Mali : l’aménagement hydroélectrique de Sélingué

Mali : l'aménagement hydroélectrique de Sélingué. Source : Wikipédia

Pour les populations de l’Afrique au sud du Sahara, en forte croissance et aux accès très limités à l’électricité, l’exploitation du potentiel hydroélectrique est l’une des voies les plus prometteuses. L’expérience des premiers grands aménagements devrait aider à sa réussite dans le cadre d’un développement durable.


Le Mali, d’une superficie de 1 240 150 km2, s’étend sur plus de 12° en longitude et 14° en latitude (Figure 1). Son relief est constitué d’une suite de savanes et de plateaux latéritiques d’une altitude maximale de 500 m, se prolongeant au nord par de grandes plaines sableuses et aboutissant au Sahara. Sa pluviométrie varie de moins 150 mm/an dans la zone saharienne désertique au nord (300 000 km2) à 1 400 dans les zones soudaniennes du sud, en passant par 150 à 750 dans la zone sahélienne du centre.

En 1979, le pays compte environ 6,5 millions d’habitants qui vivent à 90 % en zone rurale mais aussi dans quelques villes telles que Bamako, la capitale, Kayes, Segou, Mopti, Sikasso, Tombouctou  et Gao. Son économie repose sur l’agriculture, l’élevage et la pêche.

Fig. 1 : Le Mali

 

1. Les raisons de la construction du barrage à fins multiples de Sélingué

En 1979, les combustibles ligneux entraient pour plus de 90 % dans la consommation domestique du Mali. « Même dans les grandes villes, ces énergies sont prédominantes ». Leur volume était estimé à environ 5 millions de tonnes de bois de feu et 200 000 de déchets végétaux (coques d’arachide, tiges de coton, bagasse). À quoi s’ajoutaient 174 873 tep (tonnes d’équivalent pétrole) de produits pétroliers divers, dont la moitié de gazole, importés de Dakar et d’Abidjan[1].

À cette même date, les ventes d’électricité ne dépassaient pas 77 GWh pour une production de 93, dont 47 d’hydraulique et 46 de thermique, fournis respectivement par 6 et 19 MWe. Ces derniers étaient constitués de 5 groupes installés à Dar-Salam près de Bamako dont la production était destinée au sous-système interconnecté Bamako-Kati-Koulikoro et de groupes diesel d’une puissance moyenne de 1 MWe installés dans 11 chefs lieux de région et villes moyennes. Ces installations, grosses consommatrice de fuel importé, posaient en sus de gros problèmes de maintenance avec des coupures de courant fréquentes.

Comment développer cette production d’électricité ? Sauf mise en exploitation, peu probable à l’époque, des 870 millions environ de schistes bitumineux du bassin de Gao-Graben, le Mali ne disposait d’aucunes ressources fossiles qui lui auraient permis de ne plus dépendre des importations sénégalaises ou ivoiriennes. La seule perspective offerte était celle de l’hydroélectricité fournie par des aménagements sur les deux grands fleuves traversant le pays et sur leurs affluents (Figure 2).

Fig. 2 : Le Niger et ses affluents au niveau de Bamako

En 1979, les centrales hydroélectriques en fonctionnement sont celle de Sotuba (5 940 kWe) construite en 1966 sur le Niger à proximité de Bamako et celle de Félou, à proximité de Kayes, sur le Bafing, affluent principal du Sénégal. Sous l’impulsion de Modibo Keita, premier président du Mali depuis l’éclatement de l’éphémère fédération du Mali (avec le Sénégal) en 1960, le gouvernement malien avait étudié de nouveaux projets : le barrage réservoir de Sélingué, sur le Sankarani affluent du Niger, d’une puissance installée de 45 600 kWe ; le barrage régulateur de Manantali sur le Bafing (144 000 kWe) qui sera réalisé plus tard dans les années 1990 ; le barrage de Tossaye sur le Niger qui est toujours en projet en 2014.

La productibilité attendue du barrage de Sélingué était de l’ordre de 230  GWh. La régularisation du débit du Niger due à la création du barrage devait accroître la productibilité de la centrale de Sotuba à 40 GWh, avec une possibilité de doublement si on lui ajoutait deux groupes.

Au total, la production hydroélectrique supplémentaire devait permettre de couvrir l’ensemble des besoins électriques du Mali jusqu’en 1990 sur la base du programme d’industrialisation prévu à l’époque. En outre, la construction du barrage devait également permettre de développer certaines zones déjà en culture et d’en mettre en valeur de nouvelles, à l’aval du barrage. La création du réservoir de Sélingué devait également apporter une amélioration non négligeable à la navigation sur le Niger durant les mois d’étiage (de février à mai) lorsque toute navigation est impossible sur le tronçon Kouliloro-Markala. L’amélioration de la navigation aurait assuré une augmentation du trafic passagers et marchandises transportés jusque là par camion, d’où des réductions significatives de consommation de carburants (Figure 3).

Fig. 3 : Photo aérienne du barrage

 

2. La genèse du projet

Le projet remontait à 1964 date à laquelle le gouvernement malien avait financé sur ses fonds propres une étude préliminaire confiée à Italconsult. Celle-ci avait été suivie d’une étude de  rentabilité économique  réalisée en 1966 par le même bureau d’étude, financée par le Fond Européen de Développement (FED).

Avait suivie une étude de faisabilité financée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et réalisée par le bureau d’étude italien Carlo Lotti. Elle comprenait un schéma directeur d’aménagement de toute la zone influencée par le barrage avec, en particulier, un projet de création, à l’aval du barrage, d’un casier agricole irrigué de 1 500 ha.

En 1975, les études d’avant projet détaillé du barrage sont confiées au groupement des bureaux d’étude Carlo Lotti-Sofrelec (EDF international et Société grenobloise d’aménagement hydraulique -Sogreah). Elles comportent, outre l’avant projet détaillé du barrage et de la centrale hydro-électrique, l’étude du placement de l’énergie produite par le barrage, les études socio-économiques et d’environnement, l’étude de la gestion ultérieure du barrage, l’aspect financier et économique, les dossiers d’appel d’offre pour la construction du barrage et la fourniture de l’ensemble du matériel électromécanique : groupes turbo-alternateurs-équipement électrique, poste de transformation,  ligne de transport d’énergie reliant le barrage à la capitale Bamako située  à 150 km et poste d’arrivée à Bamako.

Sur la base de ce dossier, plusieurs réunions de bailleurs de fond sont organisées en 1976 par le gouvernement malien pour trouver le financement de 30 milliards de Francs Maliens de l’époque. L’ampleur de l’aménagement, l’un des premiers de l’époque, ne nécessite pas moins de 13 bailleurs de fond dont le FED pour le génie civil du barrage, la coopération française à travers le Fond d’action et de coopération (FAC) pour la fourniture des alternateurs et de la régulation ainsi que la maîtrise d’œuvre, la Caisse centrale de coopération économique (CCCE) pour le suivi de la gestion de la trésorerie, le Kredit Anstalt für Wiederaufbau pour la fourniture des turbines et la maîtrise d’œuvre, les Fonds du Koweit et d’Arabie Saoudite, la Coopération canadienne pour la ligne de 150 kV de Sélingué à Bamako et le PNUD. Avant même le lancement  des travaux et la signature des marchés, les quatre à cinq réunions plénières qui se tiennent à Bamako, donnent lieu à des négociations compliquées pour les affectations des différents financements aux différentes parties de l’aménagement. Par la suite, tout au long du déroulement du projet, des réunions annuelles se tiendront aussi à Bamako pour contrôler le suivi du chantier, sous l’œil attentif de Lamine Keita, promoteur du projet, et de son équipe de la direction de l’hydraulique du Mali.

 

3. Réalisation des travaux et caractéristiques de l’aménagement

Fin 1976 , la maîtrise d’œuvre est confiée au groupement des bureaux d’étude Sogreah-Lahmeyer International, Sogreah étant chargée de la direction du projet et de la partie électromécanique et électrique, Lahmeyer de la partie génie civil laquelle est réalisée par le groupement Saint Rapt et Brice-SATOM (Société anonyme des travaux d’Outre-Mer). Pour le reste, les turbines sont confiées à la société Voigt, la régulation à Neyrpic, les alternateurs à Alsthom, l’équipement électrique à Trindel et la ligne à BELT. Les travaux qui démarrent en 1977 pour une mise en service des groupes turbo alternateurs et leur raccordement au réseau de Bamako en 1981. La réception des ouvrages et l’inauguration ont eu lieu en 1982.

3.1. La retenue et le barrage

Son volume créé par le barrage, est de 2,25 milliards de m3 occupant une surface maximale de 408 km2. Remontant jusqu’à la frontière guinéenne, la retenue empiète largement sur le territoire guinéen, ce qui donne lieu  à des tractations dont les résultats n’ont  jamais été vraiment connus.

En raison de la configuration du site et de la nécessité d’assurer le transit du débit de crues importantes, le barrage est en béton dans le lit du fleuve Sankarani. Il est prolongé en rive gauche et en rive droite par deux parties en terre pour assurer la fermeture de la retenue (Figure 4).

Fig. 4 : Vue succincte en plan du barrage

Le barrage béton comprend l’usine hydro-électrique, le déversoir et son dissipateur, ainsi que le barrage poids non déversant (Lire : Les ouvrages hydrauliques). Une route construite sur le couronnement du barrage permet de traverser le Sankarani en toutes saisons, chose qui était impossible en période de crue du fleuve.

Le volume des matériaux mis en œuvre est considérable : 58 000 m3 pour le barrage en béton et la centrale ; 77 500 m3 pour le déversoir ; 30 500 m3 pour le barrage poids non déversant ; 240 000 m3 d’enrochements, 140 000 m3 de filtre et 1 300 000 m3 de corps du barrage pour le barrage en terre.

3.2. La centrale hydroélectrique

Sous une chute brute maximale de 17,50 m, une chute brute médiane de 13,50 m et une chute brute minimale de 8,50 m, sont installés quatre groupes composés de turbines Kaplan de 4 m de diamètre, des alternateurs à axe vertical couplés aux turbines dont la vitesse nominale est de 125t/mn. La puissance active nominale de chaque groupe est de 11,4 MW (13,4 MVA avec un cos phi de 0,85) pour une puissance totale de 44 MWe. La fréquence est de 50 Hz, la tension nominale de 8,66 kV et l’intensité nominale de 900 A (Lire : L’électricité : éléments essentiels, génération et transport).

Le poste de transformation est constitué de 3 transformateurs 8,66/150 kV de 18 MVA pour une puissance totale de 54 MVA. Le poste de Bamako situé à l’arrivée de la ligne de 150 kV est identique au poste de départ.

Composent la vantellerie : quatre grilles d’entrée de 13,5×13 m ; des batardeaux en quatre éléments pour obturation éventuelle de chacun des pertuis des turbines ; huit vannes aval (deux par groupe) commandées par des servomoteurs à double effet, assurant le rôle de vannes de sécurité, capables d’effectuer une coupure en charge en cas d’emballement du groupe.

Pourquoi avoir choisi d’installer des turbines Kaplan au lieu de groupes bulbes, plus modernes et moins encombrants ? Le débat entre EDF et Sogreah sur le sujet prend en compte les éléments suivants. Les groupes Kaplan sont plus rustiques et demandent un entretien moins attentif que les groupes bulbes plus sophistiqués qui équipent les centrales récentes de  la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) avec un personnel d’entretien très confirmé appartenant à EDF.  Des anciennes centrales sur le Rhône ont des turbines qui en 1976 fonctionnaient depuis une cinquantaine d’années sans aucun problème. En outre, les groupes Kaplan ont une inertie supérieure à celle des bulbes. Sélingué, dès sa mise en service, était appelé à piloter la stabilité du réseau de Bamako. Une régulation adaptée avait été prévue et fournie par Neyrpic pour assure en toute sécurité la stabilité de la fréquence du réseau. La suite a montré que la centrale a joué parfaitement son rôle à cet égard (Figure 5).

Fig. 5 Une turbine Kaplan. Source : Wikipédia

 

4. Les effets de Sélingué sur la production d’électricité

Ce barrage à but multiple a été construit dans les délais impartis à l’origine, puisque les premiers groupes ont fonctionné  dès l’été 1981 et que la réception des travaux a pu être prononcée en 1982. Le budget prévu a été parfaitement respecté. Le chantier avec la présence de 1 500 personnes dont une cinquantaine d’expatriés s’est déroulé sans incidents notables, dans de bonnes conditions de sécurité. Aucun accident mortel n’a été à déplorer. Ceci a été dû à une excellente coopération entre l’administration malienne, l’ingénieur conseil et l’entreprise, même si parfois les intérêts des uns et des autres pouvaient diverger.

Dès la fin des travaux une amélioration sensible de la qualité de l’alimentation en énergie a été constatée. Les 44 MWe de Sélingué ont multiplié par 8 la puissance installée hydroélectrique du Mali qui en 1990 produira 174 GWh, soit 4,5 fois plus qu’en 1980 (tableau 1).

 

Tableau 1 : Évolution de la puissance installée et de la production d’électricité au Mali

 

Puissance installée (MWe) Production électr.  (GWh)
Hydraulique Thermique Totale Hydraulique Thermique Totale
1975     6   31   37   39   53      92
1980     6   42   48   47   46      93
1985   53   42   95 149   24    173
1990   53   42   95 174   75    249
2000   59 110 169 245 455    700
2012 166 208 374 985 752 1 737

Source. Enerdata. Ces données diffèrent sensiblement de celles publiées pour 1975, 1980, 1985 et 1990 par Sokona Youba et Revet Dominique. Mali, in Girod Jacques, coordinateur (1994). L’énergie en Afrique, op. cit. pp. 256 et 262.

 

Avec la production de Sélingué, l’électricité n’a plus fait défaut à Bamako, mais le réseau de distribution de l’énergie du Mali, extrêmement vétuste, n’a pas permis d’éviter de nombreuses coupures de courant. Un recours accru à la thermoélectricité s’est alors imposé : sa part dans la production totale est remontée à 30  % en 1990 puis à 43 % en 2012, par réactivation de la centrale thermique de Dar Salam à partir de 1987 et développement de l’autoproduction de la Comatex à Ségou, Huicoma à Koutiala, la CMDT et les mines d’or de Syama, entre autres.

Début 2001, après un temps interminable de chantier, la mise en production de l’aménagement de Manantali (200 MWe) sur le fleuve Sénégal a cependant permis une reprise significative de la production hydroélectrique qui, en 2012, a dépassé la production thermoélectrique. Le potentiel hydroélectrique restant est estimé à environ 1 000 MWe répartis entre 650 MWe , soit un productible de 4 000 GWh/an, sur le fleuve Sénégal et ses affluents,  350 MWe sur le Niger, le Bani et ses affluents. Pour le développer, des coopérations devraient être établies avec les pays riverains du fleuve Sénégal : la Guinée, la Mauritanie et le Sénégal[2].

 

5. La maintenance des installations

À la fin des travaux, l’entreprise Sogreah a aidé l’administration malienne à mettre en place une structure d’exploitation en laissant à sa disposition pendant trois ans un ancien chef de centrale EDF et en faisant effectuer aux ingénieurs maliens, chargés de l’exploitation, des stages de formation dans les centrales EDF. Il faut cependant bien reconnaître que la culture de l’entretien systématique et préventif d’une installation hydroélectrique ou même thermique ne s’acquiert pas du jour au lendemain. Dans les pays européens, ce type de démarche n’est entré dans les mœurs que depuis le début de l’ère industrielle au 19ème siècle.

Dans un pays jeune comme le Mali, il en va tout autrement. C’est la raison pour laquelle, malgré de gros efforts de l’ingénieur conseil et de l’administration malienne pour organiser la maintenance de l’usine et du barrage, on a eu assez rapidement des avaries sur certains groupes turbine-alternateurs. Le gouvernement malien a donc été obligé de lancer en 2014  un appel d’offre pour la réhabilitation du barrage.

Il n’empêche que la centrale hydroélectrique a fonctionné à peu près correctement pendant les 30 ans qui viennent de s’écouler ce qui est à porter au crédit de la structure d’exploitation du barrage.

 

6. Les effets de la construction du barrage sur la vie de la population

Au-delà de sa contribution à l’approvisionnement en électricité, la construction du barrage a affecté de différentes façons l’économie et la société du Mali[3].

6.1. Le déplacement des populations

Le déplacement de 9 000 personnes a été traité dans une étude financée par le PNUD avec envoi d’experts de haut niveau qui se sont surtout attachés à apprendre à la population locale à reconstruire des cases, ce que son savoir-faire ancestral lui permettait de faire par ses propres moyens. Chaque famille devait recevoir une indemnité de déplacement qui lui a surtout permis de reconstruire ses cases en banco et paille.  Il est évident que, vu le temps imparti, ce chapitre a été assez mal traité par les bailleurs de fonds et l’administration malienne.

On a pu constater, dès la retenue en eau, que les populations se sont regroupées en bordure du lac, pour organiser une nouvelle vie en pratiquant des activités agricole et en profitant de la pêche, bien qu’il ait été évident que le bouleversement crée par la présence du plan d’eau, entrainant la disparition de plusieurs villages, avait constitué un traumatisme certain pour les populations ne bénéficiant en rien  des retombées économiques positives qui profitaient surtout à la capitale.

Ce problème est complexe, comme le souligne le rapport de 2011 de l’International Institute for Environment and Development (IIED) : « les populations, au départ, perturbées par l’avènement d’un phénomène nouveau (présence du barrage) semblaient avoir perdu tout espoir d’une vie normale. Quelques années plus tard, avec l’évolution du contexte administratif et politique notamment, cet espoir renaît. Les populations, mieux outillées, maîtrisent désormais les phénomènes (contacts avec les émigrés, non maîtrise des nouvelles pratiques agricoles, modifications des limites des terroirs, etc.) qui les perturbaient »

6.2. Le déboisement de la retenue

Le déboisement de la retenue sur 40 000 ha a été laissé à la charge du Mali, ce qui faisait partie de la  contrepartie malienne au financement du projet. Mais cette opération, qui aurait dû  être entreprise plusieurs années avant la construction de l’ouvrage, a été un fiasco, ce qui risque d’ailleurs d’entraîner, à terme l’eutrophisation de la retenue.

Les bailleurs de fonds, peu intéressés par ce sujet peu spectaculaire, n’ont pas dégagé de fonds pour que cette opération s’effectue correctement. Des experts canadiens avaient bien été dépêchés sur place avec des tronçonneuses sophistiquées mais ces dernières sont immédiatement tombées en panne et beaucoup ont été volées. Ils ont délivré des conseils pour la production de charbon de bois totalement inadaptés en préconisant la création de fosses d’incinération dans lesquelles aucun ouvrier pied nu ne pouvait accéder (Figure 6).

Fig. 6. Production de charbon de bois au mali. Source : maliweb.net

Finalement, sur les 40 000 ha, seuls 840 ont été déboisés avec fabrication de charbon de bois suivant les méthodes traditionnelles, en dehors de tout contrôle. Un commerce de charbon de bois semi-clandestin s’est également créé spontanément entre le site et Bamako, ce qui  a permis à la population déplacée de tirer quelque bénéfice de cette activité pendant la durée des travaux de construction du barrage.

6.3. La pêche

Elle s’est développée comme prévu, sans interventions extérieure, très spontanément. Dès que la retenue a été remplie, on a vu arriver sur le site une colonie de Bozzo, ethnie de pêcheurs venant de Mopti. Ils  ont créé, avec les populations locales, une véritable filière d’approvisionnement en poissons de  Bamako, filière qui comportait, entre autres, des groupes de fabrication de glace et des circuits de camionnettes bâchées.

Par la suite, le problème qu’a eu à traiter l’administration malienne a été la réglementation de la maille des filets, car, trop petite, elle menaçait le renouvellement des espèces et conduisait à l’appauvrissement du lac en matière piscicole.

6.4.L’agriculture

Les effets de la construction du barrage sur l’agriculture et sur le vie des populations locales ont été beaucoup plus mitigés, car un aménagement comme celui de Sélingué ne bénéficie pas systématiquement aux populations locales obligées de passer de la culture sèche traditionnelle, dont elles arrivaient à vivre en autarcie, à des cultures irriguées beaucoup plus difficiles pour lesquelles elles n’étaient absolument pas préparées[4].

 


Notes et références

[1] Sokona Youba et Revet Dominique. Mali, in Girod Jacques, coordinateur (1994). L’énergie en Afrique. Paris : Editions Karthala, 465 p (pp. 249-264). Les données sont celles de l’année 1980.
[2] Idem, op. cit, p. 254.
[3] Ces effets sont très bien analysés dans deux documents : le Rapport du 6 juin 1988 de la Banque Africaine de Développement (BAD)
 (www.afdb.org/fileadmin/…/06004242-FR-MALI-SELINGUE-DAM.PDF)  et l’ Etat des lieux et partage des bénéfices autour du barrage de Sélingué de février 2011 de l’ International institute for environment and development ( IIED)

[4] Voir rapport IIEDE, p. 49 et suivantes.

 


L’Encyclopédie de l’Énergie est publiée par l’Association des Encyclopédies de l’Environnement et de l’Énergie (www.a3e.fr), contractuellement liée à l’université Grenoble Alpes et à Grenoble INP, et parrainée par l’Académie des sciences.

Pour citer cet article, merci de mentionner le nom de l’auteur, le titre de l’article et son URL sur le site de l’Encyclopédie de l’Énergie.

Les articles de l’Encyclopédie de l’Énergie sont mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 4.0 International.

 


D'autres articles de la même catégorie :

hydraulique hydroélectricité enjeux développement durable
Donzere Mondragon
Toutes les rubriques de ce contenu.
Sommaire