourquoi il est indispensable d’optimiser, d’une part la technologie d’exploitation de cette ressource (pales, génératrice, entre autres), mais aussi de rechercher des vents adaptés à cette production.

On peut aisément comprendre dans quelle mesure il est possible d’utiliser cette énergie cinétique du vent en analysant les travaux du physicien Betz qui au début du 20ème siècle s’intéressa à la puissance maximale récupérable par une technologie de type éolienne. Il montre alors que cette puissance théorique exploitable par un capteur éolien vaut 16/27 de la puissance incidente du vent en amont (Pmax,extraite = 16/27 x Pincidente ). Dans les faits, cette limite n’est jamais atteinte puisqu’elle suppose une technologie idéale et qu’elle ne traduit que partiellement les contraintes réelles de l’expérience. Néanmoins, on comprend là combien la puissance du vent joue un rôle clé dans la  production électrique.

Cette conclusion amène d’autres interrogations quant à cette énergie qui est partout présente mais pourtant complexe tant elle est variable dans le temps et l’espace. Un des principaux enjeux est aujourd’hui de lisser la production éolienne pour plus de régularité. Cette technologie constituera alors l’un des premiers leviers de la transition énergétique sans intermittence de production.

 

Fig. 3 : Evolution des gradients de vent - Source: Archives des publications du CNRC, Le vent sur les bâtiments Dalgliesh, W. A.; Boyd, D. W. 1964

À proximité de la surface terrestre, le vent est relativement faible. C’est le phénomène de couche limite qui traduit la difficulté qu’à le vent à circuler lorsqu’il rencontre un obstacle (arbre, bâtiments ou montagnes) à basse altitude. Dès lors, il ne parvient plus à communiquer avec les couches supérieures à l’origine d’un cisaillement conséquent qui réduit considérablement sa vitesse d’écoulement. On dit qu’il existe alors un gradient de vent, c’est-à-dire que l’écoulement du fluide varie selon l’altitude à la fois du fait de sa viscosité dynamique et des obstacles au sol (Figure 3).

De ce point de vue, l’offshore apparaît comme une technologie plus adaptée à la production d’énergie éolienne. C’est un premier pas dans la mesure où les vents y sont plus réguliers à proximité de la surface de l’eau. Ils n’y sont cependant pas nécessairement plus puissants car il réside encore des turbulences non négligeables tant sur le plan de l’utilisation que la fabrication ou la maintenance des éoliennes offshores.

La solution se trouve en haute altitude à 300/400 m au-dessus du sol où les vents sont bien plus réguliers et surtout plus puissants. En effet, on y trouve des vents pouvant varier entre 100 et 300 km/h quand, à basse altitude, ils descendent parfois en deçà des 5 km/h pour une vitesse moyenne annuelle n’excédant pas 100 km/h. Les technologies d’éoliennes classiques souffrent de ce phénomène puisque dans le cas des éoliennes industrielles modernes, elles sont généralement dimensionnées pour fonctionner avec des vents supérieurs à 11,6 km/h. En outre, depuis les premières installations modernes de champs éoliens au milieu du siècle dernier, la taille des éoliennes a constamment progressé passant d’une trentaine de mètres à plus de 120m. Malgré cela, ces machines ne fonctionnent toujours pas de façon optimale (facteurs de charge modestes) faute de vents conséquents ou de vents trop forts.

On ne doit pas oublier, en effet, que l’éolienne traditionnelle est contraignante dans la mesure où des vents trop forts endommageraient la structure si la machine n’était pas arrêtée. De nombreux champs éoliens sont alors à l’arrêt et les pales bloquées car les turbines modernes sont dimensionnées pour exploiter des vents moyens ou faibles. Récupérer l’énergie des vents forts n’est par ailleurs pas rentable puisque cela demande un investissement élevé qui n’est malheureusement pas récupéré du fait de la trop faible occurrence de ces vents à basse altitude. Avec un facteur de charge plus important, l’insertion dans le réseau serait facilité. On comprend alors pourquoi l’exploitation des vents à haute altitude constitue une alternative éventuelle qui intéresse de nombreuses sociétés. Le projet de champs éolien offshore à Courseulles-sur-Mer près des côtes du Calvados en Normandie en est un bon exemple.

Fig. 4 : Carte des vents Corseulles-sur-Mer à quelques dizaines de mêtres (à gauche) et plus de 450m (à droite) - Source: Météo France

Une étude des vents pour une journée de février à quelques dizaines de mètres d’altitude, là où opèrent les éoliennes traditionnelles, révèle des vents non uniformes et relativement faibles (de l’ordre de 5m/s = 18km/h) dans cette région (Figure 4). À l’inverse, pour des altitudes de plus de 450m au dessus du sol, le champ des vents est beaucoup plus régulier et uniforme avec des vitesses de plus de 50km/h. Il est donc intéressant d’exploiter les vents de hautes altitudes pour améliorer la production tout en éludant la problématique d’intermittence de l’énergie éolienne. Par ailleurs, des études de l’académie américaine des sciences et de la revue Natural Climate Change s’accordent sur le fait qu’à haute et très haute altitude (courant jet stream à une dizaine de kilomètres d’altitude), le potentiel théorique est alors de 18.000 TW/an. Cette puissance équivaut à plus de 1000 fois l’énergie annuelle consommée dans le monde ! C’est pourquoi le marché de l’éolien trouve dans des altitudes toujours plus hautes de nouvelles perspectives pour développer la production électrique dans le futur.

1.3. Enjeux et contraintes sociales

Alors qu’il est l’une des composantes essentielles de la transition énergétique, l’éolien peine à se développer en France tant les contraintes sociales sont fortes dans certaines régions. Bien que globalement approuvée dans son principe, cette source d’énergie est en effet contestée dans sa phase de projet à partir du moment où une réelle implantation territoriale est envisagée. Les critiques les plus fréquentes évoquent le bruit des pales, la transformation de l’habitat local, les perturbations sur les radars de l’aviation et de la météo, les dangers pour la faune et la flore ou encore la dévaluation des actifs (immobiliers, patrimoniaux ou  touristiques). Par ailleurs, les dimensions des éoliennes terrestres qui ne cessent de croître pour plus de productivité intensifient ces contraintes sociales. En effet, les vibrations engendrées au sol tout comme l’impact visuel sur le paysage s’en trouvent accentués.

« Les habitants de la Montagne Ardéchoise défendent leurs paysages, leur cadre de vie et de travail (…) pour préserver leurs potentiels touristique et agricole de qualité »  lit-on ainsi dans la lettre d’EVIA aux conseillers généraux d’Ardèche.

 Pourtant, des régions de plus en plus nombreuses apprennent à vivre avec ces éoliennes et en retirent des bénéfices aussi bien économiques que financiers. Certaines sont même convaincues que ces champs éoliens apportent un réel rayonnement à leur localité. D’autant qu’avec le développement des technologies d’éoliennes, ces projets sont de mieux en mieux anticipés par les différents acteurs. Ainsi, les implantations se multiplient avec l’aide d’une planification réglementée stricte qui fait l’objet d’un dialogue fort entre les agents publiques, les acteurs économiques et les collectivités locales. Selon le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED), il s’agit alors d’inscrire l’acceptabilité dans un enjeu de politique publique. Il n’est plus simplement alors question de « technologie générique » propre à l’installation technique mais également de « technologie multiple » propre à chaque localité[2].

Dans l’optique d’élargir encore le potentiel éolien en France, l’avenir est aux installations offshores aéroportées. Loin des côtes, les nuisances dues à ces perturbations sonores ou visuelles sont partiellement occultées. De ce fait, les technologies d’éoliennes « volantes » répondent à la fois à un défi technique mais également aux contraintes d’ordre sociétal et environnemental qui accompagnent traditionnellement les projets terrestres. Ce nouveau dispositif ne fait cependant pas totalement consensus car il soulève d’autres problèmes, de navigation aérienne et militaires, notamment.

 

2. Une vague d’innovation qui prend de l’altitude

Dans le but d’exploiter les vents à haute altitude, de nombreuses technologies de rupture avec l’éolien classique ont vu le jour. Cette vague d’innovation a été principalement initiée par le mathématicien Miles L. Loyd qui a publié en 1980 Crosswind Kite Power, ouvrage de référence sur la production énergétique par l’utilisation d’un cerf volant. Au début du 21ème siècle et avec le défi de la transition énergétique,  start-ups et projets se sont multipliés, dont quelques uns qui méritent d’être présentés.

2.1. Le cerf-volant générateur d’énergie

La technologie de la société EnerKite entend exploiter la force du vent en haute altitude à l’aide de l’objet le plus commun à cette pratique : le cerf volant. Il n’est plus alors question d’éolienne classique ni de pales mais bien d’une technologie volante plus légère, tractée uniquement par la force des vents. La conception, tout comme le transport et l’installation, sont alors considérablement facilités par cette structure minimaliste et non conventionnelle. C’est notamment cette simplicité dans la technologie qui concurrence les structures traditionnelles plus chères et encombrantes au sol. D’ailleurs, l’impact visuel est ici minimisé tout comme le bruit généré usuellement par la rotation des pales, du rotor et des organes mécaniques en mouvement. Les contraintes sociales et le dérangement des riverains sont également amoindris. Mais cette innovation se démarque également de ses prédécesseures puiqu’elle exploite les courants en haute altitude de façon novatrice. L’énergie cinétique du vent n’entraîne donc plus directement le rotor par l’intermédiaire des pales mais c’est le mouvement de va et vient du cerf volant qui génère une force de traction au sol à travers la corde. Cette corde est dimensionnée de façon à ce qu’elle soit suffisamment résistante face aux forces de traction et entraîne ainsi un générateur au sol. Le générateur électrique transmet ensuite l’énergie électrique produite au réseau ou à des batteries de stockage.

Fig. 5 : Illustration du plan de vol du cerf-volant EnerKite - Source: enerkite.de http://www.enerkite.de/downloads/EK_Broschure_EN.pdf

Cette technologie s’articule en de deux phases distinctes : une de production d’énergie et l’autre de transition du cerf volant. Pendant la phase 1 (Figure 5), le cerf volant engrange progressivement de l’énergie potentielle de pesanteur en prenant de l’altitude. Avec ces mouvements ellipsoïdaux et une orientation de la structure adaptée, le cerf volant gagne de l’altitude et entraîne le générateur électrique au sol. C’est la phase de production d’électricité. Dans un second temps, le cerf volant ayant atteint son altitude maximale plonge pendant la phase 2 pour retrouver son altitude basse. Cette phase transitoire ne constitue ni un gain ni une perte en énergie puisque selon le principe de conservation de l’énergie mécanique, l’énergie cinétique et potentielle se compensent pendant la phase de descente. Pour cela, deux cordes sont également rattachées aux extrémités du cerf volant : elles permettent de modifier automatiquement l’inclinaison de la structure et le faire redescendre.

Ainsi le système est dynamique et s’autorégule dans la transition des deux phases. De même il permet de gérer les vents turbulents qui seraient hypothétiquement amenés à déséquilibrer la structure. C’est finalement une technologie totalement inédite proposée par la société EnerKite qui ouvre la production éolienne en haute altitude. Son atout majeur est de positionner au sol l’ensemble des équipements électriques : générateur, régulateur de tension/ puissance/ fréquence, transformateur élévateur de tension. L’exploitation de cette technologie exclut cependant le fonctionnement en vent presque nul. Dans ce cas, le cerf volant n’est plus en mesure de maintenir son altitude et s’écroule. Un plan de vol pourrait éventuellement pallier ce problème, comme indiqué plus loin.

 

2.2. La « deltaplane motorisée » en fonctionnement générateur

Fig. 6 : La structure de Makani Power en vol - Source : Youtube. https://www.youtube.com/watch?v=GSYMHzgLLn8

Dans un mode de fonctionnement tout à fait différent, mais toujours dans le but d’exploiter les vents de haute altitude, l’entreprise Makani Power[3] développe une technologie motorisée volante et réversible. La structure est ici conçue en fibre de carbone à l’image d’un avion propulsé.

Fig. 7 : Illustration représentant une éolienne terrestre, offshore, offshore sur base flottante et la technologie de Makani Power - Source: onearth.org

Deux ailes en matériaux composites offrent en effet la possibilité de vol autonome pour des vents assez puissants. La trajectoire circulaire simule la rotation des pales d’éolienne à très grande échelle. De plus, la structure est constamment orientée vers les vents les plus réguliers et les plus forts par un système de commande qui utilise, entre autres, GPS et outils de mesure. Huit moteurs DC brushless sont embarqués sur le mécanisme au niveau des ailes et, face à la force du vent, ils sont entraînés en rotation. Ils fonctionnent alors en mode générateur et produisent de l’énergie électrique. Cette énergie ne peut être stockée au niveau de la structure volante donc Makani Power propose une solution technique qui consiste à transférer cette énergie par l’intermédiaire du câble conducteur en aluminium reliant l’engin au sol. C’est donc ce câble qui joue le rôle d’intermédiaire entre la production et la récupération de l’énergie produite, ensuite transférée sur le réseau électrique. La station au sol permet donc d’une part de collecter l’électricité produite mais elle sert également de plateforme de stockage de la structure lorsque le vent est trop faible pour la maintenir en vol (Figure 7).

L’un des atouts de cette technologie réside dans sa capacité à décoller de façon autonome. Les turbines embarquées sont réversibles et sont amenées à fonctionner en moteur pendant l’étape de décollage. L’engin est alors propulsé par ses moteurs également alimentés par le câble conducteur qui le relie au sol. Ainsi, il peut s’élever jusqu’à atteindre une altitude suffisante pour laquelle les vents parviennent à l’entraîner en mouvement. Les moteurs deviennent générateurs et produisent de l’électricité. L’énergie utilisée pour le décollage de la structure est conséquente mais celle produite compense la largement. L’entreprise Makani Power prévoit par ailleurs une puissance nominale développée d’environ 600 kW. C’est donc moins que les éoliennes nouvelle génération traditionnelles (de l’ordre de quelques MW) mais le fonctionnement presque en continu, rend sur ce point la machine  plus compétitive. L’atout de cette technologie est de pouvoir maîtriser les cycles de montée et descente de l’éolienne en altitude grâce à la possibilité de fonctionnement moteur-générateur.

2.3. L’éolienne aéroportée

Fig. 8 : Eolienne aéroportée Altaeros Energies en vol - Source: https://fr.pinterest.com/pin/80220437089702218/

L’éolienne aéroportée trouve également sa place dans le paysage des technologies innovantes qui se développent aujourd’hui dans les centres de recherche. Il s’agit ici de maintenir un ballon gonflé à l’hélium à haute altitude et de le relier au sol par un câble conducteur qui sert d’ancrage. La base de l’éolienne est en béton pour permettre une assise au sol conséquente. L’entreprise Altaeros Energies a mis au point le prototype abouti d’une éolienne de ce type qui permettrait de produire deux  fois plus d’électricité en utilisant les vents puissants à plus de 300m d’altitude. Constitué en toile pour sa légèreté, cet aérostat arbore trois pales en matériaux composites. Des technologies du même type utilisent ces pales pour permettre à la structure, sous l’action du vent, d’être entraînée en rotation sur elle même. On appelle ce phénomène l’effet Magnus. La rotation de l’aérostat placé dans un vent relatif modifie le champ de vitesse autour de l’objet. Cette particularité est fortement accentuée par la présence des pales. Une fois le ballon en rotation, un générateur placé sur l’axe récupère cette énergie cinétique et la convertit en électricité. De la même façon que la technologie de Makani Power, cette électricité est transportée jusqu’à la station au sol par le câble conducteur et éventuellement stockée dans des batteries ou injectée dans le réseau. Ici, l’entreprise Altaeros Energies utilise simplement cet aérostat comme levier pour amener toute la structure à haute altitude là où les vents sont plus forts et réguliers (Figure 8).

Dans ce cas, une éolienne placée en son sein capte l’énergie cinétique et produit de l’électricité. La toile de l’aérostat joue par ailleurs le rôle d’un carénage pour l’aérogénérateur, améliorant ainsi le rendement aérodynamique. Cet engin volant permet de pallier l’intermittence et la faible puissance du vent au sol  mais il exige une  maintenance obligatoire tous les trois mois environ pour recharger le ballon en hélium. En effet, un mètre cube est utilisé par kilogramme de poids mais 1% de la quantité totale d’hélium est perdue chaque mois. L’accès à l’engin et sa disponibilité sont facilités par sa légèreté ce qui rend la maintenance plus que raisonnable. Néanmoins, cette contrainte marque une limite relativement critique pour une transposition à l’échelle mondiale. En effet, l’hélium n’est disponible qu’en faible quantité et fait partie des rares matières premières qui s’échappent de notre planète. À haute altitude, des signalements visuels clignotants sont prévus pour permettre d’éviter d’interférer avec tout aéronefs et sécuriser l’installation. Mais cette technologie peut également être adaptée à basse et moyenne altitude si les vents le permettent puisque sa conception autorise le maintien en l’air même en cas de vents faibles. Cet atout en fait l’une des technologies majeures dans le domaine des générateurs d’électricité de haute altitude. De plus, elle présente également un avantage dans  le domaine des télécommunications puisque l’entreprise assure que la stabilité et le positionnement de l’installation pourrait en faire une une antenne idéale de relais de transmission. Issus du Massachusetts Institute of Technology (MIT), les trois inventeurs entendent commercialiser cette technologie dans les années à venir. Un prototype probant de 35 pieds de large et de même longueur a déjà vu le jour et laisse espérer de belles réalisations pour le futur.

 

3. Le drone générateur d’énergie de Bladetips Energy

Un projet tout a fait innovant dans le domaine des éoliennes aéroportées a récemment vu le jour sous l’initiative du doctorant Rogelio Lozano. Ce dernier, après s’être intéressé au vol des cerfs volants générateurs d’énergie, propose une technologie inédite portée par la start-up grenobloise Bladetips Energy dont il est l’un des initiateurs avec Thibault Cherqui (Figure 9). Ce drone générateur d’énergie entend révolutionner la production d’électricité en repensant les modèles d’éoliennes traditionnelles pour plus de rentabilité et d’efficacité à haute altitude. Depuis 2010, une dizaine de prototypes différents se sont succédé, si bien que le projet atteint une maturité technologique de niveau 4. Ceci signifie que le projet est validé dans un contexte de laboratoire sous la forme de prototype. La prochaine étape consiste en une validation de la technologie dans un environnement extérieur plus représentatif des conditions réelles d’exploitation. En ce sens, Bladetips Energy a fait la promotion de son projet notamment au concours EDF Énergie intelligente où elle a remporté le Prix spécial du jury en 2015[4]. Puis, en 2016, ses responsables étaient présents à Abu Dhabi pour le World Future Energy Summit qui fait référence en matière de recherche et développement d’énergies nouvelles renouvelables. Un prototype de 20 kW de puissance est actuellement en cours de réalisation et Bladetips Energy espère pouvoir aboutir à une commercialisation d’ici 2020.[5]

3.1. Développement du projet

Fig. 9 : La start-up BladeTips Energy - Source : BladeTips Energy (bladetipsenergy.com)

La start-up grenobloise développe une technologie de rupture avec les éoliennes traditionnelles. La priorité est ici donnée à l’efficacité depuis la fabrication jusqu’à la production électrique en passant par la maintenance ou le transport. Plus compacte et plus légère, la technologie met en œuvre trois pales reliées entre elles par un câble lui même relié au sol. Sur la base flottante (pour l’offshore) repose un générateur relié aux ailes par ce même câble. Le mouvement exploité ici n’est plus celui de la rotation des pales mais le va et vient de l’ensemble de la structure qui tracte le générateur. C’est un mode de production électrique similaire à la technologie de l’entreprise Enerkite.

Fig.10 : Fonctionnement du générateur à gauche produisant de l'électricité par traction du câble et à droite avec le câble détendu - Source : EchoScience Grenoble [6]

Chaque aile est autonome puisqu’une électronique embarquée et un système de pitch permet de modifier leur orientation et d’appréhender les turbulences en s’autorégulant. On parle alors de drone générateur d’énergie (Figure 10[6]). La structure minimaliste permet un transport facile à l’aide d’un simple camion ou d’un conteneur pour un dispositif à l’échelle 1 de 2 MW. De même, l’implantation ne nécessite pas une grande débauche de moyens matériels et humains puisqu’un bateau peut se charger de transporter à lui seul plusieurs engins. Enfin, la maintenance est plus aisée dans la mesure où la plus grande partie du système se positionne au niveau de la station sur la base flottante tandis que le rotor volant ne nécessite que relativement peu d’entretien. Ces avantages font de la technologie de Bladetips Energy un produit très compétitif prometteur pour le futur de la production énergétique à haute altitude. L’éventail des puissances nominales envisagées pour cette technologie (de quelques kW à plusieurs dizaines de kW) et la relative simplicité du système de production constituent de plus un avantage pour alimenter des sites isolés.

3.2. Détails du fonctionnement

Le dispositif imaginé par Bladetips Energy s’articule autour de techniques innovantes spécifiques aux différentes étapes de la production d’énergie. Ainsi, le décollage, le maintien en vol et le contrôle de la trajectoire sont autant d’étapes qui demandent à être étudiés puis testés consciencieusement  pour permettre la réussite du projet.

3.2.1. Le décollage

Fig.11 : Illustration du décollage du rotor - Source : BladeTips Energy

Le décollage de la structure est délicat puisqu’il se veut totalement autonome géré uniquement par l’électronique et l’instrumentation embarquées sur le rotor. Or, à basse altitude, l’écoulement du vent étant plus turbulent et aléatoire, la manœuvre représente un réel défi technologique pour la machine de Bladetips Energy. Le rotor repose sur la base flottante et couvre initialement une aire très faible pour faciliter le transport et optimiser astucieusement la taille de la plateforme de décollage. À la manière du rotor d’un hélicoptère, les trois pales du rotor du système entrent en rotation à l’aide de petits moteurs intégrés dans chacune des pales qui fonctionnent de façon spécifique au décollage.

Ces moteurs génèrent chacun une force orthoradiale par rapport au rotor ce qui l’entraîne en rotation et crée une force de poussée verticale ascendante qui fait décoller l’engin (Figure 11). Le rotor volant s’envole alors progressivement jusqu’à atteindre une altitude telle que le vent est assez intense pour suppléer les moteurs embarqués. À cette altitude et dans ces conditions nominales, le système démarre ses phases de production d’énergie électrique. Il est important de préciser que l’énergie consommée pour le décollage est finalement minime en comparaison à l’énergie produite.

3.2.2. Le contrôle de la trajectoire en l’air

Après plusieurs batteries d’essais avec une, deux puis trois pales, c’est finalement cette disposition qui a remporté l’adhésion des concepteurs pour plusieurs raisons. D’une part, elle offre une meilleur stabilité qui facilite la portance du drone en vol. D’autre part, elle constitue une solution technologique efficace pour le décollage comme expliqué précédemment. En l’air, l’engin ne se contente néanmoins pas seulement de mouvements ascendants et descendants mais poursuit sa rotation sur lui même. Il est important de préciser que le câble ne vrille pas sous l’effet de la rotation puisqu’un roulement réalisé à l’aide d’un petit moteur électrique placé à la base du rotor permet de faire tourner le câble. Cet élément se maintient donc en vol grâce aux trois pales qui sont pourtant indépendantes mais agissent ensemble pour générer cette portance.

Pour comprendre plus exhaustivement le mécanisme qui amène ce drone à se maintenir en altitude sous l’effet du vent, le cas d’un « trois pales » mérite d’être étudié. On définit l’angle d’attaque (AOA) qui joue un rôle clé dans le plan de vol. En effet, lorsque le vent incident rencontre la pale, il crée une dépression sur la partie supérieure de l’aile. L’air qui s’écoule sur l’extrados (partie supérieure) aura une vitesse supérieure à celle passant sur l’intrados (partie inférieure). Une haute pression au niveau de l’intrados va amener ce phénomène de portance (force de portance $$vec{L}$$ ).

Fig.12 : Ecoulement le long d'une pale de la structure - Source : Thèse Rogelio Lozano [7]

C’est la forme particulière de la pale qui conduit à un écoulement plus rapide au dessus qu’au dessous de l’aile. De même, une force de trainée $$vec{D}$$, également engendrée par l’action du vent, est orientée selon la valeur de l’AOA. Pour un vol stationnaire ou ascendant, la pale adopte une orientation spécifique qui accentue l’effet de sa portance (Figure 12[7]).

À l’inverse, dès que l’angle d’attaque diminue, la portance diminue également et l’aile est susceptible de s’effondrer. En fait, en jouant sur l’AOA, on peut en théorie facilement faire varier la portance sur l’aile et donc l’altitude de l’engin. C’est d’ailleurs la technique utilisée par Bladetips Energy pour permettre la transition entre deux phases de production d’énergie. Une fois l’altitude maximale atteinte, des pitchs et tout un système embarqué modifient l’inclinaison des pales pour que le rotor volant descende à l’altitude basse. Chacune des trois pales est automatisée et fonctionne indépendamment pour permettre une autonomie en vol. Le rotor peut, grâce à ce système, alterner entre les périodes de production d’énergie électrique dans la montée grâce à la force de portance puis redescendre en se stabilisant.

3.2.3. Reverse Pumping

 

Bien que les vents en haute altitude sont plus intenses et réguliers, Il arrive parfois qu’ils soient trop faibles pour parvenir à maintenir une telle machine en vol. De ce fait, la technologie qui trouvait dans sa constance et son autonomie ses principaux avantages compétitifs se trouve dépréciée par la nécessité d’ une intervention humaine et d’une  plateforme adaptée pour l’atterrissage. Ces contraintes sont coûteuses et aléatoires particulièrement en offshore où, à défaut d’être dangereuses pour les riverains, elles pénaliseraient totalement l’installation.

Fig.13 : Exemple d'un plan de vol pour le Reverse Pumping avec Et énergie de traction, Ec énergie cinétique et Ep énergie potentielle - Source : Thèse Rogelio Lozano

Le plan de vol dit de reverse pumping apporte une solution et vise à maintenir la structure en l’air en exerçant une force de traction dirigée vers la base flottante au sol. C’est cette force de traction physiquement réalisée par le câble reliant la station au sol au rotor volant qui permet de transmettre l’énergie nécessaire au maintient de la structure en vol. Elle ne nécessite alors aucune source d’énergie embarquée sur le rotor pour un maintien en l’air en cas de vents faibles. Cette technique s’articule autour de deux phases distinctes : la phase d’accumulation d’énergie cinétique et la phase de transfert d’énergie potentiel (Figure 13).  L’énergie Et désigne l’énergie de traction développée par le moteur au sol pour tracter la structure comme décrit précédemment. On définit donc un plan de vol qui permet en théorie de maintenir le drone en l’air même en cas de vents faibles.

L’énergie Et est proportionnelle à l’énergie cinétique emmagasinée lors de la descente et constitue donc des pertes dans le calcul du rendement de l’installation. Dans le cadre de la technologie de Bladetips Energy, des études ont montré que l’intérêt de cette technique est relatif à cause du dimensionnement du câble qui est complexifie (donc plus cher) auquel s’ajoutent des pertes électriques  pour effectuer la traction. Afin d’optimiser la puissance générée, la startup préfère au reverse pumping d’autres alternatives de plan de vol plus économiques.

3.3. Avantages du système

Le drone générateur d’énergie de Bladetips Energy se démarque des éoliennes classiques par de nombreuses caractéristiques d’ordre technique intéressantes du point de vue de la conception et de l’exploitation.

3.3.1. Optimisation des pales

La startup a développé sa technologie dans une optique d’optimisation au niveau des vents en haute altitude d’abord, mais aussi dans la structure en elle même. En effet, le rotor est quelque peu étonnant dans la mesure ou les pales sont très réduites en comparaison de celles des éoliennes traditionnelles. On peut penser qu’alors une importante quantité d’énergie est perdue puisque l’aire balayée est finalement moins conséquente. Cependant, il n’en est rien puisque le dernier tiers des pales de l’éolienne est responsable à lui seul de la majorité du couple mécanique exercé au niveau du générateur. En effet, ce phénomène peut être compris intuitivement par la technique du bras de levier. Lorsqu’on exerce une force sur une pale de longueur fixée en une de ces extrémités au noyau, celle-ci entraînera d’autant plus le rotor en rotation que cette force est loin de l’axe de rotation. C’est également le fait que l’extrémité des pales aura une vitesse bien plus importante qu’un point est positionné près de l’axe de rotation. Une large quantité d’énergie cinétique, proportionnelle au carré de la vitesse, se développe alors et explique cette étonnante capacité à créer un couple mécanique conséquent à l’instar des éoliennes classiques. Si on suppose une force de poussée exercée uniformément et une évolution linéaire des couples sur toute la longueur de la pale, on peut trouver que plus de 78% du couple mécanique total est provoqué par le dernier tiers de la pale. C’est donc une perte minime en terme énergétique mais un gain considérable pour la légèreté et le coût de l’installation.

3.3.2. Stabilité de la structure

Sa stabilité est une autre caractéristique qui fait de cette installation une technologie intéressante d’un point de vue économique. À l’instar de leurs homologues terrestres, en effet,  les éoliennes industrielles développées connaissent de fortes perturbations dues aux couples générés au niveau du rotor qui déstabilisent la base. On sait que chaque fondation et donc son coût, sa caractéristique technique ou sa maintenance est directement influencé par les conditions du site. De fait, les installations classiques, qu’elles soient terrestres (fondation superficielle ou sur pieux) ou offshores (fondation monopieu, gravitaire ou métallique) requièrent un investissement technique et financier conséquent pour compenser les couples générés. Le vent incident qui permet la rotation des pales induit également une force dont la résultante globale est perpendiculaire au plan du rotor. C’est cette force, qui par l’effet de bras de levier, engendre un moment à la base de la structure.

Fig.14 : Schéma des technologies de BladeTips Energy et d'une éolienne classique. Représentation des efforts et couples exercés sur la structure - Source : EchoSciences Grenoble [8]

Pour ces raisons, les fondations constituent un enjeu majeur pour la pérennité d’une installation. Le coût et la technologie adoptée pour assurer la stabilité sont d’autant plus importantes dans le cas des éoliennes offshores que les fondations doivent être plus profondes (15% à 20% de l’investissement total). En vue de minimiser ce coût, de nouveaux projets de bases flottantes innovantes tendent à se développer. Toujours est-il que ces systèmes flottants éprouvent ces couples à leur base et nécessitent des systèmes complexes de transfert de ballasts qui permettent d’équilibrer le dispositif. L’installation en mer requiert une base de 1200 tonnes pour une éolienne de 200 tonnes et une puissance nominale de 5 à 6 MW. À l’inverse, le projet de Bladetips Energy s’affranchit de ces contraintes puisque le rotor est relié directement à la base par un câble. Alors, la seule force de traction qui s’applique est alignée avec le centre de gravité de la base et  n’exerce donc aucun moment sur elle. C’est un réel avantage dans la mesure où la base flottante peut être minimisée et simplifiée, donc moins chère (Figure 14[8]).

3.4. Intérêt économique et législation

L’intérêt d’une technologie ne se réduit pas à des considérations techniques puisque le dispositif sera nécessairement amené à évoluer dans un contexte économique. Il s’agit alors également d’évaluer sa rentabilité et ses possibilités de développement sur le marché en accord avec la législation en vigueur.

3.4.1. Coût des installations

Dans le contexte d’une recherche de rentabilité des projets de production d’électricité, l’éolien est sans cesse en quête d’une compétitivité qui dépend surtout du coût des investissements en termes de construction et d’ équipements électromécaniques. L’avantage de la technologie de Bladetips Energy est précisément d’alléger ce coût en s’affranchissant du mât de l’éolienne, du moyeu central comportant le générateur, de deux tiers des pales et de la base massive au sol.

Fig.15 : Comparaison coûts éolienne classique et technologie BladeTips Energy Source : http://www.enr.fr/userfiles/files/Brochures Eolien/Etat Cout de production eolien terrestre VF.pdf

Ainsi, les technologies nécessaires à la fabrication d’une éolienne terrestre et la structure du drone générateur d’énergie sont considérablement différentes (Figure 15).

Au stade  de prototype, les coûts de fabrication sont estimés pour un modèle à l’échelle un tiers tandis que la structure commercialisée (à l’échelle 1) prévoit de développer une puissance nominale approchant 2 MW, ce qui permet de se faire une idée de l’avantage économique de la technologie. Ces conclusions sont néanmoins à nuancer puisqu’il faut également prendre en compte la productivité de l’installation pour en estimer la rentabilité. En l’état actuel d’avancement du projet, il est difficile de donner la valeur d’une telle productivité pour la technologie de Bladetips Energy face à une éolienne classique qui  génère environ 2 kWh/an. Dans le cas de cette dernière, l’investissement pour la fabrication du  mât et des pales correspond à presque la moitié du coût total.  Avec la technologie de Bladetips Energy, le dispositif volant total est simplifié donc théoriquement moins couteux.  De plus, le transport, l’installation et l’exploitation sont facilités. Concernant cette dernière, l’autonomie des pales constituerait un réel atout, s’il était rendu possible puisqu’il permettrait de se protéger en cas de tempêtes ou de situations extrêmes. L’orientation du rotor s’adaptent automatiquement par un ensemble de correcteurs qui corrige la trajectoire et préserve l’installation. Au total, l’entreprise estime qu’avec 80 % de matière en moins, cette technologie innovante serait à même de réduire de 60% l’investissement nécessaire à la fabrication du dispositif par rapport aux éoliennes traditionnelles. Il faut néanmoins rester prudent dans ces considérations financières tant elles sont variables et témoignent d’un état de maturité du projet, ce qui n’est pas encore le cas pour le dispositif de Bladetips Energy.

3.4.2. Législation

Les cerfs volants et engins aériens comme celui de Bladetips Energy font l’objet d’une réglementation stricte de la part du code de l’aviation civile. En effet, pour des altitudes de vol supérieures à 150m, l’ascension doit être prévue par un plan de vol prédéfini. Ce plan de vol constitue la ligne directrice de l’évolution du cerf-volant et doit être communiqué aux organismes de la circulation aérienne en amont. Ces engins font partie de la catégorie des aéronefs civils qui effectuent spécifiquement des vols aériens sans transporter de personnel à bord. Dans leur cas, la législation française stipule l’obligation pour l’utilisateur de mettre en place des feux réglementaires de visibilité. C’est également le cas pour tous les câbles ou engins pouvant intervenir en vol à cette altitude ce qui nécessite un balisage particulier. Cependant, cette réglementation s’applique à des objets volants de façon occasionnelle dans une zone précise. Or, ces technologies aéroportées ne répondent pas à ces critères puisqu’elle sont supposées occuper un espace aérien de façon permanente. La législation française actuelle n’est donc pas adaptée à ces objets volants et producteur d’énergie. Elle devra être précisée et évoluera pour s’adapter à ces nouvelles activités.

 

4. Conclusion

Afin de lutter contre les effets du réchauffement climatique, le monde doit se tourner vers des modes de production d’énergie propres et minimiser le recours aux énergies fossiles. En ce sens, l’éolien apparaît comme une solution durable, non polluante et utilisant une ressource extrêmement abondante : l’énergie cinétique du vent. C’est dans cette perspective qu’au cours des dernières années les projets de champs éoliens se sont considérablement développés dans tous les pays industrialisés en milieu terrestre mais également en offshore. Dans les eaux territoriales françaises, les premières installations devraient voir le jour d’ici peu. Mais la variabilité et l’intermittence du vent posent des problèmes d’équilibre de la gestion économique et d’exploitation technique vis-à-vis des réseaux puisqu’à cause du peu de régularité de la production éolienne, il faut faire appel à d’autres modes de productions électriques modulables pour satisfaire la demande. C’est pourquoi, de nouvelles technologies sont en phase d’incubation et de recherche pour permettre d’atteindre les vents de haute altitude, plus forts et réguliers. Parmi elles, Bladetips Energy propose un concept innovant dont plusieurs prototypes déjà réalisés ont permis de tester, de façon indépendante, le décollage, la génération d’énergie et le vol en mode automatique dans un contexte de laboratoire. La start-up a pour ambition de commercialiser sa technologie d’ici 2020. Toutes ces initiatives laissent espérer de belles avancées techniques dans le domaine des énergies renouvelables et de l’éolien.

 


Notes et références

[1] Bearing Point Observatoire de l’éolien (2016). Analyse du marché, des emplois et du futur de l’éolien en France.

[2] Alain Nadaï, CIRED / Nogent-Sur-Marne. Acceptabilité sociale de l’énergie éolienne?
La planification comme enjeu

[3] Makani Power (x.company/makani/)

[4] CNRS Innovation (2016). Bladetips Energy : vers des éoliennes volantes, plus légères, plus compactes et plus rentables

[5] Interview de Rogelio Lozano (26/02/2017), fondateur et membre  de BladeTips Energy.

[6] Echoscience Grenoble (2016) Bladetips Energy – Grenoble INP

[7] Rogelio Lozano (2014). Thèse réalisée au sein de GIPSA-lab – Université de Grenoble : Study of a flight dynamics of the kite dirigée par Mr Mazen Alamir et codirigée par M.Amhad Hably.

[8] Syndicat des énergies renouvelables (avril 2014). États des coûts de production de l’éolien terrestre en France

 


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